|
Que penser de l’Exode d’un point de vue historique?
Le
récit que fait la Bible de l'Exode a des proportions épiques
en vue de bien camper dans nos esprits l'enseignement qui nous est destiné,
je pense. D'un point de vue historique, que pouvons-nous dire de l'Exode?
Par exemple, dans l'histoire égyptienne, n'a t'on pas eu connaissance
de ce fait qu'est l'Exode? (A. Gervais)
Bien
qu'il soit difficile de préciser avec une absolue exactitude la
date et la teneur des événements qui entourent l'Exode,
on peut néanmoins en établir les faits essentiels: le départ
d'Égypte, sous la conduite de Moïse, d'un groupe de Sémites
qui y étaient réduits en servitude et dont l'expérience
fut décisive pour l'existence et la foi d'Israël; leur marche
au désert au milieu d'épreuves de toute sorte et leur installation
au pays de Canaan.
Les commentateurs situent approximativement
l'Exode au cours du XIIIe siècle avant Jésus
Christ. Cette époque est marquée par le règne de
deux grands Pharaons : Séti Ier (1309-1290) et Ramsès
II (1290-1224). On sait par la documentation égyptienne que le
pharaon Ramsès II fit construire des bases militaires dans le delta
du Nil et que des prisonniers de guerre, des esclaves et des immigrants,
surtout d'origine asiatique (tels les Sémites et les Assyriens),
furent engagés pour réaliser ces travaux dans des conditions
souvent très difficiles. Il est fort probable que des Hébreux
furent du nombre. Les annales égyptiennes ne font aucune mention
du départ des Hébreux, n'y voyant somme toute que la fuite
d'un groupe d'esclaves -- comme il pouvait s'en produire de temps à
autres.
Le pharaon Ramsès II tel que
représenté
sur les tambours d'une colonne d'un temple de l'île d'Éléphantine.
Les récits relatifs à l'Exode,
tels que nous pouvons les lire aujourd'hui, sont le résultat d'une
longue maturation de plusieurs traditions. Leur mise par écrit
survient après plusieurs siècles de tradition orale et d'interprétation.
Il ne faut donc pas s'étonner outre mesure d'y retrouver des versions
différentes de l'événement, selon qu'un groupe a
privilégié tel ou tel aspect. Prenons par exemple le passage
de la Mer.
Le passage
de la Mer
Le récit du passage de la Mer nous
est parvenu sous la forme d'un récit épique (Exode 14) et
d'un cantique (Exode 15). Le récit, à lui-seul, combine
deux représentations différentes du miracle; celles-ci ont
été harmonisées lorsque furent imbriqués deux
récits appartenant à deux époques différentes.
Selon la première version, Le SEIGNEUR est seul à agir.
Moïse invite les Hébreux, paniqués à la vue
des Égyptiens, à mettre leur foi en Dieu qui va combattre
pour eux. Le texte ne dit pas que les Hébreux traversent la mer,
mais nous les présente plutôt comme les spectateurs de la
victoire de Dieu (voir plus loin la version 1). Selon la seconde version,
Moïse agit au nom de Dieu, étend la main sur la Mer, fend
les eaux et les Israélites passent à pied sec (voir la version
2). À cause du caractère épique du récit,
il est difficile de reconstituer l'événement dans le genre
d'un reportage historique. Mais une chose est certaine: les Hébreux
ont reconnu l'intervention de Dieu dans une situation qui, durant leur
fuite, leur était apparue désespérée.
Voyons plus en détails comment le
chapitre 14 du livre de l'Exode combine deux récits du passage
de la Mer. Grâce aux études qui permettent d'identifier les
traditions, on dégage les deux versions suivantes. Prenez le temps de les comparer...
Version 1
On l'appelle « yahviste »,
à cause de l'utilisation habituelle du nom « Yahweh »,
rendu ici par « le SEIGNEUR » pour désigner
Dieu. Ce serait la version plus ancienne :
-
L'ange de Dieu qui marchait en avant du camp d'Israël partit
et passa sur leurs arrières. La colonne de nuée partit
de devant eux et se tint sur leurs arrières. Elle s'inséra
entre le camp des Égyptiens et le camp d'Israël. Il y eut
la nuée, mais aussi les ténèbres; alors elle éclaira
la nuit. Et l'on ne s'approcha pas l'un de l'autre de toute la nuit.
Le SEIGNEUR refoula la mer toute la nuit par un vent d'est puissant
et il mit la mer à sec. Or, au cours de la veille du matin, depuis
la colonne de feu et de nuée, le SEIGNEUR observa le camp des
Égyptiens et il mit le désordre dans le camp des Égyptiens.
Il bloqua les roues de leurs chars et en rendit la conduite pénible.
L'Égypte dit: 'Fuyons loin d'Israël, car c'est le SEIGNEUR
qui combat pour eux contre l'Égypte!' À l'approche du
matin, la mer revint à sa place habituelle, tandis que les Égyptiens
fuyaient à sa rencontre. Et le SEIGNEUR se débarrassa
des Égyptiens au milieu de la mer: il ne resta personne. Le SEIGNEUR,
en ce jour-là, sauva Israël de la main de l'Égypte
et Israël vit l'Égypte morte sur le rivage de la mer. (Ex
14, 19-20. 21 b. 24-25. 27bc. 28c. 30).
Version 2
L'autre version est dite « sacerdotale
» car son origine se trouve chez les groupes de prêtres plusieurs
siècles après la première version. Généralement,
lorsque nous nous représentons l'Exode, nous empruntons les images
de celle-ci. Elle est plus récente et apparaît comme une
relecture des grands événements de l'histoire du salut.
En voici le texte :
-
« J'endurcirai le coeur du Pharaon et il les poursuivra.
Mais je me glorifierai aux dépens du Pharaon et de toutes ses
forces, et les Égyptiens connaîtront que c'est moi le SEIGNEUR »
Le SEIGNEUR dit à Moïse: « Qu'as-tu à crier
vers moi? Parle aux fils d'Israël: qu'on se mette en route! Et
toi, lève ton bâton, étends la main sur la mer,
fends-la: et que les fils d'Israël pénètrent au milieu
de la mer à pied sec. Et moi, je vais endurcir le coeur des Égyptiens
pour qu'ils y pénètrent derrière eux et que je
me glorifie aux dépens du Pharaon et de toutes ses forces, de
ses chars et de ses cavaliers. Ainsi les Égyptiens connaîtront
que c'est moi le SEIGNEUR, quand je me serai glorifié aux dépens
du Pharaon, de ses chars et de ses cavaliers. » Moïse
étendit la main sur la mer. Les eaux se fendirent et les fils
d'Israël pénétrèrent au milieu de la mer à
pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à
leur gauche. Les Égyptiens les poursuivirent et pénétrèrent
derrière eux tous les chevaux du Pharaon, ses chars et ses cavaliers
jusqu'au milieu de la mer. Le SEIGNEUR dit à Moïse: « Étends
la main sur la mer: que les eaux reviennent sur l'Égypte, sur
ses chars et ses cavaliers! » Moïse étendit la
main sur la mer. Les eaux revinrent et recouvrirent les chars et les
cavaliers; de toutes les forces du Pharaon qui avaient pénétré
dans la mer derrière Israël. Mais les fils d'Israël
avaient marché à pied sec au milieu de la mer, les eaux
formant une muraille à leur droite et à leur gauche. (Ex
14, versets 4; 15 à 18; 21 a; 21 c; 22 et 23; 26; 27a; 28ab;
29)

Article précédent
:
Pourquoi
parle-t-on de la crainte de Dieu dans la Bible?
|