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Comprendre la Bible
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chronique du 1er fŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽŽévrier 2008

 

Dieu au pluriel en Genèse 3,22

QuestionÀ 53 ans, je suis un nouveau lecteur de la Bible et cela me cause quelques soucis de compréhension! Dans la Genèse, « Dieu dit : Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous pour connaître le bien et le mal » (Gn 3,22). Que signifie l’expression « comme l’un de nous »? En effet, Dieu parle-t-il de lui en terme de trois personnes? (Albert)

RéponseIl y a plusieurs façons de comprendre ce pluriel : il peut s’agir d’un pluriel de majesté,  des puissances de Dieu, de sa cour céleste ou, comme vous le dites, d'une référence à la Sainte Trinité.

     Une première interprétation doit être éliminée tout de suite : c’est la quatrième. Même si les Pères de l’Église ont vu dans le récit des trois hommes apparaissant à Abraham au Chênes de Mambré (Gn 18), la préfiguration de la Sainte Trinité, cette conception d’un Dieu en trois personnes est largement postérieure à l’écriture de ce récit et il n’y réfère pas.

     S’agit-il d’un pluriel de majesté? Nos traductions de la Bible, écrivent dans ce verset le nom de « Dieu » au singulier, mais le texte hébreu écrit : « YHWH Élohim ». Dieu est déjà, dans cette phrase, désigné au pluriel. Ce n’est pas la seule fois où cela arrive. Dans son geste de création de l’homme, Dieu est, par exemple, désigné de la même façon et parle aussi de lui-même au pluriel (Gn 1,26). L’utilisation du pluriel, même dans nos langues, est un signe de respect. Cette désignation de Dieu au pluriel pourrait donc traduire le respect que nous ressentons à l’égard de Dieu.

     On a aussi vu, dans ce pluriel, la présence des « puissances de Dieu », de ses attributs. Nos ancêtres étaient des nomades. Pour eux, Dieu, à l’origine, n’avait pas de nom et n’était pas lié non plus à un territoire particulier : Il était lié à un groupe d’hommes et de femmes qu’Il accompagnait dans leurs déplacements et qu’Il guidait. Les peuples sédentaires avaient une autre conception de Dieu. Pour eux, Dieu était celui qui protégeait leur territoire. Aussi lorsque les nomades ont commencé à s’aventurer sur ces territoires, ils ont commencé à honorer les dieux des terres où ils passaient, sans abandonner pour autant le leur : ceci les a d’ailleurs conduits à un certain syncrétisme religieux contre lequel s’élèveront plus tard les prophètes. Mais leur propre sédentarisation les a aussi conduits à modifier leur conception de Dieu, car ils trouvaient en ce Dieu auquel ils croyaient tous les attributs que les sédentaires donnaient aux leurs. C’est la raison pour laquelle nous avons toute une variété de noms de Dieu dans la Bible. Le nom El signifie Dieu dans toutes les langues sémitiques. Ce El est suivit de divers substantifs : El Elyon, « Le Très-Haut » (Gn 14,18-22) : El et Elyon sont deux divinités du panthéon cananéo-phénicien qu’on a, dans ce récit, jumelé; El Roï (Gn 16,13), « le dieu de la vision » ou « Dieu me voit », El Olam (Gn 21,33), « Dieu, L’Éternel »; El Shaddaï (Gn 17,1; 28,3 etc.), « Dieu de la Plaine, de la Campagne ou de la Montagne » selon que la façon de comprendre « shaddaï », en ugarit, en akkadien ou en babylonien; El Bethel (Gn 31,13) désigne le Dieu de Béthel. Ces désignations ne signifiaient pas l’abandon de leur croyance en Celui qui les avait jusque là, guidé, mais enrichissaient leur propre compréhension de Dieu.

     Mais l’interprétation la plus courante de ce texte est celle d’une conception aussi très ancienne de Dieu où il serait entouré de sa cour céleste. Tous les autres dieux des populations sédentaires qui les entouraient avaient une cour céleste. Ces gens étaient polythéistes. On a donc imaginé YHWH entouré de la même façon. On a des traces vétéro-testamentaires de cette représentation de Dieu où, lorsqu’Il réfléchit à une situation donnée, Il discute avec des personnes (Is 6,8), parfois ces personnes sont considérées comme faisant parti de « l’armée des cieux » (1 R 22, 19-22); à d’autres moments, il s’agit de « Fils de Dieu » (Jb 1,6). On a souvent représenté Dieu comme étant entouré d’anges qui auraient une connaissance supérieure à celle des hommes et ces anges sont en quelque sorte, ici, témoins de la scène.

Yolande Girard

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La langue des Évangiles : langue de Jésus ?