L’entrée du Christ à Jérusalem. Jean-Léon Gérôme, 1897. Huile sur toile. Musée Georges-Garret, Vesoul (Wikimedia).

Une entrée au fort caractère symbolique

Benoît LambertBenoît Lambert | dimanche des rameaux et de la passion (C) – 10 avril 2022

Entrée solennelle à Jérusalem : Luc 19, 28-40
Lectures : Isaïe 50, 4-7 ; Psaume 21 (22) ; Philippiens 2, 6-11
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Jésus arrive à Jérusalem. Cet événement est le point culminant de l’évangile de Luc. Après avoir parcouru la terre d’Israël en faisant des miracles et en prêchant la Bonne Nouvelle, le Seigneur se dirige vers son destin final. Il va être rejeté par l’élite religieuse juive de son époque et il sera crucifié.

L’intention

Les recherches récentes ont montré à quel point Jésus avait été influencé par son environnement social, culturel et religieux. Jésus n’était pas un romain, mais un sémite qui parlait araméen, qui célébrait consciencieusement les fêtes juives. Il avait même une connaissance des Écritures qui en avait impressionné plusieurs lors de sa visite au Temple de Jérusalem à douze ans. Jésus a démontré encore cette érudition lors de son entrée dans la ville sainte. Il va l’orchestrer avec le but de manifester qu’il est le Messie tant attendu. Connaissant bien les Écritures, les pharisiens qui le méprisaient sauront détecter cette intention.

Celui qui vient

Lors de l’Alliance mosaïque, Yhwh avait promis à Moïse qu’il conduirait Israël vers un lieu où la nation sainte pourrait prospérer sous sa conduite. Mais Dieu avait besoin d’un représentant sur terre pour diriger son peuple. Il recevrait l’onction royale (oint de Dieu se traduit en hébreu par le mot Messie) et il amènerait les fils et les filles d’Abraham vers le bonheur. Le roi David fut considéré comme ce mandataire. Mais, devant la mauvaise conduite de ses successeurs, les prophètes ont moins parlé d’un Messie royal. Avec l’Exil à Babylone, la royauté davidique disparaissait. L’image du Messie-Roi demeurait mais, chez plusieurs prophètes, la conception messianique avait évolué. Celui qui vient devient plutôt un pasteur ou un intermédiaire entre Dieu et son peuple. Enfin, ce médiateur peut venir directement du ciel. Il aurait donc la possibilité d’être de nature divine (Daniel 7).

Selon les Écritures

Durant son ministère public, Jésus n’avait pas voulu qu’on l’identifie au Messie. Il ne souhaitait pas qu’on le considère comme un leader puissant qui allait délivrer Israël de l’oppression romaine. Cependant, en arrivant à Jérusalem, le Seigneur a l’intuition qu’il est en train de vivre le dernier chapitre de sa vie. Il savait qu’il n’était pas apprécié par plusieurs. Il va donc jouer le tout pour le tout en révélant son identité messianique en respectant ce que disent les Écritures de l’arrivée du Messie.

Il va d’abord descendre du mont des Oliviers (Zacharie 14,1-5) avant d’accéder à Jérusalem. Luc mentionne les villes de Betphagé et Béthanie qui sont situées sur le versant est du mont des Oliviers. Il somme ses disciples d’aller chercher un ânon qu’il avait aperçu. Les disciples le trouveront attaché à un arbre. Ils solliciteront la collaboration de son propriétaire qui va accepter qu’il soit emprunté. Il est intéressant de noter que Jésus demande l’assistance humaine pour orchestrer son arrivée. Dans l’Eucharistie, cette coopération est symbolisée par le pain et le vin, les fruits du travail humain qui seront sanctifiés par l’Esprit. Il faut spécifier que l’ânon est la monture prédite pour l’envoyé de Yhwh quand il entrera dans la cité sainte (Genèse 49,10-11). Elle symbolise l’humilité du nouveau roi qui va exercer l’autorité du Père. Il suffit de comparer les entrées triomphalistes des empereurs à Rome pour constater cette modestie.

Un accueil enthousiaste

Jésus aurait pu entrer à Jérusalem dans un silence respectueux ou de manière anonyme. C’est plutôt l’enthousiasme, l’exubérance qui domine comme l’annonçait l’Écriture (Zacharie 9,9 ; Juges 5,10). Luc met aussi dans les cris de la foule les phrases d’un psaume (Psaumes 18,25). Celui qui vient, le Messie est enfin arrivé. L’évangéliste oriente aussi l’acclamation populaire vers la dimension royale du Messie. Jésus est le roi sage et humble, le nouveau Salomon, accueilli lui aussi avec les louanges de ses sujets (1 Rois 1,40). Les rameaux de myrte, de saule et de palmiers étaient déjà utilisés lors de la fête juive des Tabernacles (Lévitique 23,29). Yhwh avait ordonné à Israël de se rappeler les branches qui constituaient les huttes dans lesquelles ils habitaient durant l’Exode. Les habitants de la ville sainte associaient donc déjà les rameaux à un moment solennel. De plus, l’Ancien Testament avait associé la venue du Messie avec les rameaux (Psaumes 118,27).

Une réaction ambigüe

Jésus devinait que l’euphorie de la foule était superficielle. Ses admirateurs reconnaissaient dans l’homme juché sur un ânon un guérisseur puissant qui pouvait leur accorder une faveur. N’étant pas imprégnés de l’Esprit, ils ne percevaient pas que les promesses de l’Écriture étaient enfin réalisées. Le Messie était présent et il allait effectuer un salut qui ne va pas seulement guérir leur corps, mais aussi leur intériorité. Luc témoigne de cette superficialité quand il écrit les mots : « pour les miracles qu’ils avaient vus ».

Les pharisiens, des érudits de la Loi et des Prophètes, n’ont pas été dupes. Ils ont décelé sous la mise en scène le message que voulait livrer Jésus : le Messie d’origine divine est arrivé. Déjà avant son arrivée, l’élite religieuse d’Israël avait rejeté le Galiléen et son message. Ils veulent donc faire taire la foule qui acclame celui qu’ils considéraient comme un imposteur. Jésus, face à cette demande, leur répond que même si l’allégresse de la foule est réprimée, les pierres vont se réjouir. Jésus en utilisant cette image réaffirme sa revendication messianique. En effet, l’Ancien Testament dénote que les éléments de la nature réagiront fortement à la venue du Messie (1 Rois 1,40 ; Psaumes 8,3). Un autre courant d’interprétation soutient que la réaction des pierres serait plaintive. Comme dans l’épisode suivant dans la Bonne Nouvelle de Luc où Jésus pleure devant l’incroyance des gens de Jérusalem, les pierres gémissent devant ce peuple qui refuse son Sauveur.

Peu importe l’interprétation choisie, les résultats restent les mêmes. L’intensité de l’opposition va augmenter et elle va trouver sa conclusion ultime dans la crucifixion. Aujourd’hui, l’Église accompagnée par l’Esprit, a perçu ce que l’assistance de la ville sainte n’avait probablement pas réalisé : Jésus est celui qui vient. Il est le Sauveur qui a rétabli le lien brisé par le péché entre l’humanité et Dieu.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2751. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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