Triduum 
              pascal 
            Jeudi saint
            Le festin de Babette
            Jésus, ayant aimé les siens qui étaient 
              dans le monde, les aima jusqu'au bout (Jean 13, 1). 
                 Gabriel Axel nous a donné 
              en 1987 un très beau film : « Le festin de Babette 
              ». Un pasteur protestant a fondé une petite congrégation 
              et il a vécu avec ses deux filles, Philippa et Martine, une 
              vie très austère et priante qui dédaigne les 
              choses d'ici-bas et n'aspire qu'à la Nouvelle Jérusalem. 
              Tour à tour Philippa et Martine renoncent à un amour 
              possible. Puis le père meurt et les deux filles continuent 
              de prendre soin de la congrégation. 
                 Un soir descend chez elles, dans 
              leur petit village danois, une française, Babette. Elle doit 
              fuir la Révolution car elle craint pour sa vie. Elle n'a 
              plus de parents. Elle demande aux deux surs de la prendre 
              à leur service pour le gîte et le couvert. Commence 
              pour elle une vie austère où elle sert les deux surs 
              avec discrétion et assiduité. 
                Alors qu'on s'apprête à fêter 
              le centième anniversaire de naissance du pasteur, Babette 
              reçoit une lettre lui annonçant qu'elle a gagné 
              10 000 francs à la loterie. Elle propose d'organiser un banquet 
              et d'inviter les membres de la congrégation. Elle offre un 
              véritable festin, car elle a été le grand chef 
              du Café anglais de Paris. Elle dépense même 
              tout le montant qu'elle a gagné, dans un geste d'une rare 
              extravagance. 
                Les membres de la Congrégation sont 
              divisés : il faut être poli envers Babette mais ne 
              doit-on pas mépriser la matière? Comment peut-on goûter 
              toutes ces bonnes choses? Il faut manger comme d'habitude sans manifester 
              la moindre satisfaction. 
                Mais la générosité 
              de Babette, le bon vin et l'enthousiasme d'un autre invité 
              font que peu à peu les yeux s'allument, les visages sourient, 
              les curs se réchauffent et on assiste à une 
              véritable communion entre ces personnes : un moment de grâce, 
              de pardon mutuel, de louange. 
            LIEN: La générosité de Babette surprend des 
              gens sévères et durs pour eux-mêmes mais finit 
              par toucher leur cur et les transfigurer. L'amour de Jésus 
              est extravagant lui aussi, il va jusqu'au bout. Le Jeudi saint est 
              le festin de Jésus qui, en se donnant, nous a tout donné. 
                 Dieu n'est qu'Amour. Les qualités 
              de Dieu  toute-puissance, sagesse, beauté  sont 
              les attributs de l'amour. Or si Dieu n'est qu'Amour, il est humble, 
              pauvre et dépendant. Dieu est le plus dépendant de 
              tous les êtres. Nous cherchons Dieu dans la lune, alors qu'il 
              est en train de nous laver les pieds. Nous cherchons le visage de 
              Jésus, alors qu'il est visible dans celui ou celle auquel 
              nous rendons service. Quand je vois Jésus, le soir du jeudi 
              saint, laver avec humilité des pieds humains, je vois Dieu 
              lui-même éternellement serviteur, avec humilité 
              au plus profond de sa grandeur. Cette grandeur, Jésus la 
              révèle dans le service, et jusque dans le don de sa 
              vie (Inspiré de F. Varillon, Joie de croire, Joie 
              de vivre). 
            * * * * * 
            Vendredi saint
            Inconsolable
             Ce que j'ai dit, demande-le à ceux qui sont venus m'entendre. 
              Eux savent ce que j'ai dit (Jean 18, 21). 
               
                  Notre fille de quatre ans connaissait la 
              signification religieuse de Noël, mais nous ne lui avions pas 
              encore expliqué celle de Pâques. 
                Le matin du Vendredi saint, elle alluma 
              la télévision pour regarder son émission préférée, 
              mais le programme pour enfants avait été remplacé 
              par l'histoire de la Passion. 
                À la fin, elle accourut vers moi 
              et dit : « T'as entendu ce qui est arrivé à 
              Jésus?» (C. Davis). 
             
