INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant
Imprimer

Dimanche de la nativité de saint Jean Baptiste - 24 juin 2012

 

La nativité de saint Jean Baptiste

La naissance de Jean le Baptiste : Luc 1, 57-66.80
Autres lectures : Isaïe 49, 1-6; Psaume 138(139); Actes des Apôtres 13, 22-26

La vraie personnalité de Jean ne se laisse pas découvrir facilement. La question que se posaient ses contemporains a reçu plusieurs tentatives de réponse dont aucune ne réussit à cerner complètement le personnage : prophète, ascète, prédicateur itinérant, contestataire des pouvoirs officiels, maître spirituel etc… Plusieurs années après sa mort des groupes de fidèles se réclamaient toujours de lui (cf. Ac 19, 1-7) et, au 21ième siècle, les Mandéens d’Irak continuent à se reconnaître comme ses disciples. Le propos de ce commentaire est d’explorer comment l’Évangile de Luc présente Jean Baptiste en lien avec Jésus et sa mission.

Son nom est Jean (v. 63)

     Même si les éditeurs coiffent habituellement ce paragraphe du titre : la naissance de Jean Baptiste ou une formule équivalente, l’intérêt principal du narrateur se concentre sur la question du nom à donner à l’enfant, le fait de la naissance étant mentionné en quelques mots (v. 57). L’action principale se déroule le jour de la circoncision et de l’imposition du nom (v. 59). On sait que dans le monde biblique le nom n’est pas une simple étiquette permettant d’identifier un individu parmi les autres. Le nom – qui a toujours une signification – exprime quelque chose de la nature de celui qui le porte et de sa mission personnelle. C’est pourquoi recevoir un nom nouveau implique un changement radical dans la vie, le cas le plus célèbre est celui de Simon devenu Pierre (cf. Mt 16, 17-18).

     Dans le cas présent il ne s’agit pas d’un changement  puisque l’enfant vient de naître; son nom avait déjà été choisi par l’ange lors de l’annonce de sa naissance (Lc 1, 13), circonstance dont les familiers n’avaient pas été informés. Ceux-ci suggèrent de l’appeler comme son père ce qui n’est pas un usage fréquent (par exemple, dans les deux listes  présentées comme des généalogies de Jésus – Mt 1, 1-16 et Lc 3, 23-38 – on ne trouve aucun cas de fils portant le même nom que son père).

     Zacharie signifie : Yahvé se souvient sous-entendu : de la personne qui porte ce nom ou : de ses promesses (cf. Lc 1, 54.72). Dans l’Ancien Testament il est porté par une vingtaine de personnes dont aucune n’a joué un rôle de premier plan. Les plus remarquables sont le 11ième des petits prophètes (Za 1,1) et le fils du prêtre Yéhoyada mis à mort par ordre du roi Joas dont il avait dénoncé la conduite (2 Ch 24, 20-22).

     Jean (en hébreu Yohanan) signifie : Yahvé fait miséricorde ou montre sa faveur. Il existe de nombreux autres noms ayant à peu près la même signification : Hananyahu, Hananéel etc… Dans l’Ancien Testament on le trouve une quinzaine de fois; aucun de ceux qui l’ont porté n’a laissé beaucoup de traces dans l’histoire, le plus important étant un officier qui joue un rôle de chef improvisé après la chute de Jérusalem (cf. Jr 40, 8.13.15. etc.).

