Ascension. Détails d'un vitrail de la cathédrale de Bale (blogue de Jean-Yves Cordier)

Le Seigneur travaillait avec eux

Patrice BergeronPatrice Bergeron | Ascension (B) –17 mai 2015

Les apparitions de Jésus ressuscité : Marc 16, 15-20
Autres lectures : Actes 1,1-11; Psaume 46(47); Éphésiens 4, 1-13
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La fête de l’Ascension du Seigneur est célébrée dans l’Église le 40e jour après le dimanche de Pâques 1 et 10 jours avant la fête de la Pentecôte suivant la chronologie des évènements entourant les apparitions du Ressuscité aux apôtres tels que rapportés au livre des Actes des Apôtres. En effet, selon Luc, l’auteur du livre des Actes des Apôtres, après le dimanche de sa résurrection, Jésus serait apparu aux Apôtres à Jérusalem durant 40 jours avant de monter au ciel à la droite du Père (première lecture de ce dimanche). Pourtant, le même auteur, à la fin de son évangile, situe l’ascension de Jésus au soir même de sa résurrection (Lc 24, 50-51). L’évangile de Marc, dont nous lisons les derniers versets en ce dimanche, reste plus vague sur la chronologie et les lieux des évènements d’apparitions et d’ascension. Matthieu et Jean, quant à eux, ne rapportent aucun récit d’ascension de Jésus dans leur évangile. Que comprendre? Il faut bien qu’un jour ou l’autre, les manifestations du Ressuscité aient cessé pour laisser se déployer la mission des apôtres. Quand le Ressuscité s’est-il soustrait définitivement au regard des disciples pour remonter dans la gloire de son Père?

Un 40 significatif

Qui connaît un tant soit peu le symbolisme biblique du chiffre 40 ne verra aucune incohérence dans la pensée de Luc entre son premier et son deuxième tome (l’Évangile et les Actes des Apôtres). 40 jours et 40 nuits de déluge, 40 ans de pérégrinations d’Israël au désert avant l’installation en terre promise, 40 jours de retraite au désert pour Jésus après son baptême par Jean Baptiste, le chiffre 40 revient souvent dans la Bible et sa valeur est beaucoup plus qualitative que quantitative. Les durées associées au chiffre 40 dans la Bible (jours, nuits, années) signifient un temps de mûrissement suffisant qui habilite en vue d’une nouvelle étape. Après 40 jours de déluge, une création nouvelle pouvait commencer. Après 40 ans au désert, Israël était mûr pour entrer en terre promise. Après 40 jours au désert, Jésus pouvait commencer l’annonce du Royaume. Ainsi, si Luc nous précise que le Ressuscité apparût pendant 40 jours aux apôtres avant d’être enlevé au ciel, c’est la façon biblique de nous dire que leur expérience de la rencontre du Ressuscité a été suffisante pour leur permettre désormais d’être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre.

Deux recensions des mêmes évènements

L’Évangile de ce dimanche offrira des points de contact avec le récit des Actes en première lecture puisque Luc et Marc y couvrent la même période : l’apparition du Ressuscité aux apôtres au cours d’un repas 2, l’envoi de ceux-ci par le Ressuscité pour une mission aux dimensions universelles et, bien sûr, la mention de l’enlèvement-élévation de Jésus au ciel. En même temps, les deux récits se démarquent. Dans le récit des Actes, le Ressuscité prépare ses apôtres au don de l’Esprit Saint devant avoir lieu dix jours plus tard à la Pentecôte, suite auquel don, la mission des apôtres pourra débuter. Chez Marc, aucune mention d’un don à venir du Saint-Esprit, Jésus insiste plutôt sur les signes devant accompagner ceux qui recevront la Bonne Nouvelle.

