Imaginons la scène pour mieux la comprendre ! Jésus est prisonnier, livré sans défense, totalement impuissant, entre les mains de Pilate, pour être condamné à mort. Et c’est à ce moment-là qu’il accepte pour lui-même le titre de roi des Juifs, dont Pilate l’affuble, et qui sera placardé au-dessus de sa tête, au moment de la crucifixion. La dérision sera totale et la foule pourra se gausser de lui en toute impunité en lui criant : «Salut ! Roi des Juifs !» Les scribes et les pharisiens vont pouvoir lui lancer un dernier défi : « Descends de la croix et nous croirons en toi! » Pilate reçoit une réponse à laquelle il ne comprend rien : « Ma royauté n’est pas d’ici! » Une manière abrupte de dire que la royauté à laquelle Jésus peut prétendre, n’a rien à voir avec celle de Pilate ou de tout autre roi terrestre. Et il ajoute : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. »....
Comment comprendre ce titre que ce dernier dimanche de l’année liturgique donne à Jésus ? Sa « royauté » n’a rien à voir avec avec les royautés de pouvoir et de domination du monde d’aujourd’hui, celles qui sont intimement liées à la grandeur des palais, la puissance des armes, la richesse des apparats et qui se manifeste comme l’exercice d’une domination sur les autres.
En acceptant ce titre pour lui-même, Jésus en change radicalement le sens. Il se présente lui-même comme le Maître et Seigneur qui s’agenouille devant ses disciples pour leur laver les pieds. Il accepte sa condamnation à mort pour révéler au monde le chemin de l’amour authentique. Il donne sa vie pour que l’homme vive. A ses yeux la seule valeur authentique est celle de l’amour qui va jusqu’au bout de lui-même. La croix n’est pas le signe de sa défaite, mais celui de la puissance de l’amour plus fort que la violence et la mort.
En proclamant Jésus, Christ et Seigneur, les premiers chrétiens n’affirmaient rien d’autre que cela. Le vrai Seigneur n’est pas César et ses armées, mais Jésus en qui est révélée la vérité et la force de l’amour, unique source de salut.
Sommes-nous prêts à entrer dans cette perspective ? La question vaut la peine d’être posée car nous sommes tous habités par des rêves de puissance et domination, de richesses et de fastes ou encore de luxe ou de palais somptueux. Quand donc l’Eglise prendra--t-elle au sérieux le message de Celui qu’elle célèbre, le roi-serviteur ?