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chronique du 27 février 2009
 

Césarée, la cité portuaire d’Hérode

Césarée est associée à différents personnages du Nouveau Testament : Hérode, Pilate, Pierre, Paul... Ce site archéologique n’est ni le plus ancien ni le plus impressionnant de Terre sainte, mais c’est celui que je préfère. J’y suis allé à quelques reprises et je ne m’en lasse pas.

palais d’Hérode

L’emplacement du palais d’Hérode, au premier plan;
les gradins de l’amphithéâtre, à droite; et le bras de terre qui était prolongé
de la digue sud du port, au fond à gauche. (photo : C. Boyer)

     Césarée, aussi appelée Césarée maritime et Césarée-Sébaste (et qu’il faut distinguer de Césarée de Philippe, dans le Golan), est située sur la côte méditerranéenne à mi-chemin entre Tel-Aviv et Haïfa. Elle est l’œuvre d’Hérode le Grand qui l’a érigée sur le site d’un petit port phénicien tombé en ruine, la Tour-de-Straton. C’est Octave César Auguste qui, après sa victoire sur Marc-Antoine, avait donné la Tour-de-Straton et d’autres territoires à son roi-client Hérode afin qu’ils soient annexés à son royaume. La construction de la cité portuaire, le plus important projet d’urbanisme d’Hérode, nécessita douze années. C’est peu, considérant le résultat.

     Hérode nomma la ville « Césarée » et son port « Sébaste » (équivalent grec de Auguste), en l’honneur de son patron impérial. À l’époque la cité devait être magnifique. En arrivant par la Méditerranée, on apercevait les édifices qui longeaient le rivage : le palais d’Hérode, qui s’avançait dans la mer, et le théâtre, derrière au sud; l’amphithéâtre, le long de la côte, et le plus grand port de la région. Les fondations de ce port, qui ont fait l’objet de fouilles archéologiques sous-marines, sont perceptibles du ciel. Face au port était érigé un temple dédié à l’empereur visible de très loin puisqu’érigé sur un podium. La ville comportait en outre une muraille semi-circulaire, des rues disposées « à égale distance les unes des autres », comme le rapporte Flavius Josèphe, des entrepôts, un système d’égouts sophistiqué et un aqueduc alimentant bains et fontaines publiques.

arches de l'aqueduc romain

Avec mes amis de l’École biblique, petite pause sous les arches
de l’aqueduc romain qui transportait l’eau à Césarée depuis les montagnes
du Carmel situées à une dizaine de kilomètres au nord.
(photo : C. Boyer)

     Malgré la présence d’une importante communauté juive et samaritaine, Césarée était une ville à caractère plutôt païen. D’ailleurs, lorsqu’on arrivait à Césarée par bateau, la première chose qui attirait le regard était le grand temple dédié à Auguste et à Rome érigé face au port sur un monticule. On pouvait sans doute y offrir des sacrifices à ces « dieux protecteurs de la cité ».

     La population de Césarée, majoritairement non-juive, était fortement hellénisée. Césarée avait toutes les commodités voulues par le mode de vie gréco-romain, dont un théâtre, où pouvaient être jouées les pièces de Plaute ou de Térence; des thermes, avec ses bains chauds et froids; une sorte d’amphithéâtre où se déroulaient courses de chars et combats de gladiateurs. C’est là qu’Hérode avait inauguré sa ville par des jeux sportifs. Ces « jeux de Césarée » continuèrent d’avoir lieu tous les cinq ans et attiraient des athlètes de partout à travers l’empire romain. Josèphe précise que lors de ces jeux, Hérode récompensait non seulement les vainqueurs, mais aussi ceux qui arrivaient en second et en troisième, une innovation hérodienne qui a traversé le temps...

restes du temple d'Hérode

Restes du temple d’Hérode dédié à Auguste.
 (photo : C. Boyer)

     Après la mort d’Archélaüs, le fils d’Hérode, Césarée devint la capitale politique et administrative de la province romaine de Judée. L’hétérogénéité de Césarée occasionnait de fréquentes querelles entre juifs et païens. C’est même l’une d’elle, où des milliers de juifs furent massacrés, qui constitua l’élément déclencheur de la révolte de 66-70 qui devait conduire à la destruction du temple de Jérusalem. Au cours de la révolte, Césarée servit d’abord de quartier général aux troupes romaines commandées par Vespasien, puis après que ce dernier fut acclamé empereur, il l’éleva au rang de colonie romaine. Son fils, Titus, qui avait repris les commandes de la répression, y rapportera les trésors du temple ainsi que les milliers de prisonniers juifs, dont plusieurs centaines périrent dans l’amphithéâtre de Césarée sous les coups des gladiateurs ou les griffes des bêtes fauves.

