Le
chemin du Christ
L'entrée triomphale à Jérusalem
: Matthieu
21, 1-11
Autres lectures : Isaïe
50, 4-7;
Psaume
21(22); Philippiens
2, 6-11
Quand Matthieu raconte l’entrée
de Jésus à Jérusalem, il précise que
cela s’est passé pour accomplir la promesse transmise
par le prophète : Dites à la fille de Sion : Voici
ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse
et un petit âne, le petit d’une bête de somme (21,
5, citant Isaïe
62, 11 ; Zacharie
9, 9). Pourtant, quand Jésus entra dans la ville, on
se demandait : Qui est cet homme ? Et les foules répondaient
: C’est le prophète Jésus (Mt
21, 10-11).
Tout cela reflète bien le contexte dans lequel
nous lisons cette année la Passion selon saint Matthieu.
En effet, pour nous qui avons la foi, la Semaine sainte et la fête
de Pâques seront l’occasion de laisser à nouveau
entrer chez nous le roi de douceur et de paix. Mais pour ceux qui
ne croient pas et qui parfois même s’opposent à
toute manifestation religieuse dans le domaine public, Jésus
n’est rien de plus qu’un grand homme, un prophète
comme tant d’autres. De Nazareth! Peut-il sortir de là
quelque chose de bon ? (Jn 1, 46).
À
la suite du Christ
À nous qui voyons en lui le messie promis, Jésus
redit aujourd’hui : Mon temps est proche; c’est chez
toi que je veux célébrer la Pâque (Mt
26, 18). Pour cela, il importe de suivre Jésus jusqu’à
la croix. Notre présence à l’église à
tous les dimanches et les efforts que nous faisons pour ajuster
nos vies à l’Évangile témoignent déjà
de notre volonté de suivre le Christ jusqu’au bout.
Comme Pierre, nous sommes prêts à déclarer :
Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi,
je ne tomberai jamais (26, 33). Même si je dois mourir
avec toi, je ne te renierai pas (26, 35). Pourtant, quand la
croix se dresse à l’horizon, nos beaux discours ne tiennent
pas toujours la route. Heureusement, au moment d’offrir sa
vie, Jésus précise que son sang est répandu
en rémission des péchés (26, 28). Et
il promet : Je boirai un vin nouveau avec vous dans le Royaume
de mon Père (26, 29).
Se
fortifier par la prière
En gravissant la route du calvaire, Jésus nous
montre le chemin. Il nous invite d’abord à trouver comme
lui la force d’aller jusqu’au bout dans la prière
: Demeurez ici et veillez avec moi (26, 38). Aurons-nous
la force de veiller avec lui? Ou bien tomberons-nous endormis comme
Pierre, Jacques et Jean? Dans sa prière, Jésus demande
: s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi!
(26, 39). Et, comme il nous l’a enseigné dans le
Notre Père, il s’empresse d’ajouter : Cependant,
non pas comme je veux, mais comme tu veux (26, 39), que ta
volonté soit faite! (26, 42). Que le Seigneur nous éveille
à la vraie prière. Malgré tout ce qui nous
engourdit et nous rend lourds de sommeil, qu’il continue de
nous offrir son amitié, lui qui a répondu au baiser
de Judas en l’appelant mon ami… (26, 50).
En contemplant la prière de Jésus, nous
nous étonnons de ce que Dieu le Père ne semble pas
lui répondre. À cause du silence de Dieu, nous sommes
parfois tentés, comme l’un des disciples d’alors,
de prendre les choses en main. À celui qui a dégainé
son épée et tranché l’oreille du serviteur
du grand prêtre, Jésus déclare que tous ceux
qui prennent l’épée périront par l’épée
(26, 52). Dieu aurait pu choisir d’envoyer plus de douze
légions (26, 53), soixante-douze mille anges pour éviter
la croix à son Fils! Mais alors, comment s’accompliraient
les Écritures? (26, 54) Dit autrement, Dieu aurait pu
révéler sa puissance à la manière des
hommes, mais alors, nous n’aurions pas su jusqu’où
peut aller l’amour, la véritable puissance de Dieu!
