Esquisse de l’Ascension. Benjamin West, circa 1782. Huile sur toile, 125 x 71 cm. Tate Museum, Londres (Creative Commons).

Célébrer l’Ascension avec Luc

Lorraine Caza Lorraine Caza | Ascension du Seigneur (C) – 2 juin 2019

Dernières instructions de Jésus : Luc 24, 46-53
Les lectures : Actes des Apôtres 1, 1-11 ; Psaume 46 (47) ; Hébreux 9, 24-28 ; 10, 19-23
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Dans le chapitre 24 qui conclut son premier livre, l’évangéliste Luc présente d’abord la visite des femmes et celle de Pierre au tombeau de Jésus (vv. 1-12). Un émouvant récit suit cette première partie, mettant en scène deux disciples se rendant de Jérusalem à Emmaüs et faisant la rencontre du Ressuscité (vv. 13-35). La dernière partie du chapitre est consacrée à une apparition du Ressuscité aux apôtres (vv. 36-53).

L’expérience que les disciples font du Ressuscité

En ce dimanche de l’Ascension de l’Année C, c’est la seconde section de cette dernière partie qui est offerte à notre méditation (vv. 46-53).  En première lecture, pour les trois années du cycle liturgique, c’est le tout début du second livre de Luc, les Actes des Apôtres, que nous sommes invités à scruter (Ac 1, 1-11). C’est donc dire qu’en cette Année C, nous proclamons les deux traditions lucaniennes de l’Ascension du Seigneur. On comprend qu’un certain nombre d’exégètes se soient demandé s’il n’y aurait pas eu une étape où les deux livres de Luc n’en auraient fait qu’un seul et que le rappel de l’événement de l’Ascension dans les Actes s’expliquerait par une volonté d’établir un passage du premier au second livre, au moment de la division des ouvrages. Cette hypothèse est très difficile à soutenir car, de la masse des témoins, aucun texte ne l’appuie.

Approfondissons d’abord la présentation de l’Ascension dans l’évangile de Luc. Apparaissant à ses disciples, Jésus ressuscité leur rappelle d’abord que l’Écriture devait s’accomplir, et donc que le Messie devait souffrir, puis, ressusciter d’entre les morts le troisième jour. Il leur rappelle aussi que la conversion en son nom pour le pardon des péchés devait être proclamée à toutes les nations en commençant par Jérusalem. Cet accomplissement des Écritures, ce sont les disciples qui devaient en être témoins. Le Christ assure ensuite qu’il va envoyer sur eux ce que le Père a promis, c’est-à-dire qu’ils vont recevoir l’Esprit Saint. Il leur est demandé par le Ressuscité de demeurer dans Jérusalem jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la force venue d’en haut.  Les tout derniers versets adoptent un ton doxologique (vv. 50-53). Le Christ, ayant levé les mains, donne sa bénédiction aux apôtres. En donnant cette bénédiction, il se sépare d’eux et est emporté au ciel. Eux se prosternent devant lui, puis retournent à Jérusalem, remplis de joie. Pour couronner le tout, il est affirmé qu’ils sont sans cesse dans le temple à bénir Dieu. Dans la perspective de l’évangile de Luc, l’Ascension nous invite donc à rester fixés sur le mystère pascal, sur la conversion universelle, sur la mission de témoins de Jésus confiée à tous les disciples, sur la réalisation de la promesse du Père d’envoyer son Esprit, sur le climat de bénédiction, de joie et de louange dans lequel baigne tout l’événement.

