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chronique du 21 octobre 2011
Des prépuces sur la liste des cadeaux (1 S 18, 25-27)
Le don nuptial est un cadeau offert par le futur mari au père de la mariée pour obtenir sa main. Voici l’histoire d’un don nuptial particulièrement inusité. À ce moment du livre de Samuel, David a tué Goliath et commence à se faire connaître pour ses exploits. Le roi Saül se montre de plus en plus jaloux de David et voudrait le tuer.
Saül dit : « Vous parlerez ainsi à David : Le roi ne veut pour don nuptial que cent prépuces de Philistins, pour tirer vengeance des ennemis du roi. » Saül comptait ainsi faire tomber David aux mains des Philistins.
Les serviteurs de Saül rapportèrent à David ces paroles. La proposition parut bonne à David pour devenir le gendre du roi. Le délai n’était pas écoulé que David se mit en route et partit avec ses hommes. Il abattit, parmi les Philistins, deux cents hommes. David apporta leurs prépuces, dont on fit le compte devant le roi, pour que David devienne le gendre du roi. Et Saül lui donna pour femme sa fille Mikal.
Saül vit et comprit que le Seigneur était avec David et que Mikal, fille de Saül, l’aimait. Saül craignit encore plus David et Saül lui devint définitivement hostile. (1 S 18, 25-29)
David remet donc une dot de deux cents prépuces au roi pour obtenir la main de sa fille. Ces prépuces sont vus comme des trophées de guerre, puisqu’ils représentent deux cents Philistins tués par David. Imaginez la scène, après la bataille : David et ses hommes dénudent les cadavres de leurs ennemis pour procéder à l’ablation de leurs prépuces! Les Philistins étaient les ennemis par excellence des Israélites. Contrairement à Israël, ils ne pratiquaient pas la circoncision.
La circoncision est l’acte de couper le prépuce, le bout de la peau du pénis. Ce rite se retrouve chez plusieurs peuples du Proche-Orient ancien. Lors de l’exil à Babylone, au VIe siècle av. J.-C., la circoncision devient un rite sacré marquant l’appartenance au peuple élu. Les Hébreux vivaient alors loin de la Palestine, au milieu de nations qui elles ne pratiquaient pas la circoncision. Dans ce contexte, le geste a pour but de démontrer leur spécificité et leur appartenance à la nation juive. Le sens de cette pratique est donné dans la Bible par le récit de l’alliance entre Abraham et Dieu (Gn 17,10), sans doute rédigé à l’époque de l’exil. La circoncision devient alors le signe de l’alliance entre Dieu et son peuple.
Ce récit sur les prépuces fait la preuve que le Seigneur est avec David puisqu’il remporte autant de succès. Il accumule les victoires contre les Philistins et jouit de la faveur populaire en devenant le gendre du roi. Malgré l’hostilité de Saül, il parvient à grimper dans l’échelle sociale et à entrer à la cour du roi.
Il est intéressant de remarquer que le récit laisse entendre que l’objet du désir de David n’est pas tant Mikal que le statut de gendre du roi. Le texte ne dit pas qu’il aimait Mikal ou la trouvait belle. Ce mariage semble une bonne idée pour son avancement vers le pouvoir. Mais Mikal aime David. Le prochain récit sera plus clair sur les sentiments de David pour quelqu’un d’autre…
La circoncision aujourd’hui
Pourquoi les chrétiens ne pratiquent-ils pas la circoncision? La circoncision fera l’objet de l’un des premiers conflits dans l’Église naissante. Jésus, ses disciples ainsi que la plupart des premiers chrétiens étaient des Juifs circoncis. Lorsque des païens souhaitèrent devenir chrétiens, la question se posa : devaient-ils se soumettre à la loi juive et se faire circoncire eux aussi? Cette question est un exemple très pratique du rapport entre la loi juive et la foi chrétienne. Elle fut débattue entre Pierre, représentant des partisans de la circoncision pour tous, et Paul, porte-parole des tenants du salut en Jésus plutôt que dans les pratiques juives. Finalement, c’est le point de vue de Paul qui fut adopté. Voilà pourquoi la circoncision n’a plus nécessairement de sens religieux dans le monde chrétien, bien qu’elle soit encore pratiquée par des groupes évangéliques américains.
Dans le monde juif, la circoncision n’est pas qu’une opération physique. Certains textes bibliques lui attribuent une incidence sur le rapport avec les autres. Le prophète Jérémie affirme que la circoncision physique n’a en soi aucune valeur s’il n’y a pas une véritable « circoncision du cœur » (Jr 4,4). Cette métaphore se retrouve aussi dans le Lévitique (19,23) et dans le Deutéronome (10,16). Elle signifie la conversion et doit se traduire dans des actions bien concrètes : rendre justice à l’orphelin, à la veuve et à l’émigré. Même si l’image de la circoncision du cœur est inhabituelle pour nous, elle peut se traduire par un thème qui revient à plusieurs reprises dans la Bible : aimer Dieu et son prochain.
Texte complet dans :
Mais d’où vient la femme de Caïn. Les récits insolites de la Bible
Sébastien Doane, Montréal, Novalis ; Paris, Médiaspaul, 2010.
Lire également :
L'origine de la circoncision (Hervé Tremblay)
La circoncision (Guy Couturier)
Article précédent :
Les idées suicidaires de Moïse