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2e dimanche de l'Avent C - 6 décembre 2009

 

 

Préparez le chemin du Seigneur

La prédication de Jean le Baptiste : Luc 3, 1-6
Autres lectures : Baruch 5, 1-9 ; Psaume 125(126); Philippiens 1, 4-6.8-11

 

Un personnage incontournable du temps de l’Avent, c’est Jean le Baptiste. Au moment où nous entreprenons la lecture systématique de l’Évangile de saint Luc dans le cycle « C » du Lectionnaire des dimanches, on doit s’arrêter à ce que saint Luc raconte d’original au sujet du précurseur de Jésus. En fait, saint Luc a insisté dans son évangile sur la miséricorde et la réconciliation. Pensons à la parabole de l’enfant prodigue ou à celle du bon Samaritain, récits de l’amour retrouvé entre un père et son fils, puis entre un juif de Jérusalem et un schismatique de Samarie. La mission de Jean, dans le même esprit sera celle de faire retrouver la paix. L’ange Gabriel qui annonce la naissance de Jean à son père Zacharie, dit ceci : Il viendra comme messager de Dieu avec l’esprit et la puissance du prophète Élie, pour réconcilier les pères avec leurs enfants et ramener les désobéissants à la sagesse des justes (Luc 1, 17).

     Le Nouveau Testament présente Jean comme l’homme de la joie (Luc 1, 58.67). Le précurseur se voit comme le compagnon de l’époux, tout joyeux d’entendre la voix du marié (Jean 3, 29). Il a prêché près du Jourdain, à l’air libre et non dans le temple qui n’était pas un lieu favorable pour s’adresser aux non-juifs. Notons que dans la tradition littéraire chrétienne, on a souvent préféré sa figure d’homme de la rigueur plutôt que celle de témoin de la joie. Voyons la chose de plus près.

Jean Baptiste et sa mission chez les écrivains de notre époque

     Le poète espagnol Cabodevilla écrit : « Un prophète, c’est un homme ardent, terrible, effrayant, un justicier emporté par sa passion pour l’absolu ». « Les nabis des Écritures juives, poursuit-il, menaçaient et maudissaient. Ils étaient comme une flamme. Ils parlaient comme quelqu’un qui agite un fouet, comme quelqu’un qui déchire les entrailles avec le fer, comme quelqu’un qui arrache une femme aimée des bras de son amant. Les prêtres et les rois demeuraient terrifiés devant eux. À vrai dire leur mission n’avait rien d’attrayant. Ils l’accomplissaient souvent de mauvais gré, sachant que des dangers terribles planaient sur les têtes. Il leur était franchement impossible de se taire. Leurs paroles, avant d’allumer un incendie dans les cœurs, enflammaient leur gorge. Ils avaient la responsabilité de maintenir l’espérance messianique en dénonçant et en corrigeant autant de dépravations qu’il pouvait se trouver en Israël pour s’opposer à cette espérance. Ils avaient reçu la charge de soigner avec du sel et du feu ».

     C’est en remplissant ce rôle dont les traits avaient été dessinés par ses prédécesseurs que Jean Baptiste a exercé la fonction de prophète. Il a reproché aux fonctionnaires du fisc leur corruption généralisée, aux militaires leur violence trop souvent gratuite, au roi son adultère. À tous, il a mis sur le nez l’injustice envers les pauvres. Il se distinguait par l’insistance qu’il mettait sur l’intériorité. En effet, il proposait la métanoia, le changement de nous (ce mot grec qui désigne l’intérieur de la personne humaine). Jean Baptiste est venu préparer la venue du Christ dans une conversion des motifs d’action qui sont le secret de chacun. En outre, il a eu la joie de voir le Christ.

