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Baptême du Seigneur A - 9 janvier 2011

 

 

La manifestation du Serviteur de Dieu

Le baptême de Jésus : Matthieu 3, 13-17
Autres lectures : Isaïe 42,1-4.6-7; Psaume 28(29); Actes 10, 34-38

 

Le baptême de Jésus est l’un des faits les moins contestés sur le plan historique. Même les critiques les plus radicaux admettent que les premiers chrétiens n’auraient pas inventé un événement aussi embarrassant. Avouer que Jésus avait été baptisé par Jean (ou par un de ses disciples) n’était-ce pas reconnaître aussi qu’il s’était mis à son école et, par conséquent, que Jean lui était supérieur? Chaque évangéliste a aménagé le récit à sa manière pour tenter de corriger cette impression. Il faut se rappeler qu’au moment où les évangiles sont mis par écrit, il existe encore des communautés qui se réclament de Jean comme leur maître (cf. Ac 19, 1-7).

Baptiser dans l’Esprit saint et dans le feu (Mt 3, 11)

     Le découpage des péricopes d’évangile en fonction de la liturgie fait en sorte qu’on a lu la prédication de Jean Baptiste le 2ième dimanche de l’Avent, donc à peu près un mois avant la fête du Baptême de Jésus. Dans l’Évangile de Matthieu, les deux scènes se suivent immédiatement. Jean annonce la venue d’un plus fort qui accomplira un nouveau baptême dans l’Esprit saint et le feu, Jésus se présente à lui – sans aucun contact préalable entre eux – et Jean le reconnaît comme celui qui pourrait donner ce nouveau baptême dont lui-même a besoin (cf. v. 14). Il s’agit clairement d’une présentation théologique destinée à mettre en lumière le sens des événements et non pas d’un compte-rendu des faits tels qu’ils ont pu se dérouler.

     Pour mieux comprendre la signification du baptême – celui de Jean comme le baptême chrétien – il faut se rappeler que les mots de la famille baptô – baptizô signifient d’abord : plonger, être submergé. Même si nous ne savons pas exactement comment se déroulait le baptême de Jean, on est en droit de supposer que le baptisé descendait dans l’eau et s’y plongeait entièrement. Le rite signifiait une purification complète de ses péchés et le désir d’entreprendre une nouvelle vie (cf. Mt 3, 11).

     Lorsque le Baptiste annonce un baptême dans l’Esprit saint et le feu il n’envisage sans doute pas un rite où le sujet devrait plonger dans les flammes. Il s’agit d’une réalité nouvelle : être plongé dans l’Esprit saint et le feu signifie une transformation en profondeur de tout l’être par l’Esprit de Dieu : L’Esprit de Yahvé fondra sur toi (…) et tu seras changé en un autre homme (1 Samuel 10, 6). Il semble que Jean envisage pour les temps messianiques une expérience semblable à celle de Saül pour tous ceux qui recevront ce baptême. Par ailleurs le feu est souvent associé au jugement de Dieu (voir, par exemple : Isaïe 30, 33; 33, 11; Amos 7, 4). Il est aussi un signe de la présence de Dieu (cf. Exode 19, 18; 24, 17; Deutéronome 4, 12.15 etc.). Le Deutéronome va jusqu’à dire : Notre Dieu est un feu dévorant (Dt 4, 24). Le baptême dans le feu suppose donc une expérience exceptionnelle de la présence divine. Reconnaître Jésus comme celui qui peut donner ce baptême nouveau équivaut à proclamer qu’il est l’envoyé définitif de Dieu chargé de réaliser enfin les promesses du salut. C’est pourquoi Jean affirme qu’il a besoin d’être baptisé par Jésus (cf. v. 14) pour accéder lui aussi au Royaume espéré.

Accomplir (remplir) toute justice (v. 15)

     Les commentateurs ont toujours été mal à l’aise avec cette expression. Même les traducteurs du Lectionnaire ont choisi d’employer une périphrase : Accomplir parfaitement ce qui est juste. La justice dont il s’agit n’est pas un concept juridique mais théologique. Lorsque, dans le discours sur la montagne, Jésus demande aux disciples de chercher d’abord le Royaume et sa justice (Mt 6, 33) il envisage un comportement en accord avec le projet de Dieu dans toutes ses dimensions, alors seulement la justice des chrétiens pourra surpasser celle des scribes et des Pharisiens (cf. Mt 5, 20). Porter à son plein accomplissement la justice, c’est accueillir totalement le projet de Dieu et s’y conformer. Jésus, qui se reconnaît comme le Serviteur de Dieu (cf. Mt 12, 15-21) et dont toute l’existence se déroule dans l’obéissance à son Père (cf. Mt 26, 39), commence sa carrière publique par un geste d’humilité, recevoir le baptême de conversion donné par Jean.

