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Comprendre la Bible
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chronique du 17 octobre 2008

 

Juifs et Arabes, descendants d’Abraham?

QuestionApparemment, les Juifs et les Arabes ont le même ancêtre en Abraham. Sont-ils vraiment reliés? Si oui, pourquoi la guerre au Moyen-Orient? (Birane)

RéponseLa question avait si bien commencé avec « apparemment »... Mais il y a plus d’un élément qui est confus dans la question même et qu’il est important de clarifier.

     D’abord, la question généalogique. Oui, selon les généalogies du livre de la Genèse, les peuples d’Orient descendraient tous d’Adam, de Noé et d’Abraham par Isaac et Jacob. On n’a qu’à lire, par exemple, Gn 4,17-26 sur la descendance d’Adam et Ève, Gn 5, appelé la « Table des peuples », Gn 11,10-32 sur les descendants de Noé jusqu’à Abraham. Le problème avec ces textes, c’est que personne ne croit en leur historicité. Même si les peuples de l’Antiquité vivaient  dans des sociétés où la tradition orale étaient bien plus développée que pour nous, et même si certaines sociétés (africaines surtout) ont démontré être capables de réciter une généalogie de leur(s) famille(s), il semble bien qu’en Orient peu de gens récitaient de véritables généalogies s’étendant sur plusieurs siècles. On peut bien proclamer qu’on descend de tel ou tel héros, il est plus difficile d’en être certain. De plus, diverses généalogies de mêmes personnes ne concordent pas. L’exemple le plus classique est la généalogie de Jésus en Mt 1,1-17 et Lc 3,23-38 où il y a fort peu de noms en commun. La solution est simple. Les généalogies sont des créations littéraires. Si on ne sait pas de qui exactement on descend, on y décrit qui on est, qui on veut être ou qui on prétend être. Les généalogies sont des moyens de se forger ou d’affirmer l’identité d’un peuple, d’une famille, d’un clan (une tribu), etc., parfois aux dépens d’un autre peuple.

     Deuxièmement, la question ethnique n’est pas si claire. Les Juifs existaient certainement comme peuple distinct des Cananéens autour du règne de David (1000 avant Jésus Christ), mais il est plus difficile de l’affirmer pour ce qui précède cette époque. En effet, la récente « révolution archéologique » a démontré hors de tout doute que le peuple d’Israël est venu – non pas de l’extérieur de Palestine comme l’affirme la Bible – mais d’une scission interne de la société cananéenne. Cela signifie que des Cananéens, pour différents motifs plus ou moins accessibles pour nous, se sont séparés de leur peuple pour en former un autre. Ce processus a duré plusieurs siècles. Les Israélites ce sont ensuite créer un passé avec, entre autres, des généalogies justificatives. Quant aux Arabes, il faut faire attention. La Bible n’en parle presque pas, et il s’agit de textes relativement récents (Jr 3,2; 1 R 10,15; 2 Ch 27,11; Éz 27,21), où ils sont déjà considérés en ennemis (Is 13,20; 21,13-17; Jr 25,23-24; 49,28-33). Ils sont devenus ce que nous en connaissons aujourd’hui par leur adhésion presque généralisée à l’Islam à partir du VIe siècle de notre ère. Il n’y a donc presque jamais eu de relation entre le peuple d’Israël et les « Arabes », à l’époque biblique du moins.

     En conséquence, il est donc facile de donner une réponse à la dernière partie de la question. Les tensions au Moyen-Orient sont une problématique qui n’a rien à voir avec la Bible comme telle. C’est une question ethnique et politique, religieuse aussi si l’on veut, mais pas au premier chef, dans la mesure où le peuple d’Israël est majoritairement juif et les Arabes majoritairement musulmans. Tout a commencé avec le mouvement sioniste du XIXe siècle et la fondation de l’État d’Israël en 1948. Le reste est connu de tous. Maintenant, que certains Israélites utilisent la Bible pour fonder leurs revendications est une question d’interprétation actuelle plus qu’une question biblique en soi.

     Dans ces questions épineuses, il est important de bien distinguer les plans et de ne pas tout confondre. Autrement, certaines questions sont sans solution, tandis que d’autres sont de fausses questions qui ne s’appliquent pas vraiment.

Hervé Tremblay

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Pourquoi ces quatre évangiles?