Lannonciation est une des scènes dévangile
les plus représentées dans lart. Lartiste
nous présente ici deux personnages en conversation, le messager
et Marie. Aucun élément décoratif ne vient distraire
notre attention. Lange et Marie sont proches lun de lautre,
mais ne se regardent pas. Ils sont tournés vers un mystère
invisible, au centre du récit : la venue de lEmmanuel,
promesse dune présence de Dieu avec nous. Marie est à
la fois réflexive et bien solide : voici une femme qui a
les pieds sur terre et qui sinterroge.
Souvent, nous retenons
surtout la finale de ce récit : « Je suis la
servante du Seigneur, quil madvienne selon ta parole ».
Cest là le sommet mais il est le point d'arrivée
dune démarche, dun parcours croyant qui peut ressembler
aux nôtres, inspirer les nôtres. Ce oui de Marie
ne vient quà la toute fin. Avant cela, Marie a passé
à travers plusieurs étapes, qui montrent une femme en
recherche, quelquun qui ne se laisse pas impressionner si facilement
par la visite dun ange et qui se pose des questions.
Tout commence non par
Marie elle-même mais, comme dans toute nos annonciations, dans
tout signe de la venue de Dieu dans nos vies, par linitiative
de Dieu, qui nous dit sa bienveillance personnelle : « Réjouis-toi,
comblée de grâce. » Et la première
réaction de Marie face au messager de la grâce est celle
qui est normale, quand Dieu nous rend visite. Elle est bouleversée,
troublée, comme bien dautres personnages de la Bible,
devant une visite imprévue, un avènement du Dieu vivant
par sa parole ou par un signe. Juste avant Marie, Zacharie aussi a
été troublé par la visite dun messager
lui annonçant un fils. Un événement, un avènement,
qui dit que Dieu va nous rendre visite, quil est plus présent
que nous croyons, que quelque chose de neuf peut advenir. Et Marie,
comme nous, est bouleversée.
Mais elle nen reste
pas là. Elle cherche ensuite à comprendre ce que
signifie cette salutation, quest-ce que cela veut dire?
Elle entre alors dans une quête du sens de cette réalité
mystérieuse quelle entrevoit, qui vient à elle,
comme ces convertis qui font lexpérience bouleversante
dune sorte de visite intérieure et puis qui se mettent
en recherche, voulant saisir ce qui les a saisis. Lange doit
alors fournir des explications. Il pensait peut-être quil
naurait quà dire Ave Maria, et elle dirait
oui, allons-y. Mais il a devant lui quelquun de solide, qui
se tient. Alors il donne le sens de ce qui sannonce : la
visite du Dieu vivant parmi nous par une naissance, celle dun
fils qui sera Messie; et elle-même, Marie, va porter cette visite
de Dieu, elle y sera engagée personnellement.
Maintenant, cette visite
séclaire, un horizon de sens est présent. Mais
cela ne suffit pas à Marie; ce nest pas encore le oui.
Elle a besoin de plus dexplications, cette fois-ci non sur le
pourquoi, mais sur le comment : mais encore, comment cela
se fera-t-il? Lange est peut-être étonné
de tout ce travail quil doit faire : ces humains, il faut
tout leur expliquer. Alors il précise, il parle du rôle
de l'Esprit, du souffle même de Dieu qui fait toutes choses
nouvelles. Et enfin il atterrit, il offre un signe un peu plus concret,
accessible, pour dire que lEsprit de Dieu peut faire advenir
du neuf, un signe proche de Marie : sa cousine Élisabeth,
stérile, est enceinte. Un signe de fécondité,
dun don de la vie : cest de cela quil sagit,
quand Dieu rend visite. Au bout de cette longue recherche et de ce
dévoilement progressif, finalement, Marie dit son oui, son
consentement.
Marie, figure de lÉglise,
figure de chaque croyant et croyante dans son accueil de la Parole.
Temps du regard qui médite, qui sinterroge sur le pourquoi
et le comment, puis temps dun consentement personnel, pour participer
à la venue de Dieu parmi nous, à lenfantement
dune vie nouvelle.
Daniel Cadrin, OP