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Archéologie
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chronique du 15 septembre 2006
 

Bétyle ou « maison de dieu »

À la fin des années 50, l’auteur de cette chronique à pu mettre à jour un autre témoin d’une pratique religieuse, en Israël, que les prophètes et les historiens sacrés ont toujours sévèrement condamnée. L’incident eut lieu à Tell el-Farah en Samarie, l’ancienne capitale d’Israël, au IXe siècle (Tirça). Nous étions à dégager la petite cour devant la porte de la ville, à l’intérieur des remparts, quand une grosse pierre de 50 cm x 60 cm, creusée en forme de bassin, émergea des décombres. À côté de ce bassin, et renversée sur le sol, gisait une grande pierre grossièrement rectangulaire, d’une largeur moyenne de 40 cm et haute de 1,80 m. L’interprétation de cette sorte de colonne n’a pas été difficile, mais il était « gênant » de la trouver là, sur une place publique d’une ville israélite! Nous étions en présence d’une massébâh, que les traducteurs modernes de la bible rendent ordinairement par le mot stèle, ou « pierre levée », car le terme vient du verbe nâbah, « dresser », « mettre debout ».
 

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     Le terme hébreu revient assez souvent dans l’Ancien Testament et désigne clairement deux types de monuments différents. Le premier correspond à nos monuments « commémoratifs » d’un événement ou d’une personne : Jacob dresse ainsi une stèle sur la tombe de Rachel (Gn 35,20); Moïse érige douze stèles au pied du Sinaï, chacune représentant une tribu d’Israël (Ex 24,44); Absalom, sans enfant, fait dresser une stèle qui « commémore son nom » (2 S 18,18). Mais la présence d’un bassin à côté de la stèle de notre fouille nous invite assurément à voir dans celle-ci un monument religieux.

     Un incident de la vie de Jacob nous explique fort bien l’aspect physique d’une telle pierre, le rite qui lui est attaché et sa signification religieuse. En route vers le pays de son futur beau-père, Laban, il s’arrête en un lieu pour y passer la nuit. Endormi sur une pierre, il vit en songe Yahvé et ses anges; à son réveil, troublé, il confesse la présence de Dieu en ce lieu qu’il qualifie de « maison de Dieu » (Beth-el). Il dresse cette pierre comme une « stèle », sur laquelle il verse de l’huile, car elle est pour lui une « maison de Dieu » (Beth-el), et le lieu lui-même prend le nom de Beth-el, ville israélite que nous connaissons bien, au nord de Jérusalem (Gn 28,10-22). Cette pierre « Beth-el » rappelle aussitôt les bétyles (« maisons de dieu ») des Cananéens et que les fouilles ont souvent révélés en Syrie-Palestine. Ce sont des colonnes de pierre grossièrement équarries et dressées dans les temples marquant la présence des dieux, et sur lesquelles on faisait des onctions d’huile. Des bassins leur étaient associés pour recevoir les offrandes liquides (vin, miel, lait, etc.). Ces Cananéens représentaient ainsi, de façon très symbolique, la présence de leurs dieux mâles, bien reconnue dans le terme bétyle. Ainsi Jacob semble reconnaître la valeur religieuse d’un tel monument, sauf qu’il substitue son propre Dieu au dieu païen qui le précédait.

     Mais le danger de confondre Yahvé avec ces dieux était une menace constante. De fait, l’histoire d’Israël nous montre clairement que des « stèles de Baal » ont été dressées en Israël et Juda (2 R 3,2; 10,26-27), que Josias supprime (2 R 23,14). Surtout la tradition biblique nous informe avec précision que ces stèles étaient accompagnées de « pieux » (en bois), dont le nom asherah évoque la déesse de fertilité des Cananéens! La « stèle » et le « pieu » représentent donc le couple divin qui assure la fertilité des champs, du troupeau et de la famille, comme le reconnaît Osée (10,1-2; voir 3,4). Nous comprenons que Yahvé exige la démolition de ces objets de culte, lors de la conquête (Ex 34,13; 12,3), et qu’il en défende l’érection (Lv 26,1; Dt 16,22). Comme pour la plupart des exigences de Yahvé, celle-ci fut aussi oubliée : en Samarie (2 R 17,10) comme en Juda (2 R 14,23; 18,4; Mi 5,12) leur présence est signalée.

     Notre découverte à Tell el-Farah d’une telle stèle, accompagnée de son bassin, illustre presque dramatiquement le bien-fondé des témoignages écrits. On se souviendra peut-être de cette autre découverte qui fut l’objet d'une chroniquerécente : un temple à Yahvé à Arad. Dans la salle de culte la plus sacrée du temple deux stèles étaient encore fièrement dressées! Ces pierres étaient-elles jumelées à des « pieux » sacrés? Il est difficile pour l’archéologue de l’affirmer, car l’humidité a fait disparaître toute trace de leur présence, au cours des siècles.

     Nous pouvons encore nous interroger sur la personnalité du dieu ainsi évoqué : s’agit-il de Baal, dieu païen, ou de Yahvé? Sans doute que, dans la foi populaire, ces personnalités distinctes ont été largement confondues!

     Vraiment, pour un parfait croyant yahviste, il est gênant de devoir reconnaître l’existence de tels objets cultuels. L’historien, au contraire, se réjouit de pouvoir apposer ces mêmes monuments aux textes anciens qu’il essaie de toujours mieux comprendre.

Guy Couturier, CSC

Source : Parabole xiv/1 (1991).

Article précédent :
Arad : un temple à Yahvé

 

 

 

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