     « Seul, rapporte Giovanni Papini, sans l’épaisseur d’un toit ou même une toile tissée pour s’abriter, sans l’aide d’un auxiliaire pour préparer sa nourriture, Jean n’avait rien à lui hors ce qu’il avait sur le dos. Enveloppé dans une peau de chameau, avec à la taille un ceinturon de cuir ; grand, austère, osseux, brûlé par l’astre du midi, le poil sur la poitrine, les cheveux longs jusqu’aux épaules, la barbe lui cachant presque le visage, il laissait voir sous les sourcils broussailleux, deux pupilles comme des éclairs avec quelque chose de sauvage quand de sa bouche dissimulée, il laissait échapper des paroles de réprobation. Cet habitant de terres ingrates avait le magnétisme d’un yogi, qui méprisait les plaisirs comme les stoïques et qui apparaissait aux yeux des gens baptisés par lui comme l’ultime espérance d’un peuple désespéré. Jean, le corps consumé par le soleil du désert, et l’âme à vif par le désir du règne, est l’annonciateur, le feu. Dans la personne du Messie qui doit venir, il voit le Maître de la flamme ».

Jean Baptiste et l’espérance de l’Avent

     Ces portraits d’écrivains modernes montrent la fascination qu’a exercée pendant des siècles et aujourd’hui la figure de Jean le Baptiste. L’Église de notre temps ne l’oublie pas non plus puisqu’elle fait de lui et de son message un thème de l’Avent. Jean a été la voix qui crie : Préparez le chemin du Seigneur. Il a clamé son appel jusqu’à mourir pour le Seigneur. Saint Augustin, avec un grand réalisme disait à propos des martyrs : Si nous ne pouvons pas les imiter, lisons au moins leur histoire. Notre esprit sera occupé à une entreprise utile.

Sept personnages et l’Avent

     Avant de raconter ce que faisait Jean, saint Luc énumère sept noms de personnages de pouvoir. Saint Luc fait ainsi œuvre d’historien pour montrer que les héros de son évangile ne sont pas des mythes comme les aimaient les écrivains du paganisme. Jean et Jésus sont des êtres de chair et de sang, le salut du monde s’est vécu dans l’histoire des hommes et des  femmes d’une époque bien définie.

     Quand Luc nomme les autorités politiques et religieuses contemporaines, que veut-il nous dire ? Bède le vénérable, le grand saint du Moyen Âge anglais, suggérait que les rois et les prêtres ont été évoqués pour rappeler que Jésus a été lui aussi mais d’une manière différente un roi et un prêtre. La terre sainte est divisée entre plusieurs maîtres ; cela est pour montrer, dit Bède le vénérable, que l’humanité a besoin d’unité et que le Christ la lui donnera.

Le Christ et les religions du monde

     Dans une perspective moderne, on peut envisager que ces noms, celui de l’empereur Tibère, ceux des gouverneurs et roitelets de Palestine, ceux des grands prêtres Anne et Caïphe, nous font nous souvenir des religions de l’Antiquité témoignant des aspirations religieuses de l’humanité et du sacerdoce qui leur est attaché. Tibère César, autorité suprême chez les Romains, portait le titre d’imperator, de consul et aussi de pontifex maximus (prêtre suprême), ce dernier attribut étant le plus important, non renouvelable périodiquement comme les deux autres. Le pontife suprême devait agir en serviteur de la divinité comme tout autre titulaire d’une responsabilité civique. Les Romains étaient en quête de vérité dans le domaine religieux.

     Les noms d’Anne et de Caïphe forment un rappel du judaïsme. Ils étaient des grands prêtres au temple de Jérusalem, chargés d’offrir des sacrifices et en plus de transmettre l’enseignement de Moïse et des prophètes. Le judaïsme adorait le Dieu unique et constituait la religion qui fut celle de Jésus.

     Rappelons la doctrine catholique sur les religions non-chrétiennes. À leur sujet, la déclaration du concile de Vatican II dit ceci dans Nostra Aetate : « Les autres religions (que le christianisme) qu’on trouve de par le monde s’efforcent d’aller au-devant, de façons diverses, de l’inquiétude  du cœur humain en proposant des voies, c’est-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés. L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la Vérité qui illumine tous les hommes » (Nostra Aetate n. 2).

 

Pierre Bougie, PSS

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2207. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Dieu tient Parole. Sa lumière se lève.