     Il ne s’agit donc pas d’une compétition entre deux modèles tirés de l’histoire. Concernant leur signification les deux noms évoquent des valeurs spirituelles importantes, l’enjeu ne se situe donc pas dans ce domaine non plus. Pour Élisabeth et Zacharie le choix de ce nom se situe dans l’obéissance à la parole de l’ange (cf. Lc 1, 13) mais on peut relancer la question en demandant : pourquoi l’ange a-t-il donné une telle directive? Le fait que le nom de l’enfant soit choisi par le messager de Dieu – donc par Dieu lui-même – plutôt que par ses parents signifie la vocation exceptionnelle de celui qui le porte (cf. Gn 17, 19; 1 Ch 22, 9). Cette vocation est décrite lors de l’annonce faite à Zacharie (cf. Lc 1, 16-17), il devra préparer au Seigneur un peuple capable de l’accueillir. Un deuxième aspect à considérer est la nouveauté du nom choisi par rapport à la tradition familiale. Alors que la parenté voulait le nommer comme son père, le choix de Jean indique une rupture. La naissance de l’enfant tant attendu d’Élisabeth et Zacharie marque le début des temps nouveaux. Même si Jean appartient encore à l’Ancienne Alliance (cf. Lc 7, 28) il en est l’aboutissement et il prépare le passage vers la Nouvelle. Enfin les deux noms sont évoqués ensemble dans le cantique de Zacharie : Ainsi fait-il miséricorde à nos pères, se souvient-il de son Alliance sainte (Lc 1, 72). L’enfant reçoit un nom qui devient signe permanent de la miséricorde divine alors que celui de son père évoque le mémorial de l’Alliance. Dans sa personne même Jean signifie la miséricorde de Dieu envers son peuple.

La main du Seigneur était avec lui (v. 66)

     Dans l’Ancien Testament cette expression signifie d’abord la prise de possession. Cette prise de contrôle peut avoir des effets négatifs : la destruction (cf. Ex 9,3), ou bénéfiques : la protection ou le don d’une force spéciale (cf. 1 R 18, 46). Dans la littérature prophétique on trouve cette formule pour exprimer le fait que le prophète est un instrument entièrement soumis à Dieu qui inspire ses actes et ses paroles (cf. 2 R 3, 15; Is 8, 11; Éz 1,3; 3, 14).

     S’agissant de Jean Baptiste on comprend que, dès sa naissance, il est pris en charge par Dieu d’une manière spéciale pour accomplir sa mission. Les événements étonnants qui ont entouré sa naissance et le choix de son nom indiquent aux personnes présentes que ce nouveau-né sort du commun. Même si on ne peut pas encore répondre à la question de sa destinée (cf. v. 66) on pressent que quelque chose de nouveau va se passer, quelque chose dont cette naissance n’est que le premier acte.

Il alla vivre au désert (v. 80)

     Comme avant lui Samson (cf. Jn 13, 24-25) et Samuel (cf. 1 S 2, 21.26) et après lui Jésus (cf. Lc 2, 40.52), Jean grandit. Cette constatation banale est rapportée par Luc avec des mots empruntés à l’Ancien Testament, ce qui rattache cet enfant aux grands personnages de l’histoire d’Israël. On ne sait pas à quel âge Jean a quitté ses parents – et renoncé à exercer les fonctions sacerdotales auxquelles sa naissance le destinait – pour aller vivre au désert. Comme ce sera le cas pour Jésus (cf. Lc 4, 1) la vie publique de Jean est précédée d’une période de retraite dont on ignore la durée comme la localisation. Il va rester au désert jusqu’au jour où il devait être manifesté à Israël (v. 80). Le mot traduit par manifester suppose une forme d’investiture officielle dans une fonction (cf. Lc 10, 1; Ac 1, 24). Lorsque Jean reviendra en scène (Lc 3, 2-3) ce sera parce que la Parole de Dieu lui aura été adressée et non par suite de son initiative personnelle.

Il m’a formé dès le sein de ma mère (Is 49, 5)

     Ce deuxième chant du Serviteur (Is 49, 1-7) a pu servir d’arrière-fond à la présentation de Jean Baptiste. Notons en particulier les références à la vocation du Serviteur dès avant sa naissance (vv. 1.5) qui ont pu inspirer la scène de la rencontre de Marie avec Élisabeth (cf. Lc 1,39-45). La prédication de Jean, exigeante et sans compromis (cf. Lc 3, 7-9) ressemble à l’épée tranchante et à la flèche acérée (v. 2) auxquelles est comparée la parole du Serviteur. Alors que la mission de Jean semble s’être limitée aux Juifs, le Serviteur doit devenir lumière des nations (v. 6); ce sera la mission de Jésus (cf. Lc 2, 32); Jean lui aura préparé le chemin (cf. Lc 1, 77).

 

Jérôme Longtin, ptre-curé

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2322. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
« Automatè »