Dans ce récit, le comportement des apôtres reflète une mentalité étonnante. Comment se peut-il qu'ils en soient encore à convoiter les meilleures places? Comment se peut-il qu'ils confondent encore le Royaume de Dieu avec celui d'ici-bas? Ne sont-ils pas à l'école du meilleur des maîtres?

     En revanche, ce passage ne manque pas d'authenticité. Pourquoi? Parce qu'il nous renvoie une image peu flatteuse des intimes du Christ. Le rédacteur n'a pas voulu nous présenter des personnages hors du commun. La gloire que Jésus promet les fascine. La cause qu'il défend leur tient à cœur. Mais cette gloire et cette cause sont à moitié saisies : ils y flairent une libération et rêvent d'un nouveau chef en la personne de Jésus. Le temps venu ils pourront alors tenir les premiers rôles sous ce nouveau régime.

Une drôle de place

     Jésus se rend compte de l'incongruité de leur demande : Vous ne savez pas ce que vous demandez (Mc 10, 38). Et le voilà en train de leur faire comprendre que la première place dans le Royaume demeure le secret du Père (v. 40). Et nous savons, nous, que la gauche et la droite sont déjà réservées pour deux bandits notoires (Mc 15, 27) et qu'un de ces larrons se verra offrir le paradis en prime…

     Puis Jésus trace, en bref, le portrait des chefs des nations païennes et comment les grands [de ce monde] font sentir leur pouvoir (v. 42). Et il ajoute, sans ambages : Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi (v. 43). Enfin, un double modèle leur est proposé celui de serviteur et d'esclave (vv. 43-44). Que les apôtres aient saisi l'image, cela est possible. Mais qu'ils aient été capables de s'y conformer sur le champ, cela reste à voir. L'Église, dont ils seront les pierres vivantes (1 Pi 2, 5), est en plein chantier. Si Jésus en demeure le maître d'œuvre, elle est loin d'être parachevée…

Une lente maturation

     Peu à peu, le groupe des disciples formera le véritable Royaume dont la lente maturation est toujours en train de s'accomplir. Sous l'influence de l'Esprit, ces premiers appelés iront jusqu'au martyre pour témoigner qu'enfin ils ont compris ce que boire à la coupe du Maître et être plongés dans le baptême de son Sang (v. 39) signifient…

Ghislaine Salvail. SJSH
M. en théologie
Licence en Littérature française
Baccalauréat en enseignement

Source: Le Feuillet biblique, no 1941. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
Un choix douloureux