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2e dimanche ordinaire C - 17 janvier 2010

 

 

Un récit bizarre...

Le signe de l'eau changée en vin : Jean 2, 1-11
Autres lectures : Isaïe 62, 1-5; Psaume 95(96); 1 Corinthiens 12, 4-11

 

Voilà un bien surprenant récit de noces! À une noce, on s'attendrait à entendre parler des époux. Or, ces époux restent anonymes! Et encore, de l'épouse, on ne dit pas un mot! L'ordre d'apparition des personnages est également curieux : La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples (Jean 2,1). Jésus n'apparaît qu'en second lieu, invité par dépit, dirait-on. Les dialogues sonnent aussi étranges. Et que font ces jarres de purification des Juifs dans une salle de noces? Mais le plus curieux de tout, c'est la fin du récit : Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui (Jean 2,11). N'est-il pas étrange que le premier signe qui manifeste sa gloire ait été un geste ayant si peu d'incidences sur le salut du monde, soit celui de sauver une « fête » qui risquait de finir trop tôt? Non, vraiment, en ne restant qu'au sens littéral, on ne comprendra pas grand'chose, sinon que Jésus, capable de changer l'eau en vin, semblait posséder un pouvoir surnaturel. Mais est-ce vraiment cela que Jean cherche à nous révéler de Jésus?

La profondeur johannique

     Nous sommes en présence d'un texte johannique, donc d'un texte à plusieurs niveaux de compréhension, d'un texte habilement construit comme Jean sait le faire: chaque mot est placé, chaque élément symbolique déposé, comme pierre de mosaïque, avec précision dans l'ensemble. Il faut donc en décortiquer un par un les éléments symboliques pour entrer dans la vérité théologique du texte.

Un doigt pointé vers la croix

     Notez d'abord tous ces détails du texte qui pointent vers le sommet du quatrième évangile, soit « l'heure de Jésus » qui, pour Jean, est la croix. Les premiers mots du texte, Le troisième jour réfèrent sans ambiguïté à la résurrection de Jésus. La présence de la mère de Jésus, présente qu'à deux seuls endroits dans l’Évangile de Jean, ici et au pied de la croix, pointe aussi vers la mort-résurrection de Jésus. Notez également qu’à ces mêmes deux occasions, elle sera appelée « Femme » par son fils.  La mention de l'heure dans la bouche de Jésus va dans le même sens. Ici, elle n'est pas encore venue, mais elle sera pleinement achevée justement à la croix. La croix, qui sera le grand signe par lequel Jésus manifestera pleinement sa gloire, se trouve donc ici anticipée par ce premier signe, dévoilant déjà un peu sa gloire. Tous ces indices nous aiguillonnent sans doute vers une compréhension « pascale » du récit. Autrement dit, plus qu'un récit anecdotique rapportant un miracle de Jésus, il s'agit sans doute d'un texte qui veut nous parler de la nouveauté apportée par la mort-résurrection de Jésus.

L'autre doigt pointé vers l'alliance

     Autres choses à considérer, les motifs symboliques des noces, du vin et de l'Époux, sont présents dans l'Ancien Testament et jouent leur rôle dans la compréhension profonde du texte. Dans l'Ancien Testament, l'allégorie conjugale est très présente (on en a d'ailleurs un exemple en première lecture de ce dimanche), l'Époux étant Dieu, marié à son épouse, le peuple d'Israël (épouse souvent infidèle), avec qui Dieu veut faire et refaire alliance. Les noces et le vin ajoutent les dimensions amoureuse et joyeuse dans lesquelles se nouent cette alliance. Les noces et le vin sont aussi associés symboliquement à l'arrivée des temps messianiques. Les prophètes de l'Ancien Testament appelaient à un renouvellement de l'Alliance, jadis nouée au Sinaï, entre Dieu (l'Époux) et Israël (son épouse) et entrevoyaient celui-ci pleinement réalisé à la venue prochaine du Messie. Noces, vin et Époux pointent donc vers un contexte d'alliance. Avec tout ce vin que procure Jésus dans notre récit, cela voudrait-il dire qu'il est ce Messie?