théâtre de Césarée

Le théâtre.
(photo : C. Boyer)

     Le théâtre de Césarée, aujourd’hui rénové, donne une bonne idée de ce que devait avoir l’air celui qu’avait fait construire Hérode. Il pouvait contenir environ 4000 spectateurs, c’était peut-être un des plus beaux de l’Orient à l’époque. Au cours des siècles suivants, il a subi diverses transformations, l’une d’elle étant l’aménagement d’un petit escalier. En retournant une des marches de cet escalier, les archéologues virent qu’elle comportait une inscription : ...S TIBERIEVM ... NTIVS PILATVS ... ECTVS IVDA, qui peut être reconstituée : ...s Tiberiéum ... [Po]ntius Pilatus ... [Praef]ectus Iuda[ea]e.

     On ne sait pas trop ce qu’est ce Tiberiéum, mais il s’agissait vraisemblablement d’un temple ou d’un autre type de bâtiment qu’avait fait ériger, en l’honneur de l’empereur Tibère, le gouverneur romain dont la restitution du nom sur l’inscription ne fait aucun doute : Ponce Pilate. Plus tard, alors que ce bâtiment eut perdu son utilité, ses matériaux furent réutilisés pour réaménager le théâtre. L’inscription qui figure sur la pierre de remploi est très intéressante. Elle permet de mieux connaître la titulature des premiers gouverneurs de Judée, qui portaient non pas le titre de « procurateur » mais celui de « préfet ». Elle constitue aussi un témoignage archéologique de la présence en Palestine d’un personnage que les évangiles font directement intervenir dans les événements ayant conduit à l’exécution de Jésus à mort.

inscription de Césarée

Une reproduction de la fameuse « inscription de Césarée » figure
sur le site de Césarée, non loin de là où elle fut trouvée.
L’original est conservé au musée d’Israël.
(photo : C. Boyer)

     La présence d’une communauté juive organisée à Césarée contribua sans doute à l’implantation du christianisme dans cette ville, qui finit par en devenir un centre important (avec Origène, Eusèbe). Césarée est souvent mentionnée dans les Actes des Apôtres. C’est là que s’établit Philippe, un des Sept (Ac 8,40; 21,8), et c’est là qu’eut lieu la conversion du centurion Corneille par Pierre (Ac 10,1s.), un récit qui est à situer dans le contexte du débat entourant l’ouverture du christianisme aux païens. C’est aussi à Césarée qu’est mort le roi Hérode Agrippa Ier, comme on peut le lire dans les Actes (Ac 12,19-23). Flavius Josèphe précise que c’est dans le théâtre que ce petit-fils d’Hérode contracta la maladie qui occasionna son décès. Agrippa avait obtenu la royauté sur la Palestine (de 41 à sa mort en 44) et avait reçu Césarée comme cadeau par l’empereur Claude. Après sa mort, la Judée (Césarée comprise) redevint une province administrée directement par Rome.

     Paul a souvent dû passer par Césarée. C’est là qu’il débarque lorsqu’il vient en Judée et qu’il rembarque pour retourner à Tarse (Ac 9,30; 18,22). C’est aussi à Césarée qu’il sera fait prisonnier pendant deux ans, « dans le prétoire d’Hérode » précise Ac 23,35, c’est-à-dire dans le prétoire du palais construit par Hérode et qui devint la résidence des gouverneurs de Judée. Et c’est de là qu’il partira pour Rome après en avoir appelé à César (Ac 25,11-12).

Romains 13,13

Dans la Césarée d’époque byzantine, les fonctionnaires impériaux qui percevaient les taxes ne se gênaient visiblement pas pour instrumentaliser la citation de Paul qu’on peut lire sur une des mosaïques au sol : « Tu ne veux pas avoir à craindre l'autorité? Fais le bien. » (Rm 13,3). Une façon de dire : paye tes impôts et on te laissera tranquille! (photo : C. Boyer)

Chrystian Boyer

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En route vers Bethléem

 

 

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