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Comprendre la Bible
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chronique du 8 octobre 1999

 

Les écrits sapientiaux

QuestionPourquoi avoir désigné par « écrits sapientiaux » une partie des livres de la Bible? Quelles sont leurs caractéristiques principales? Quel est leur message? (J.-L. Sanders)

RĂ©ponseLes gens qui en avaient assez de la prédication du prophète Jérémie voulaient se débarrasser de lui en disant: « Venez! Machinons un attentat contre Jérémie, car la torah (loi, instruction) ne périra pas faute de prêtre, ni le conseil faute de sage, ni la parole faute de prophète » (Jr 18,18). Ce verset présente bien les trois catégories de chefs spirituels en Israël avec, pour chacun, sa fonction propre: le prêtre proclame la torah, le prophète la parole de Dieu et le sage donne conseil. Chose intéressante, ces trois catégories correspondent exactement aux trois grandes divisions de la Bible hébraïque: la torah (la loi), que nous appelons le Pentateuque; les livres prophétiques; et ensuite les livres sapientiaux (Proverbes, Job, Ecclésiaste ou Qohélet, le livre de la Sagesse, l'Ecclésiastique ou Ben Sirac).

     Torah et Prophètes ont beaucoup en commun, mais la littérature sapientielle est très différente. Dans la torah et les prophètes, Dieu est au centre: il détermine l'histoire par ses actions en faveur de son peuple. Israël s'adresse à Yahvé pour venir à son aide et Yahvé promet d'intervenir (Ex 6,5-6) et il réalise sa promesse. Les prophètes encouragent le peuple à faire confiance à Dieu (Is 7,9). Dans ces deux catégories de livres, on pourrait dire que l'homme met sa confiance en Dieu. À l'inverse, c'est l'homme qui est au centre dans la littérature sapientielle. Dieu met sa confiance en l'homme auquel il a donné l'intelligence pour s'occuper du monde, comme il est dit d'une façon explicite dans le récit de la création (Gn 1,27-28). Dans l'Évangile, Jésus dit la même chose: il recommande de bien réfléchir avant d'agir, avant d'aller à la guerre, avant de construire une tour. Ainsi la loi et les prophètes se caractérisent par une théologie de l'histoire du salut, tandis qu'on pourrait dire que le courant sapientiel présente une théologie de la création.

     Ces deux courants ont des incidences différentes quant à l'agir humain. Dans le premier groupe d'écrits -- caractérisé par une théologie de l'histoire -- Dieu nous dit quoi faire. La loi est présentée comme une révélation de Dieu à Moïse (Ex 20,1); les prophètes aussi proclament la Parole de Dieu et disent au peuple ce que Dieu attend de lui (Mi 6,6-8). Cette approche offre ainsi à l'homme une grande sécurité: on ne peut pas se tromper si Dieu nous dit quoi faire. Par ailleurs l'homme reste toujours libre d'accepter ou de refuser; on parle ainsi d'obéissance à la Parole de Dieu ou bien de désobéissance ou de péché.

     Le courant sapientiel présente une tout autre approche par rapport à l'agir humain. Comme Dieu nous a donné l'intelligence et nous fait confiance, l'homme peut trouver quoi faire par lui-même. Ceci entraîne toutefois un risque car on peut se tromper. Mais, après tout, ce n'est pas la fin du monde de se tromper. Au contraire, on peut apprendre par ses bêtises. Ainsi, l'homme qui observe autour de lui comment les gens agissent et qui en tire des conclusions, commence à trouver ce qui est le mieux. Après un certain temps, il acquiert une certaine expérience, il devient sage.

     La personne qui a acquis une expérience de vie veut parfois partager cette expérience avec d'autres, surtout avec ses enfants, pour qu'ils trouvent plus rapidement la bonne conduite à suivre. Les conseils ainsi prodigués sont à l'origine de certains écrits de sagesse, comme les proverbes, les instructions, les réflexions sur la vie, sur la souffrance, sur la richesse, etc. Le jeune qui reçoit l'instruction de ses parents ou aussi le moins jeune qui profite de l'expérience des anciens, n'est pas devant une obligation de loi. Il est placé devant un conseil qu'il va évaluer. Le grand principe de la sagesse est « voir - juger - agir ». La personne reste libre et on ne parle pas ici d'obéissance ou de péché. La personne qui rejette le bon conseil ne commet pas de péché mais il fait une bêtise, c'est un fou; la personne qui l'accepte au contraire est sage. Il n'y a donc pas de limite à la sagesse, même le sage peut accroître sa sagesse.

     On peut donc résumer ces deux approches en disant que, dans la loi et les prophètes, on présente une théologie qui vient d'en haut, tandis que dans le courant sapientiel, il s'agit d'une théologie d'en bas. Il est remarquable que, dans l'Écriture, on trouve ces deux courants bien distincts, aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament. Aujourd'hui, ces mêmes courants qui se complètent s'observent encore dans notre société et dans l'Église.

Walter Vogels

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