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L'enfance du Christ selon saint Luc (4/6)
 

L'annonce faite à Marie

Alors que l’ange Gabriel s’était manifesté à Zacharie pendant qu’il exerçait sa fonction sacerdotale dans le sanctuaire du Temple, cette fois il se présente dans la petite maison de Marie dans le village de Nazareth pour lui annoncer que Dieu l’a choisie pour donner un corps humain à son Fils (Luc 1, 26-38). Dieu annonce ses couleurs : c’est déjà l’humilité de l’incarnation et la pauvreté de la vie de Jésus. Celui-ci se plaira à fréquenter les hommes et les femmes dans leur maison. Il ne fera pas de distinction entre la maison des pécheurs et celle des pharisiens, entre la demeure de Marthe et Marie et celle de Zachée. La maison de Pierre sera son pied à terre. Dans son discours d’adieu (Jean 14, 2-4), Jésus évoquera la maison du Père comme le lieu de rassemblement de tous ceux et celles qui sont nés par la foi à la vie des enfants de Dieu.

Le dialogue de l'ange Gabriel et de Marie

     Le récit de l'Annonciation est un dialogue théologique très élaboré entre l'ange Gabriel et Marie, qui porte sur l’incarnation du Verbe de Dieu.  Le dialogue se déroule en trois étapes. 

     La première étape (vv. 28-29) contient une double annonce: l'ange invite Marie, la comblée de grâce, à se réjouir et lui donne l'assurance que le Seigneur est avec elle. Marie en est bouleversée. Dans la deuxième étape (vv. 30-34), l'ange réagit à l'inquiétude de Marie en lui livrant un premier message : Voici que tu concevras et enfanteras un fils. Et il ajoute quelques précisions sur l'identité de l'enfant: son nom d'homme, Jésus; son nom divin, Fils du Très-Haut; et sa mission royale, il recevra le trône de David. Ce à quoi Marie oppose une difficulté, celle de ne pas connaître d'homme. Enfin la troisième étape du dialogue (vv. 35-38) contient un deuxième message qui, dans le but de répondre à une autre difficulté de Marie, précise la manière que Dieu utilisera pour la conception de l'enfant: ce sera l'œuvre de l'Esprit et de la puissance de Dieu. Suivent alors d'autres précisions sur l'identité de l'enfant : il sera saint et sera appelé Fils de Dieu.

     Cette fiche d’identité de l’enfant à naître ressemble à celle du Ressuscité dans les discours de Pierre après la Pentecôte : David était prophète et savait que Dieu lui avait promis de faire asseoir sur son trône quelqu’un de sa descendance (Actes 2, 30) Dieu l’a fait Seigneur et Christ (Ac 2, 36); il est le Saint, le Juste et le Prince de la vie rejeté par les autorités juives (Ac 3, 14-15).

La Comblée-de-grâce

     Au rôle de Marie dans le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu, on pourrait appliquer la formule : À vin nouveau outre neuve. La jeunesse et la virginité de Marie contrastent avec la vieillesse et la stérilité d’Élisabeth, comme elles préfigurent l’épuisement de la Loi mosaïque devant la vitalité de l’Évangile. L’incarnation de Dieu est un événement si inouï, si nouveau, qu’elle a besoin de la participation d’une femme entièrement consacrée à Dieu. On pourrait dire familièrement que Dieu ne pouvait faire du neuf avec du vieux.

     L'expression comblée de grâce est riche de cette nouveauté. En grec, on lit le mot kecharitômené. C'est le participe parfait passif du verbe charitoô qui signifie faire grâce, accorder la faveur, transformer par faveur. C'est la même racine que le mot charis (grâce). Ce mot indique la faveur que Dieu Créateur accorde à ceux qu'il considère avec amour.

     Pour mieux comprendre cette expression, il faut recourir à une particularité de la langue grecque. En grec, les verbes qui se terminent en -oô signifient toujours une transformation du sujet. Par exemple, douloô signifie rendre esclave. Ainsi charitoô signifie transformer quelqu'un par faveur ou par grâce. Le temps du parfait indique pour sa part une action qui a eu lieu dans le passé et dont les effets perdurent dans le moment présent.

     Ce petit détour technique nous permet donc de considérer que Marie fut transformée au plus profond d'elle-même par la faveur ou la grâce de Dieu. De cette transformation, il résulte une condition nouvelle d'existence pour la personne de Marie. L'expression comblée de grâce apparaît comme un nouveau nom attribué à Marie soulignant sa nouvelle identité. Dieu a prédisposé Marie pour accomplir sa mission. Elle participe de la sainteté de Dieu pour mettre au monde le Saint de Dieu, son Fils unique. Favorisée de Dieu, comblée de grâce, Marie permettra à l'humanité d'accueillir la Grâce de Dieu, c'est-à-dire le Sauveur. 

 

Yves Guillemette, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2338. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
L'enfance du Christ selon saint Luc : Des cousins « siamois » (3/6)

 

 

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