Il vit l’Esprit de Dieu (v. 16)

     Le baptême – mentionné par un simple participe passé au début du v. 16 – n’est que le prélude à la scène suivante, la venue de l’Esprit. Le texte n’est pas parfaitement clair, surtout au v. 16. Matthieu a voulu, semble-t-il, laisser subsister l’ambiguïté concernant le sujet du verbe voir; est-ce Jésus ou Jean qui voit l’Esprit? Et à qui s’adresse la voix qui dit : Celui-ci est mon Fils … ?

     Après son baptême Jésus remonte de l’eau comme autrefois le peuple d’Israël était remonté du Jourdain pour entrer dans la Terre promise (Jos 4, 19). L’Esprit descend et vient sur lui. Les trois paliers de l’univers sont réunis : l’abîme, représenté par l’eau, le ciel d’où viennent l’Esprit et la terre où se produit la rencontre.

     Jésus a été conçu par l’action du Saint-Esprit (Mt 1,18). Il est en communion parfaite avec l’Esprit comme avec le Père. La scène qui suit son baptême révèle une réalité qui existe déjà. Elle désigne Jésus pour l’accomplissement d’une mission de la part de Dieu comme ce fut le cas pour les rois et les prophètes (cf. Nombres 27,18 : Josué; 1 S 16, 13 : David; Is 61, 1 : le messager de la bonne nouvelle etc.). La manifestation de l’Esprit sous une forme animale est un cas unique dans toute la Bible. Il s’agit probablement d’un rappel de la colombe qui a annoncé la fin du déluge et le début de la création nouvelle (Gn 8, 6-12). L’entrée de Jésus dans sa mission publique marque le début d’une ère nouvelle, celle de l’accomplissement des promesses de Dieu.

Celui-ci est mon Fils (v. 17)

     Jean était déjà conscient, on l’a vu, du fait que Jésus était ce plus puissant qui allait venir (cf. Mt 3, 11). La voix céleste, qui, selon toute vraisemblance, s’adresse à lui, lui révèle une dimension nouvelle du mystère. Jésus n’est pas seulement un prophète d’une qualité exceptionnelle, il est le Fils de Dieu.

     Le titre de fils bien-aimé est rare. Jérémie l’attribue collectivement à Éphraïm (l’ancien royaume du Nord) (Jr 31, 20). Le seul fils désigné comme bien-aimé est Isaac dans le récit où il doit être offert en sacrifice (Gn 22, 2.12.16). Ce rappel annonce déjà le sacrifice de Jésus sur la croix.

J’ai mis tout mon amour (v. 17)

     La parole du Père est une citation libre de Is 42, 1 : Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui j’ai mis tout ma joie.  On retrouve ce même passage en Mt 12, 18 (texte plus complet); 17, 5; 2 P 1, 17 et, adapté à la 2ième personne, en Mc 1, 11 et Lc 3, 22. On voit bien qu’il s’agit d’un texte important dont les premiers chrétiens se sont inspirés pour mieux comprendre la personne et la mission de Jésus. Cette citation appartient au premier des quatre poèmes qu’on appelle les chants du Serviteur (Is 42, 1-9 la 1ière lecture de ce dimanche; 49, 1-7; 50, 4-11; 52, 13—53, 12). Il paraît certain que Jésus lui-même s’est reconnu dans la personne de ce mystérieux serviteur et les auteurs du Nouveau Testament ont eu recours à ces textes pour mieux comprendre, en particulier, le paradoxe d’un Messie souffrant.
 
     Le premier chant présente le Serviteur. Dans la première strophe (vv. 1-4) Dieu décrit celui qu’il a choisi : Il a reçu l’Esprit (v. 1), il établira le jugement dans le pays (v. 4), il utilisera des moyens humbles et pacifiques (vv. 2-3). Dans la deuxième strophe (vv. 5-7) Dieu s’adresse au Serviteur pour lui rappeler sa vocation et le confirmer dans sa mission de devenir lumière pour les nations (v. 6) et de libérer ceux qui habitent les ténèbres (v. 7).

 

Jérôme Longtin, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2255. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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