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4e dimanche de Carême A - 3 avril 2011

 

 

Voir et ne pas voir

Jésus, la lumière du monde, donne la vue à un aveugle : Jean 9, 1-41
Autres lectures : 1 Samuel 16, 1.6-7.10-13a ; Psaume 22(23); Éphésiens 5, 8-14

 

Ce que nous appelons miracle, Jean le nomme signe. Le signe ne prouve rien par lui-même. Il peut tout au plus éveiller à la foi les témoins. Jésus appelle ses adversaires à écouter d’abord sa parole. C’est le seul signe qu’il veut vraiment que l’on prenne au sérieux. Le merveilleux, le désir de lui voir faire des miracles ne l’intéresse pas. D’ailleurs, ce n’est pas seulement Jésus qui accomplira des miracles en son temps (Lc 9, 49-50). D’autres aussi le feront en d’autres temps. Le miracle c’est l’irruption de la Bonne Nouvelle dans une action et un moment précis. Le miracle est un signe prophétique. Il annonce que quelque chose de nouveau est en train de s’accomplir. Le miracle exige la foi. Il ne produit rien dans le cœur des incroyants.

Qui est Jésus pour les acteurs de ce drame?

     Dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, les pharisiens ne considèrent pas Jésus comme un Envoyé de Dieu : Celui-là ne vient pas de Dieu (Jn 9, 16). Ils vont même jusqu’à l’assimiler à un pécheur (vv. 16. 24). L’aveugle, lui, le considère comme un prophète, comme le Seigneur (vv. 17.38). Rien de surprenant d’ailleurs car Jésus vient de le guérir d’une infirmité de naissance. Quant aux disciples, ils considèrent  Jésus comme un Rabbi, entendons un Maître. Et à cause de ce titre ils s’attendent à ce qu’il leur explique la cause de la cécité de l’homme qui passe devant eux. Ils partagent, pour la plupart, la croyance populaire qui veut que l’infirmité vienne d’une faute secrète. Pour dissiper toute ambiguïté à son sujet, Jésus se présente comme l’Envoyé du Père (v. 4) et il ajoute sans ambages : Je suis la lumière du monde (v. 5). Avouons qu’il y a dans ces quelques lignes, matière à engager une discussion assez costaude!

Trois catégories de réponses

     Disons que dès les premières lignes commence un interrogatoire qui exige évidemment des réponses. Je diviserais ces réponses en trois catégories. Je parlerais d’abord d‘une réponse close en ce qui concerne celle des pharisiens. Rien de surprenant enfermés qu’ils sont dans la rigoureuse observance de la Loi. Puis viendra une réponse ouverte, venant de l’intéressé, en l’occurrence l’aveugle. Ce dernier découvre la divinité de Jésus en même temps que la lumière du jour. Enfin, une réponse claire, qui est donnée celle-là, par Jésus, centre de la controverse. Elle viendra révéler à son entourage un aspect de sa personnalité divine, et non le moindre : Je suis la lumière du monde (v. 5).

Trois types de personnages

     Les pharisiens sont des êtres ligotés. Ils sont emprisonnés dans le cadre rigoureux de la Loi qui défend de poser des gestes jugés non essentiels le jour du Sabbat, ne serait-ce que celui de guérir. Les apôtres, sont des questionneurs. Ils cherchent dans les Écritures ce qui est dit à propos des infirmes de naissance. L’aveugle, quant à lui, est un nouvel homme, un croyant. Et cette métamorphose s’est accomplie lorsqu’il a obtempéré à la demande de Jésus d’aller se laver à la piscine de Siloé (v. 7).

Le personnage Jésus

     Jésus se présente lui-même comme étant le Fils de l’homme (v. 35), celui que l’on attend depuis si longtemps, le Messie de Dieu. Cette déclaration fera jaillir spontanément la profession de foi du cœur de l’infirme guéri : Je crois Seigneur et cette profession de foi sera suivie du geste sublime de l’adoration : Il se prosterna devant lui (v. 38). Quelle belle conclusion à ce long récit! La vie vient de triompher. La clarté a crevé les ténèbres. Le péché n’a plus rien à voir avec la maladie ou l’infirmité. La Loi nouvelle sera dorénavant celle de l’amour.