L’Ascension au terme de 40 jours

Nous avons déjà noté que la célébration liturgique de l’Ascension nous permet toujours de reprendre, en première lecture, le récit qui ouvre le livre des Actes des Apôtres. Ce texte établit d’abord le lien avec l’évangile de Luc, rappelant que ce premier livre de Luc rapportait ce que Jésus avait fait et enseigné depuis le commencement jusqu’à son enlèvement au ciel et ses dernières instructions dans l’Esprit Saint aux apôtres qu’il avait choisis. Alors que l’évangile nous laissait entendre que l’Ascension avait eu lieu à la fin du jour de la Résurrection, les Actes évoquent 40 jours d’apparitions post-pascales de Jésus et son enseignement touchant le royaume de Dieu. Vient ensuite une reprise de la demande de Jésus aux apôtres de ne pas quitter Jérusalem et d’y attendre cette venue de l’Esprit que le Père a promis. Luc rappelle que Jean a baptisé dans l’eau, alors que les apôtres seront baptisés dans l’Esprit Saint. Ces derniers réunis autour de Jésus, lui demandent alors : Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël? À quoi Jésus répond qu’il ne leur appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Ces évocations du baptême dans l’eau de Jean le Baptiste et de la question touchant l’heure du rétablissement par Jésus de la royauté en Israël sont des perspectives présentes dans le second livre de Luc mais non dans son évangile. Par ailleurs, Actes reprend les références de Luc 24 à la venue de la force de l’Esprit Saint et au témoignage que les apôtres seront appelés à donner à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre.

L’Ascension comme telle est exprimée par les Actes en termes d’élévation de Jésus et de sa disparition dans la nuée. Elle se dit aussi dans le regard des apôtres fixant le ciel. Le dernier mot des Actes sur l’Ascension prend la forme d’une question ouvrant l’avenir définitif : Galiléens, disent les deux hommes, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel? Jésus qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel.

L’Ascension, au terme de la vie terrestre de Jésus...

Comparant les deux traditions lucaniennes de l’Ascension, André Ridouard et Michel Coune concluent qu’« en Luc 24, l’Ascension vient comme sceller la vie de Jésus et l’évangile par l’exaltation céleste du Messie. La perspective est éminemment théologique. Le Christ rentre dans sa gloire avec un corps céleste, ‘spirituel’, qui échappe aux sens humains d’ici-bas et devant lequel on ne peut que se prosterner. Cette apothéose, dès le jour de la Résurrection, marque le triomphe céleste, invisible mais réel, du Christ. En Actes 1, la glorification du Christ veut surtout inaugurer le temps de l’Église et de sa mission. Le Christ exalté au ciel dans son humanité déifiée et ressuscitée, est encore apparu plusieurs fois à ses apôtres pour les confirmer et les mandater dans leur mission. Ses derniers adieux, sa dernière apparition historique et officielle d’après Pâques, ont reçu le titre ‘liturgique’ d’Ascension. C’est une présentation plus réaliste, plus historique, plus moderne peut-être du mystère de l’Ascension, sa face humaine… »

Quel est ce ciel dont nous parlent ces récits ?

Luc 24 mentionne que Jésus ressuscité a été emporté au ciel. En Actes 1, les deux hommes demandent aux Galiléens pourquoi ils restent là à regarder vers le ciel et ils assurent les disciples que Jésus reviendra de la même manière qu’ils l’ont vu s’en aller vers le ciel.

Quel est ce ciel que les deux traditions évoquent? Vincent Ayel écrit : « Le ciel, c’est ‘quelqu’un’. Dieu en personne ». Ayel continue : « Nous ne ferons pas miroiter l’image d’un ciel de ‘choses’, un ciel des ‘îles ensoleillées’, bref, un mythe qui serait la projection inversée des manques de l’homme ici-bas. Le Ciel sera une surprise, précisément parce qu’il est constitué par le mystère des relations interpersonnelles imprévisibles. Il n’est pas un mythe, parce qu’un jour, dans l’histoire, Jésus Christ est ressuscité des morts, qu’il est monté siéger à la droite du Père : avec lui, qui n’a pu renier ses épousailles avec l’histoire et la matière, c’est l’humanité et la terre qui ont pénétré au Ciel. »

La Lettre aux Hébreux parle aussi du ciel

L’auteur de la Lettre aux Hébreux, dans la seconde lecture de la liturgie de ce dimanche creuse en nous la foi dans notre avenir définitif : C’est avec pleine assurance que nous pouvons entrer au sanctuaire du ciel grâce au sang de Jésus : nous avons-là une voie nouvelle et vivante qu’il a inaugurée en pénétrant au-delà du rideau du sanctuaire, c’est-à-dire de sa condition humaine. (He 10,19s) Grâce à cette voie nouvelle et vivante, continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. (He 10,23)

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2622. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.