Jean le Baptiste. Peinture de Patrick Moya. Chapelle Saint-Jean de Clans, dans la vallée de la Tinée.

Jean le Précurseur

Lorraine Caza Lorraine Caza | 2e dimance de l’avent (C) – 9 décembre 2018

La prédication de Jean le Baptiste : Luc 3, 1-6
Les lectures : Baruc 5, 1-9 ; Psaume 125 (126) ; Philippiens 1, 4-6.8-11
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Alors que le premier dimanche de l’Avent, dans chacune des trois années du cycle liturgique, oriente notre attention vers le retour en gloire du Christ, l’Église, dès le deuxième dimanche, nous achemine vers la venue dans la chair du Fils de l’Homme. Elle le fait d’une façon qui pourrait d’abord nous surprendre, tant est grande la place accordée au prophète Jean Baptiste. La figure de Jean le Précurseur et son message reviennent abondamment au troisième dimanche.

Cette année, la figure du baptiste est même évoquée, le quatrième dimanche, avec sa référence au mouvement de l’enfant dans le sein de sa mère Élisabeth. Pourtant, l’inauguration qui doit être proclamée n’est pas celle de Jean, mais bien celle de Jésus. Luc dirait cependant : c’est toujours la mission de Jésus qui est au cœur de l’annonce, et le rôle de Jean est tout au service de la reconnaissance de Jésus. Jean prépare le chemin du Seigneur. Il aplanit la route du Seigneur. Il abaisse toute montagne et toute colline. Il redresse les passages tortueux et à cette fin, il administre un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Jésus, lui, donne accès au salut de Dieu à tout être humain; sa mission est donc une mission universelle.

Dans quelle société ?

Luc a merveilleusement mis en relief le caractère universel de ce qu’il proclame dans sa manière de situer Jean dans l’histoire humaine. Il le campe d’abord par rapport à l’empereur de Rome, – 15e année du règne de l’empereur Tibère –; puis, par rapport au gouverneur de Judée – Ponce Pilate, « l’inflexible et impitoyable » procurateur de Rome en Judée de l’an 26 à 36 –; et encore par rapport au prince de Galilée Hérode Antipas, – le tétrarque de Galilée et de Pérée depuis la mort de son père Hérode le Grand, quatre ans avant notre ère –, c’est lui, le meurtrier de Jean le Baptiste; plus encore, par rapport à Philippe, – frère d’Hérode Antipas, tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, un domaine païen –; enfin, par rapport à Lysanias, tétrarque d’Abilène – une autre région païenne située dans l’Antiliban. Est-ce une préoccupation historique qui a conduit Luc à détailler à ce point l’organisation civile de la société du temps ou serait-ce plutôt un motif théologique qui l’aurait guidé? Après l’évocation des autorités de Judée et de Galilée, nommer les territoires confiés à Philippe et à Lysanias, c’est tenir compte de territoires païens. Y a-t-il ici une ouverture sur un projet universel?

Empereur... Grand Prêtre

Puis, il y a ce fait que Luc mentionne, à côté de l’empereur païen, le grand prêtre du peuple de Dieu. Encore ici, le texte donne-t-il le message d’un salut destiné aux juifs et aux païens? Cette référence au grand prêtre comporte aussi un élément énigmatique. Pourquoi parler d’UN grand prêtre et de préciser DEUX noms, Anne et Caïphe. Après tout, il n’y avait qu’une personne à tenir le poste à la fois. Or, au moment dont Luc parle, c’est Caïphe qui est grand prêtre. Dans son étude de la question, Augustin George nous fait remarquer qu’Anne fut grand prêtre en l’an 6 et qu’il fut destitué, 9 ans plus tard, par Valérien Gratus, en l’an 15. On sait que cinq de ses frères lui ont succédé dans la fonction, puis son gendre Caïphe : on peut conclure qu’« auprès du sacerdoce et du peuple, Anne avait conservé une autorité exceptionnelle »; il semble que sous les pontificats qui ont suivi le sien, c’est vraiment lui qui a gardé la conduite de la communauté.

Consolation d’après l’Exil

Le texte évangélique de ce dimanche nous renvoie aussi au début du second Isaïe (Is 40,3). L’annonce de l’accès de tout être humain au salut de Dieu, en la venue de Jésus dans la chair, est donc située sous un très large horizon. Entre 550 et 538 avant notre ère, un grand prophète anonyme annonçait, à l’heure de Cyrus, la libération du peuple choisi après le long exil de Babylone. Luc n’est pas le seul évangéliste à avoir relié la libération définitive apportée par Jésus à la libération du grand exil du peuple. Marc et Matthieu, dans leurs présentations respectives de Jean, ont aussi cité Is 40,3 (Mc 1,2-3 et Mt 3,3). Luc, cependant, est le seul à avoir prolongé la citation jusqu’à l’annonce du salut universel de Dieu : Et toute chair verra le salut de Dieu (Lc 3,6).

Le style de Jean

Les trois évangiles synoptiques présentent Jean comme prophète proclamant un très vigoureux message et un baptême de pénitence pour le pardon des péchés. C’est que la Parole de Dieu lui avait été adressée et qu’il s’acquittait donc d’une mission reçue de Dieu. Cette parole, il l’a reçue au désert. En Luc, pour connaître le style de cet homme du désert, il faut aller en Lc 7,24-30, alors que Jésus lui-même témoigne de la qualité du prophète Jean. Jésus dit : Qu’êtes-vous allés contempler au désert? Un roseau agité par le vent? Alors, qu’êtes-vous allés voir? Un homme vêtu d’habits délicats mais ceux qui ont des habits magnifiques et vivent dans les délices sont dans les palais royaux. Alors, qu’êtes-vous allés voir? Un prophète? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. Nous retrouverons Jean, dimanche prochain, annonçant la Bonne Nouvelle, ne mâchant pas ses mots pour en exprimer les exigences et évoquant le plus puissant que lui.

Baruc et Paul

C’est avec un magnifique texte poétique de Baruc sur Jérusalem, qui daterait du début du 2e  siècle avant notre ère, que s’ouvre la liturgie de la Parole de ce dimanche. Ce texte est porteur d’une promesse de retour des exilés à Babylone. Le retour et la réunification du peuple sont l’œuvre de Dieu. Commentant ce message de réconfort, P. E. Bonnard écrit : « L’artisan de cette réunification ne peut être que la Parole même de Dieu (Ba 5,5), non seulement le Verbe écrit qui nous regroupe autour de lui, mais le Verbe fait chair qui nous rassemble en lui, en nous réconciliant avec le Père et avec nos frères (et sœurs), grâce au dénuement de sa crèche qui annonce le dénuement de sa croix et traduit l’intensité de son amour. »

Dans l’évangile de ce jour, Luc nous a placés devant un avenir où tout être humain verra le salut de Dieu. Baruc, lui, nous assure que Dieu conduira Israël dans la joie à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice. Quant à Paul, il assure ses chers Philippiens que Dieu continuera chez eux son travail jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus. Quel avenir glorieux nous est tracé en ce deuxième dimanche de l’Avent 2018!

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2597. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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