Des signes étranges et familiers

Ces signes accréditeront la vérité du message des porteurs de la Bonne Nouvelle comme les signes miraculeux accréditaient Jésus dans son annonce du Royaume à ses contemporains. Ces signes de la puissance de Dieu à l’œuvre en ses serviteurs, dont certains nous paraissent « merveilleux », ne sont pourtant pas étrangers aux familiers du Nouveau Testament. La nouveauté vient du fait que ce « pouvoir miraculeux » semble être étendu à tous les croyants et non plus aux seuls apôtres. La chasse des esprits mauvais et l’imposition des mains salutaire aux malades rappellent ce que Jésus a fait et ce que feront ensuite ses apôtres en son nom (Ac 3, 1-10; 5, 12-16; 8, 5-7; 9, 32-43; etc). La glossolalie (parler en langues inconnues), en plus de nous rappeler l’événement de la Pentecôte (Ac 2, 4), est attestée à plusieurs reprises comme un effet du don de l’Esprit Saint (Ac 10, 46; 19, 6, 1 Co 12, 10; 13, 1; 14, 1-40). La prise de serpents dans les mains des disciples sans danger mortel n’est pas sans rappeler cette prophétie messianique d’Isaïe (Is 11, 1-9, surtout verset 8) où l’arrivée du descendant de David coïnciderait avec le rétablissant d’un ordre parfait dans la création. Ce signe bizarre attesterait donc symboliquement qu’avec la résurrection du Christ l’ère messianique est bel et bien commencée. Il trouve pourtant une concrétisation singulière chez un ami de Dieu, l’Apôtre Paul, lors d’un séjour à Malte comme le rapporte le livre des Actes des Apôtres (Ac 28, 3-6). Reste le signe – pittoresque de l’époque - de l’absorption sans effet de poison mortel qui ne trouve pas de résonnance ailleurs dans le Nouveau Testament, on l’interprétera simplement comme un geste de protection divine envers le croyant investi de la force qui lui vient de la résurrection du Christ 3.

Les vraies leçons du mystère de l’Ascension

Même si elle donne son nom à la fête d’aujourd’hui, l’ascension de Jésus n’est décrite qu’en un demi verset dans l’évangile d’aujourd’hui et n’est guère plus développée dans la recension qu’en fait Luc dans la première lecture. Cette sobriété s’explique par le fait que l’important ne tient pas au fait lui-même qu’à deux de ses conséquences : si Jésus disparaît à nos yeux, c’est pour s’installer définitivement dans le monde de Dieu.  Le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu (Mc 16,19). Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée (Ac 1,9).

Les mentions de la « nuée », du « ciel » et de la « droite », utilisées pour décrire cet enlèvement de Jésus, sont tous des motifs symboliques associés au monde de Dieu et sa souveraineté. Assis à la droite de Dieu, Jésus partage désormais – comme de toute éternité, avant son incarnation – la Seigneurie de Dieu ; ce que Paul nous dira à sa manière en deuxième lecture de ce dimanche (Ep 4, 8-10).

Le Seigneur travaillait avec eux…

Seconde leçon : Ne restons pas à regarder vers le ciel, nous diront les anges ! Bien qu’invisible, le Christ ne reste pas moins présent au monde en travaillant à sa transformation par l’œuvre des porteurs de la Bonne Nouvelle, son Corps qui se construit dans l’amour (Ep 4, 16) qu’il envoie jusqu’aux extrémités de la terre.

Détenteur d’une licence en Écritures Saintes auprès de l’Institut biblique pontifical de Rome, Patrice Bergeron est un prêtre du diocèse de Montréal, curé de paroisses. Il collabore au Feuillet biblique depuis 2006.

Source : Le Feuillet biblique, no 2447. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

[1] Soit le jeudi de la 6e semaine de Pâques. Sauf qu’au Canada, pour des raisons pastorales, cette fête est reportée au dimanche suivant le 40e jour après Pâques, soit en lieu et place du 7e dimanche de Pâques.
[2] Le texte de ce dimanche omet ce détail de la commensalité de Jésus ressuscité avec les Onze, mais Marc (comme Ac 1, 4) le mentionne bel et bien au verset précédent tout juste l’extrait que nous entendons (voir Mc 16, 14). 
[3] À ne pas essayer à la maison!

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