La
montée invincible de l'amour
Dans le reste du récit de la Passion, Jésus
nous montre jusqu’où va l’amour. Avant même
le procès devant le Sanhédrin, son sort est déjà
décidé : On cherche un faux témoignage contre
Jésus pour le faire condamner à mort (26, 5.9).
Heureux serez-vous […] si l’on dit faussement toute
sorte de mal contre vous (5, 11)! Voilà pourquoi Jésus
ne se révolte pas. Il se contente de dire la vérité
sur ce qu’il est : Le Fils de l’homme siégeant
à la droite du Tout-Puissant (26, 64). Au même
moment, Pierre, qui était assis dehors dans la cour
(26, 68) renie son maître : Je jure que je ne connais pas
cet homme (26, 72). Le chant du coq lui rafraîchira la
mémoire et provoquera les larmes qui marqueront le début
de sa conversion. Chez Judas, la condamnation de Jésus aura
un effet contraire. Pris de remords, il rapporte le salaire de sa
trahison et va se pendre. Pierre et Judas avaient tous deux trahi
leur maître. Tous deux avaient péché. Le premier
a cru en la miséricorde de Dieu et, pardonné, il est
devenu l’apôtre sur lequel Jésus a bâti
son Église (voir 16,
18). L’autre n’a pas cru en la miséricorde
et a choisi la mort!
Devant Pilate, les chefs des prêtres et les anciens
du peuple ne changent pas de stratégie : Ils tinrent conseil
contre Jésus pour le faire condamner à mort (27,
1). Cette fois, Jésus choisit le silence. Pilate cherche
à intervenir en sa faveur. Sa femme l’avertit : Ne
te mêle pas de l’affaire de ce juste (27, 19). Finalement
Pilate s’en lave les mains et déclare : Je ne suis
pas responsable du sang de cet homme (27, 24). Et le peuple
de répondre : Son sang, qu’il soit sur nous et sur
nos enfants! (27, 25). Cette répartie qu’on ne trouve
que chez Matthieu risque d’être mal interprétée.
« Ce n’est pas une automalédiction du peuple juif
; c’est une formule légale prenant la responsabilité
d’un homme jugé criminel. Matthieu sait ce que le peuple
ignore : Jésus est innocent ; et selon lui la responsabilité
(et la punition) de la mort de ce juste est retombé plus
tard sur tout le peuple quand les Romains ont détruit Jérusalem
et le Temple »1.
La
création d'un monde nouveau
La suite de la Passion selon Matthieu ressemble beaucoup
à ce que nous retrouvons chez Marc, Luc et Jean : chemin
de croix; crucifiement; moquerie des passants, des grands prêtres,
des scribes, des anciens et même des bandits crucifiés
avec lui ; mort de Jésus. Mais une fois que Jésus
a rendu l’esprit, Matthieu est le seul à préciser
: La terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux
s’ouvrirent; les corps de nombreux saints qui étaient
morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après
la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans
la ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre
de gens (Mt 27, 51-52). Ces événements
rappellent la réponse de Jésus au questionnement de
Jean Baptiste un peu plus tôt dans l’Évangile
de Matthieu : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre
un autre? Jésus leur répondit : Allez rapporter à
Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles voient, les boiteux
marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent,
les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée
aux pauvres. Heureux celui qui ne tombera pas à cause de
moi ! (11, 3-6). Pas étonnant donc que, à la vue
du tremblement de terre et de tous ces événements,
le centurion et ceux qui gardaient Jésus furent saisis d’une
grande frayeur et dirent : Vraiment, celui-ci était le
Fils de Dieu ! (27, 54).
En suivant Jésus dans sa Passion, puissions-nous
reconnaître en lui notre roi, le Fils de Dieu, qui rend présent
dans notre quotidien le Royaume des cieux.
__________________
1 R.E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament
?, Paris, Bayard, 2000, p. 243.

Source: Le Feuillet biblique,
no 2135. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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