Deux regards guérisseurs

     L’évangile nous montre comment Jésus s’y prend pour guérir. Il procède en deux étapes, car il guérit deux cécités. Le premier regard que l’aveugle retrouve est celui de voir le monde et les humains. C’est le regard le plus évident, le plus obvie diront les commentateurs. Parce qu’il lui manquait cette capacité depuis sa naissance, les gens l’appelaient aveugle. Pour restituer ce premier regard Jésus lui-même caressera les yeux de l’aveugle avec deux éléments originels, la terre et l’eau : Il cracha sur le sol et avec la salive il fit de la boue (v. 6). Car c’est en Lui que le Père a créé toute chose. Mais il y a un second regard qui sera rétabli à l’heure où l’aveugle guéri fera face à Jésus, et grâce auquel il le reconnaîtra comme prophète (v. 17). Au sujet de ce deuxième regard, Jésus constate que très peu soupçonnent qu’ils en sont privés. Ils croient voir, alors qu’ils sont aveugles (v. 41).

Un regard toujours présent

     Jean de la Croix, ce maître spirituel dira à propos de Jésus : « Depuis que lui-même a parcouru le monde, il l’a revêtu d’un éclat de beauté. » Donc, Jésus est la Lumière de notre regard charnel. Nous avons besoin d’emprunter ses yeux pour regarder le monde et y trouver ce qui est beau et nous convaincre que nous baignons dans un océan d’amour. Nous refusons souvent de nous attarder à ce mystère du regard. Pourtant Jésus nous enveloppe de son regard tout autant qu’il nous séduit  par ses gestes et ses paroles. Nous vivons dans un monde racheté. Tout ce que nous admirons, tout ce que nous voulons conserver, tout ce que nous voulons protéger a été sauvé dans la mort et la résurrection de Jésus.

Celui qui te parle

     Si le regard de Jésus est toujours posé sur nous, sa parole aussi ne cesse de nous interpeller. Quand, comme dans un murmure, il nous dit comme à l’aveugle : C’est lui qui te parle (v. 37), nous sommes certains qu’en cet instant, les yeux du cœur sont atteints. Il y a, pour ainsi dire, chez l’aveugle double miracle. Ce jour sera pour lui un jour de pure grâce, de pure gratuité. Souvent, cette faveur spirituelle nous est donnée, à nous aussi, lors d’une retraite, d’une grande joie, d’une épreuve même. Souvent, pour certains, elle surgira juste avant la mort. Ils pourront alors fermer leurs yeux de chair pour ouvrir leurs yeux purifiés et entrer ainsi dans la pleine lumière de leur éternité.

Le jugement des pharisiens

     La personne de l’aveugle et de son entourage prend tellement de place dans le récit que nous n’avons pu élaborer beaucoup sur le jugement des pharisiens. Je veux toutefois m’y attarder un peu. Jugement en grec se dit krisis. Jésus paraît dans notre histoire comme un personnage qui suscite une crise. Dans le récit qui nous occupe les pharisiens sont interpellés dans leurs options les plus fondamentales concernant le sacro-saint Sabbat. Aussi, ce n’est pas Jésus qui les jugera, ils se jugeront eux-mêmes en s’enfonçant dans leur aveuglement, dans leur entêtement.

Une nouvelle naissance

     En soulignant que l’aveugle l’était depuis sa naissance, l’auteur suggère que sa guérison le fait naître à nouveau mais d’une nouvelle naissance. C’est ainsi d’ailleurs que l’on présente le baptême aux catéchumènes. Le baptême qu’ils se préparent à recevoir fera d’eux des êtres neufs, des êtres nouveaux, des personnes vouées à une jeunesse éternelle en Christ. La parole de Paul aux Éphésiens se prête bien pour décrire cette merveilleuse transformation : Autrefois, vous n’étiez que ténèbres; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière (Éphésiens 5, 8).

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2267. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Un Carême baptismal