              LIEN : Ce moment central de l'histoire de l'humanité, de 
              l'histoire de notre foi, le regarde-t-on avec toute la fraîcheur 
              de cette enfant? Est-il encore d'une actualité frappante 
              pour nous aujourd'hui? 
            * * * * * 
             
                « Tout s'est passé si vite, 
              mais à nous, il nous faut des siècles pour tenter 
              de comprendre. Déjà les apôtres avaient mis 
              des années pour mesurer la signification de ces événements. 
              De multiples messages, diffusés dans leur prédication, 
              jettent des lueurs sur ce mystère. (...) ». 
                « Pendant ces quelques heures, Jésus 
              a-t-il eu le temps de réaliser tout ce qui arrivait? Mais 
              voilà longtemps déjà qu'il s'était engagé 
              sur ce chemin. (...) ». 
                « Dans le grave silence de ces jours, 
              l'Esprit de Jésus nous convie à poursuivre cette méditation 
              et à rechercher comment la Passion et la Résurrection 
              de Jésus nous ont touchés. (...) » (Marcel Metzger, 
              Signe d'aujourd'hui, no 111, p. 115). 
            L'oiseau ensanglanté 
                Des myriades d'oiseaux voletaient sous un 
              filet tendu au-dessus du sol. Sans cesse ils s'envolaient, heurtaient 
              le filet et retombaient à terre. Le spectacle était 
              accablant de tristesse. Mais voici qu'un oiseau s'élança 
              à son tour. Il s'obstina à lutter contre le filet, 
              et soudain, blessé, couvert de sang, il le rompit et s'élança 
              vers l'azur. Ce fut un cri strident parmi tout le peuple des oiseaux, 
              et dans un bruissement d'ailes innombrables, ils se précipitèrent 
              vers la brèche, vers l'espace sans limite. 
            LIEN : Jésus ensanglanté a brisé le filet 
              du destin. L'impossible est désormais au cur de la 
              foi chrétienne et de l'humanité. Cri de l'oiseau ensanglanté, 
              il veut ouvrir à tous l'espace ... « Dieu est couvert 
              de blessures d'amour qui jamais ne se ferment » écrit 
              Lorca. Ces blessures, Dieu les reçoit sur toute la face de 
              la terre: les guerres, les injustices, les détresses, le 
              désespoir ... blessures de Dieu!  
            * * * * * 
            Veillée pascale et dimanche 
              de Pâques
            Le secret de l'Inukshuk
            Jésus lui-même s'approcha, et il marchait avec 
              eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés et ils ne le 
              reconnaissaient pas (Luc 24, 15-16). 
               
                  Sur l'île de Baffin on peut voir de 
              curieux monuments parsemés ici et là dans la toundra. 
              Faits d'énormes pierres superposées, on dirait des 
              croix ou des humains. En fait, est-ce l'humain qui a forme de croix 
              lorsqu'il étend les bras? ou la croix qui a la forme d'un 
              humain? Est-ce que l'humain porte la croix ou repose sur la croix? 
              Je ne sais pas Je les trouvais bien beaux ces monuments appelés 
              Inukshuk! Inuk = humain, Inukshuk = guide. Un jour que 
              je me dirigeais vers un point d'eau où je comptais pêcher 
              le jeune saumon, j'ai demandé ma route au vieux Siméonie. 
              Il m'a répondu :  
             
                - Suis les Inukshuk. 
                - Mais comment? Ils sont dispersés 
              un peu partout dans la toundra. 
             
                 Simeonie m'a fermement incitée 
              à me déplacer un peu, à pencher la tête, 
              à fermer un il pour voir plus juste et il m'a dit : 
             
                - Quand tu vois plusieurs Inukshuk c'est 
              que tu es en errance, que tu ne vas nulle part; il faut te placer 
              de façon à ce qu'ils soient si parfaitement alignés 
              que tu n'en vois plus qu'un : alors seulement tu es en chemin. 
             
               Et j'ai pensé aux croix de nos vies, aux 
              Inukshuk de notre toundra ... Quand on s'applique à 
              les dénombrer, à dresser le bilan de nos épreuves, 
              à effectuer l'autopsie de nos peines, peut-être sommes-nous 
              en errance. 
             
                Lorsqu'on se décide à se 
              déplacer un peu, à pencher la tête, à 
              fermer un il pour voir plus juste ... Lorsqu'enfin toutes 
              nos croix bien alignées permettent au regard de n'en apercevoir 
              qu'une, celle qui sauve, celle sur laquelle repose notre résurrection, 
              alors seulement nous sommes en chemin (Rita Coulombe-Habel). 
             
              LIEN: Nous ressemblons parfois aux disciples d'Emmaüs : on 
              ne voit pas le Seigneur qui marche à nos côtés. 
              On ne le reconnaît pas parce que notre regard est dirigé 
              sur nos multiples petites croix dispersées dans notre quotidien, 
              alors que si on en prenait une vue d'ensemble, on n'en verrait qu'une 
              et alors on comprendrait que c'est aussi celle du Christ, celle 
              qui sauve, qui donne sens et nourrit l'espérance.  
              
            
            Chronique 
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              L'univers des ombres 
              
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