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8e dimanche ordinaire A - 27 février 2011

 

 

Éloge de la paresse... ou de la Providence

Ou Dieu ou l'argent : Matthieu 6,24-34
Autres lectures : Isaïe 49, 14-15; Psaume 61(62); 1 Corinthiens 4, 1-5

 

Toujours à la veille de manquer de tout et nous ne manquons jamais, du moins du nécessaire. J’admire chaque jour la divine Providence qui veut bien se servir de si pauvres sujets pour faire quelque petit bien.

Dieu soit béni. La divine Providence pourvoit à tout, toute ma confiance est en elle (Sainte Marguerite d’Youville. Lettres à l’abbé de l’Isle-Dieu, 1770 et 1771).

     Il me semble que toute la vie et l’œuvre de Mère d’Youville sont un vivant commentaire de l’extrait du Sermon sur la montagne que la liturgie propose aujourd’hui. Pour peu qu’on s’arrête aux circonstances dans lesquelles elle a accompli son œuvre, on voit bien que l’insouciance et la paresse n’y occupent aucune place. Malgré toutes les difficultés et les oppositions, jamais sa confiance en Dieu n’a failli. Elle écrit : Souvent nous importunons, mes sœurs et moi, notre divin Sauveur et son divin Père qui fait l’objet de ma grande confiance depuis près de quarante ans (Lettre à l’abbé de l’Isle-Dieu, 1766).

Ne vous faites pas tant de souci (vv. 25. 31. 34).

     Six des sept emplois du verbe se faire du souci, dans l’Évangile de Matthieu, se trouvent dans ce passage (le 7ième, en Mt 10,19, est aussi à la forme négative). À première vue, on pourrait croire qu’il s’agit d’un enseignement sur l’insouciance. En fait, l’idée fondamentale est la confiance en Dieu. Si on se repose en lui pour tous ses besoins, il n’y a plus de place pour l’inquiétude et la peur.

Servir deux maîtres (v. 24).

     La lecture liturgique s’ouvre par une déclaration qui semble ne pas avoir de liens avec la suite. Pourtant, si Matthieu a inséré précisément là cette phrase de Jésus (qu’on trouve aussi en Lc 16,13, dans un autre contexte) il doit y avoir une raison.

     Un des fils conducteurs du Sermon sur la montagne est le manuel de morale d’origine juive qu’on appelle Le traité des deux voies. Celui qui veut être juste doit choisir la voie de Dieu et se détourner de tout ce qui l’en éloigne. L’image de l’esclave au service de deux maîtres montre qu’il est impossible de faire des compromis entre les exigences de la fidélité à Dieu et la recherche des richesses. Il faut choisir et, pour Jésus, il n’y a qu’un choix possible, celui de Dieu parce que c’est la voie qui mène à la vie. (On connaît dans l’histoire des cas d’esclaves en copropriété. Leur sort était considéré comme encore plus pénible que celui des esclaves ordinaires car ils devaient satisfaire les exigences de plusieurs maîtres et n’avaient presque jamais de repos).

     Quiconque essaie de servir à la fois Dieu et l’argent, à plus forte raison celui qui choisit l’argent comme maître, ne peut pas chercher d’abord le Royaume et sa justice (v. 33). Il sera dominé par les soucis du monde présent et ne pourra pas se remettre avec confiance entre les mains de Dieu (voir le même thème développé dans un autre contexte en 1 Co 7, 32-35). 

Tout cela les païens le recherchent (v. 32).

     Jésus a déjà opposé l’attitude des païens et celle de ses disciples au sujet de l’amour du prochain (Mt 5, 47) et de la prière (Mt 6, 7). Il le fait encore ici en affirmant que les soucis concernant la nourriture et les vêtements sont caractéristiques de leur conduite. En fait on sait bien que les païens ne mangent pas plus ni ne portent plus de vêtements que les disciples de Jésus. La différence se situe dans la relation avec Dieu plutôt que dans les besoins matériels. S’ils se font plus de souci pour subvenir aux besoins de la vie, c’est qu’ils n’ont pas la même confiance en Dieu le Père lui qui sait bien de quoi ses enfants ont besoin (cf. v. 32).

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour (Mt 6, 11).

     Jésus commente lui-même la prière qu’il a enseignée aux disciples. Le Père du ciel connaît bien les besoins de ses enfants (cf. Mt 6, 8) mais il désire que ceux-ci reconnaissent que tous les bienfaits viennent de lui. C’est pourquoi il prescrit de demander à chaque jour le pain nécessaire à la vie pour faire mémoire du don de Dieu.

     Jésus présente ces nécessités de la vie à l’aide de deux exemples : la nourriture et les vêtements. On comprend qu’il a en vue aussi les autres besoins matériels, comme la maison. Dans les deux cas, son argumentation est la même; il s’agit d’un raisonnement a fortiori. Si Dieu s’occupe des oiseaux (v. 26) et des fleurs sauvages (v. 28) combien plus ne va-t-il pas s’occuper aussi des humains qui ont plus de valeur à ses yeux?

     Les oiseaux ne font ni semailles ni moisson (v. 26) et les fleurs sauvages ne filent pas (v. 28). À travers ces exemples on découvre une allusion aux tâches reconnues comme masculines (le travail des champs) et féminines (le filage de la laine) dans la société du temps. Jésus inclut les fidèles des deux sexes dans son appel à la confiance en Dieu.

Cherchez d’abord le Royaume (v. 33).

     Cette conclusion est la clef qui permet de comprendre tout ce qui précède. Dans le Notre Père la deuxième demande concerne la venue du Règne de Dieu (Mt 6, 10). Tel est le centre de la mission de Jésus et l’objet de sa première prédication : Repentez-vous car le Royaume des Cieux est tout proche (Mt 4, 17). Les pauvres de cœur et les persécutés pour la justice en sont les premiers bénéficiaires (Mt 5, 3.10). La justice du Royaume s’accomplit dans la pleine réalisation du projet de Dieu (cf. Mt 3, 15). En somme, on retrouve ici le contenu de la troisième demande : Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel (Mt 6, 10).

À chaque jour suffit sa peine (v. 34).

     Après la conclusion théologique du verset précédent vient une deuxième inspirée plutôt de la sagesse populaire et ayant le ton des proverbes. Cet abandon à Dieu s’enracine dans une longue tradition. Dans l’Exode, lorsque la manne tombe pour la première fois, Moïse donne cette consigne : Que personne n’en mette en réserve jusqu’au lendemain (Ex 16,19). On le retrouve dans les Psaumes : Compte sur Yahvé et agis bien, habite la terre et vis tranquille (…) remets ton sort à Yahvé, compte sur lui, il agira (Ps 37, 3.5 voir aussi, par exemple : Ps 127, 2).

     Considérant les liens entre ce passage et le Notre Père, on peut voir dans cette phrase un commentaire de la quatrième demande et une tentative d’explication du fameux adjectif qu’on traduit, dans la version liturgique par de ce jour. Parmi tous les sens possibles, on suggérerait de comprendre la demande concernant le pain – et tout ce qui est nécessaire à la vie – jour après jour, comptant sur Dieu pour l’assurer sans avoir besoin de thésauriser en vue de l’avenir. C’est aussi la consigne de Jésus aux missionnaires : Ne prenez ni argent ni or … car l’ouvrier mérite son salaire (Mt 10, 9-10). Il n’appelle pas à l’insouciance mais à la confiance. Choisir Dieu comme seul maître implique qu’on travaille constamment à faire sa volonté et qu’on accueille comme un don de son amour les biens de la création qu’il met à notre disposition.

 

Jérôme Longtin, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2262. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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