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chronique du 8 mai 2015
 

Qui peut boire du vin ou de la bière?

Passoire à bière israélite

Le livre des Proverbes présente une recommandation assez étonnante par rapport à l’alcool. Le vin et la bière ne sont pas pour les dirigeants, mais bien pour les mourants.

Que les rois, Lemoêl,
Que les rois ne boivent pas de vin, ni les magistrats de la bière,
De peur qu’il boive et oublie ce qui a été gravé
et qu’il change le droit de tous les fils de pauvreté.
Donnez de la bière à celui qui périt
Et du vin à celui qui est rempli d’amertume :
Il boira et il oubliera sa misère
Et sa peine il ne s’en souviendra plus. (Pr 31,4-7)

     Ce passage fait partie d’un recueil d’instruction royal. Il est adressé de la part d’une mère à Lemoêl, son fils. Puisque ce personnage ne fait pas l’objet d’un récit, on ne sait pas grand-chose à son sujet.

Les dirigeants, à jeun!

     Dans ce passage, on exhorte les rois et les magistrats de ne pas boire de bière ou de vin. Est-ce que la consommation de boisson fermentée leur est complètement interdite? D’autres textes bibliques présents des personnes qui se consacrent particulièrement à Dieu par le vœu du naziréat en s’abstenant complètement de boire de l’alcool (Jg 13,13-14). Mais ici, il s’agit plutôt d’une recommandation de ne pas boire lorsque les rois et magistrats sont en fonction puisqu’ils doivent se souvenir de l’alliance avec Dieu et appliquer le droit.

     Loin de s’abstenir du vin, le vin est souvent associé à la royauté. Par exemple, c’est la boisson de l’intronisation royale (1 Ch 12,39-41). D’ailleurs, les rois et magistrats étaient souvent propriétaires de vignes et des réserves de boisson. Ces versets interdisent les beuveries et l’ivresse aux dirigeants surtout lorsqu’ils sont en fonction, sans nécessairement leur interdire complètement de boire.                              

Rendre ivres les mourants

     En contraste avec les premiers versets, le texte continu en suggérant de donner de la bière et du vin à celui qui est en train de mourir. Les interprétations des exégètes vont dans tous les sens :

  • Il s’agit d’une exhortation moralisante qui indique que ceux qui sont en bonne santé ne devraient pas boire.

  • C’est une présentation du vin comme « opium du peuple ». L’alcool permet aux pauvres de fuir l’angoisse de vivre et au roi de garder son pouvoir.

  • Il s’agit d’une parole sarcastique qui banalise le sort des misérables.

     En fait, pour Jean-Jacques Lavoie [1], cette parole présente le vin et la bière comme une façon de procurer un réconfort à ceux qui sont en agonie. C’est la compassion qui motive les dirigeants à donner des boissons alcooliques à des fins thérapeutiques. En effet, elles peuvent même redonner le goût à la vie.

Et aujourd’hui?

     Est-ce qu’il y a une comparaison contemporaine à cette recommandation? Il serait probablement mal avisé de donner de l’alcool aux itinérants. D’ailleurs, ce n’est pas ce qui est visé par le proverbe. L’équivalent contemporain se trouve peut-être du côté des soins palliatifs où l’on prescrit de la morphine aux personnes en fin de vie pour alléger leurs souffrances.

[1] Cette traduction est celle de Jean-Jacques Lavoie. D’ailleurs cet article transmet les réflexions de Jean-Jacques Lavoie, « Vin et bière en Proverbes 31,47. » Sciences religieuses, Vol. 44, No 1, 2015, p. 33-54.

Sébastien Doane

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Des zombies à Jérusalem