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Dimanche de la Sainte-Famille A - 29 décembre 2013

 

Une famille saint histoire ?

 

La fuite en Égypte : Matthieu 2, 13-15.19-23
Autres lectures : Siracide 3, 2-6.12-14; Psaume 127(128); Colossiens 3, 12-21

 

Quatre jours après Noël et trois jours avant le Jour de l’An, la communauté chrétienne se rassemble pour faire mémoire de la Sainte Famille où Jésus est né et a grandi. Entre Marie et Joseph, la Verbe de Dieu fait chair a appris à devenir un homme. Rappelons-nous ce que nous en disent Luc et Matthieu, les évangélistes de l’enfance. À Bethléem, Marie sa mère, après avoir mis au monde son fils premier né, l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire (Lc 2,7). Les bergers vinrent lui rendre visite (Lc 2,8-20), puis les mages (Mt 2,1-11). Huit jours plus tard, l’enfant fut circoncis (Lc 2,21). Quarante jours après sa naissance, son père et sa mère le présentèrent au Temple de Jérusalem (Lc 2,22-38). Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui (Lc 2,39-40).

Un portrait idéal

     En méditant sur ce dernier verset, plusieurs auteurs spirituels nous ont présenté un portrait assez idyllique de la Sainte Famille : Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes.  (Lc 2,52) On s’imagine alors Marie allant puiser l’eau chaque matin avec les autres femmes de Nazareth, puis vaquant aux occupations domestiques. On contemple l’enfant Jésus reposant sur ses genoux. On entrevoit Joseph travaillant le bois avec amour dans son atelier de charpentier. Puis on pense à Jésus qui grandit et qui devient l’apprenti de son père. On l’imagine apprenant à lire la Torah à la synagogue et jouant avec les autres enfants de Nazareth. On aimerait goûter au recueillement, à la prière et à la joie de Jésus, Marie, et Joseph autour de la table familiale à l’heure du repas du soir. Ces images, rappelons-le, ne nous proviennent pas de la Bible, mais bien de tout ce que l’imaginaire des croyants et des croyantes a su broder autour des récits bibliques de l’enfance de Jésus. Or, en se référant à ce beau portrait idyllique, plusieurs de nos contemporains en sont venus à penser que la Sainte Famille n’a rien à voir avec nos familles d’aujourd’hui. À l’heure des familles recomposées, du fast-food, des familles monoparentales et de la manipulation génétique, la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph peut-elle encore éclairer la foi des familles chrétiennes d’aujourd’hui ? J’ose répondre oui, pourvu que nous revenions à ce que le texte biblique nous révèle de la vie de la Sainte Famille.

Une famille menacée

     Le passage de l’Évangile selon saint Matthieu que nous lisons ce dimanche nous présente une famille menacée. Quand des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui (Mt 2, 1-2), le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui (Mt 2, 3). Quand Hérode envoya [les mages] à Bethléem en leur disant : Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui, il cherchait plutôt à tuer le roi des Juifs qui vient de naître ! (Mt 2, 8) L’épisode du massacre des saints innocents (Mt 2, 16-18) le montre bien. Voilà pourquoi Dieu intervient. Après le départ des mages, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr (Mt 2, 13-14).

Jésus revit l’expérience de son peuple

     En lisant ce récit, il ne faut pas oublier qu’ici l’évangéliste ne fait pas œuvre d’historien mais bien de théologien. En racontant la fuite en Égypte, Matthieu nous montre que dans la réalité de son incarnation, le Fils de Dieu revit le même drame que le peuple d’Israël dans les temps lointains. Comme Joseph, le fils de Jacob, Jésus, le fils de Dieu, voit sa vie menacée, non pas par des étrangers mais par son propre peuple. Comme Joseph vendu par ses frères plutôt que d’être tué par eux, l’enfant Jésus est emmené en Égypte par un autre Joseph, l’époux de Marie et son père adoptif, pour qu’il ait la vie sauve. L’enfant qui vient de naître revit donc dans sa chair les événements de l’exode. Lui et sa sainte famille échappent à la mort en obéissant à Dieu et en choisissant l’exil.

     En cela, Jésus, Marie et Joseph ne font pas que revivre les événements du passé d’Israël. Ils annoncent aussi l’expérience douloureuse que plusieurs familles vivent chez nous en ce moment. Que seraient le Québec et le Canada sans l’immigration ? Que serait notre Église sans l’apport important des chrétiens provenant d’autres cultures qui viennent enrichir nos assemblées du dimanche ? Or, plusieurs de nos frères et sœurs provenant de l’étranger se réfugient chez nous pour fuir l’oppression, la persécution ou bien tout simplement la misère et la faim. Ils n’auront aucune peine à se reconnaître dans la Sainte Famille fuyant en Égypte pour échapper à Hérode.

     Au moment de l’exode, les Hébreux, guidés par Moïse, étaient invités par Dieu à suivre l’Ange du Seigneur pour prendre la route vers la terre promise : Je vais envoyer un ange devant toi pour te garder en chemin et te faire parvenir au lieu que je t’ai préparé (Ex 23,20). Nous avons crié vers le Seigneur et il a entendu nos cris : il a envoyé un ange pour nous faire sortir d’Égypte (Nb 20,16, TOB). De même, après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et reviens au pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël (Mt 2,19-21). Encore une fois, la sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph revit les événements de l’exode.

     Mais là ne s’arrête pas la ressemblance entre l’Évangile de ce dimanche et l’histoire du peuple d’Israël. Joseph, fils de Jacob était l’homme aux songes (Gn 36, 19). Il avait vu en rêve ce qui allait se passer. Il avait interprété le songe de Pharaon, ce qui lui valut de devenir maître de son palais. Ainsi, il put accueillir et sauver ses frères. Un autre Joseph, l’époux de Marie et le père adoptif de Jésus, était aussi un homme à qui Dieu parlait par des rêves. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth (Mt 2,22-23). Ainsi, rien ne peut s’opposer au plan de Dieu.

Choyé mais éprouvé

     Par sa parole en ce dimanche, Dieu vient nous rappeler que son Fils n’a pas grandi dans la ouate. Bien sûr, Marie et Joseph étaient des époux et des parents aimants. Jésus a pu grandir au sein d’une famille heureuse où il a été aimé. Mais la Sainte Famille a aussi connu ses moments d’angoisses et de difficultés. Marie et Joseph ont bâti leur maison sur le roc. Mais cela n’empêche pas les épreuves. Comme le dira Jésus : La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, la tempête a soufflé et s’est abattue sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc. (Mt 7,25) Puissent nos familles, à l’exemple de la sienne, être bâties sur le roc. Puissent nos familles en être sanctifiées.

 

Yvan Mathieu, SM

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2384. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Le songe de Joseph