La mère présente aux Noces avant Jésus

     Il n'est pas rare dans la Bible qu'une femme personnifie un peuple entier. La mère de Jésus, présente aux Noces avant l'arrivée de Jésus, ne représenterait-elle pas Israël avec qui Dieu avait déjà noué une alliance, Israël en attente du Messie qui renouvellerait l'alliance? Cette mère, le Judaïsme, constate le manque de vin, constate le manque de joie, constate que la première alliance avait donné ce qu'elle avait à donner. À preuve qu'elle symbolise le peuple en attente, cette mère parle le même langage qu'Israël. En effet, le Faites tout ce qu'il vous dira mis dans la bouche de Marie s'apparente étrangement aux paroles que dit Israël au pied du Sinaï, lorsque Moïse lui propose d'entrer dans la première alliance (voir Exode 19,8). La mère de Jésus appelle les serviteurs à entrer dans une nouvelle alliance en faisant désormais tout ce que dira Jésus, son fils.

Des cuves remplies de vin nouveau

     Les cuves dans la salle de noces? Bizarre! Il est précisé que ces jarres servaient aux rites de purification des Juifs. Si elles sont vides, c'est qu'elles ne peuvent plus remplir leur rôle de purification. En plus, elles sont au nombre de six, chiffre biblique symbolisant l'imperfection. Par ces détails, l'auteur ne suggère-t-il pas la désuétude du judaïsme, ne suggère-t-il pas que les rites juifs n'arrivaient plus à procurer une véritable purification, un vrai pardon des péchés de la part de Dieu. Et, par quoi ces cuves seront-elles remplies? Par le vin nouveau que Jésus procure. Un vin (peut-être aussi un sang) d'alliance nouvelle et éternelle, versé pour la multitude en rémission des péchés, cela nous semble familier? Et si l'auteur cherchait à nous dire que c'est par la croix de Jésus, son sang versé, que, désormais, le pardon, la véritable purification, nous était donné? Et que l'eucharistie nous donne de goûter aux fruits de la croix?

L'époux n'est pas celui qu'on croit

     Les noces, au temps de Jésus, duraient près d'une semaine et c'était le rôle de l'époux de voir à ce qu'il y ait du vin en quantité suffisante pour toute la durée de la fête. Or, qui, dans notre récit, procure le vin de la noce? N'est-ce pas Jésus qui se substitue à l'époux? Jean essaie-t-il de nous dire que Jésus est l'Époux, rôle joué par Dieu dans l'Ancien Testament, affirmation subtile mais bien réelle de la divinité de l'homme Jésus?

Des noces de Cana... aux noces messianiques

     Maintenant qu'on comprend tout cela... tentons une synthèse du message si riche de ce petit récit. Et si l'évangéliste voulait se servir d'un épisode de la vie de Jésus, sa présence à des noces quelque part en Galilée, pour nous parler en fait de noces d'un autre ordre? Pour nous dire que Jésus est bien ce Messie qu’attendait Israël (figurée par la mère de Jésus), le Messie qui apporte une plénitude de joie (de vin), un Messie dont la croix sera la glorification et la source d’un pardon véritable. Et que ce Messie est aussi l’Époux qui refait alliance avec un nouveau peuple, le peuple des serviteurs, de ceux qui croient en lui.

L'allégorie conjugale
Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu (Isaïe 62, 5)

     Voilà un des nombreux passages de l’Ancien Testament qui recourt à l’allégorie conjugale pour parler de la relation d’amour entre Dieu et son peuple. Dieu tient toujours le rôle de l’Époux et Israël, celui de l’épouse que, malgré toutes ses infidélités à l’Alliance, Dieu veut toujours reconquérir. Ce thème des noces parcourt la prédication de nombreux Prophètes (voir par exemple : tout Osée; Is 54,1-8; Jr 2,2; Ez 16). Ce passage offre un parallèle naturel avec l’évangile des Noces de Cana où Jésus est révélé comme l'Époux de la nouvelle Alliance.

Patrice Bergeron, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2213. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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