Le songe de Joseph. Eugène Romain Thirion, c. 1870. Huile sur toile, 46,6 x 30,7 cm.
Esquisse pour l’église de la Trinité. Musée des Beaux-Arts de Paris (Wikimedia).
Juste
Sylvain Campeau | 16 septembre 2024
Hébreu : tsaddiq
Grec : dikaios
Pourquoi le psalmiste prétend-t-il que l’homme juste est « heureux »? Qui a-t-il de « juste » dans le comportement de Joseph qui pense répudier Marie quand il apprend qu’elle est enceinte?
On devine que le qualificatif doit être compris à la lumière de la notion de justice ou d’équité. « Noé, homme juste, fut intègre au milieu des générations de son temps. Il suivit les voies de Dieu […] » (Genèse 6,9) Noé est le premier personnage à être qualifié de juste dans la Bible. Le terme provient du verbe hébreu tsedeq qui signifie « être juste ». C’est la même racine que l’on retrouve dans le nom de Melchisédèk qui signifie « mon roi est juste ». Mais que veut-on dire, dans la Bible, quand une personne est qualifiée de « juste »?
Vivre selon la justice
Dans l’Ancien Testament, est qualifiée de « juste » la personne qui observe la volonté de Dieu (son enseignement ou sa Loi) et qui se met à son écoute. Quand on lit le Psaume 112, on comprend que la personne juste est celle qui se préoccupe de son prochain : elle gère ses affaires avec équité (v. 5), elle partage et se soucie des pauvres (v. 9). En d’autres termes, vivre selon la justice consiste à écouter l’appel des prophètes et à briser le cycle des injustices : partager son pain avec les affamés, héberger les sans-abri, vêtir convenablement ceux et celles qui n’en ont pas les moyens (Isaïe 58,6s ; voir aussi 58,10 ; Ézéchiel 18,5-9.15-17).
Joseph, un homme « juste »
Le Nouveau Testament s’accorde avec cette manière de se représenter la personne juste. Mais le texte de Matthieu 1,19 peut surprendre : « Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. » Comme le souligne certains commentateurs, ce texte fait difficulté : la répudiation est un acte public : on ne peut pas le faire en cachette [1]. Comment doit-on comprendre la réaction de Joseph quand il apprend que sa promise est enceinte ? Pourquoi pense-t-il rompre discrètement avec Marie ? Le narrateur ne suggère aucun adultère mais exprime très bien le désarroi d’un homme qui refuse d’assumer une paternité qui n’est pas la sienne. Le verset suivant dénoue la crise et on apprend, par la voix de l’ange, que Dieu assume pleinement cette paternité : « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » Rassuré par cette parole, Joseph se conforme à la volonté divine et accueille son épouse dans sa demeure.
En conclusion, chercher à être juste selon la Bible, c’est tenter d’être fidèle à ce que Dieu attend de nous. C’est rester à l’écoute pour discerner cette volonté et poser des gestes concrets qui démontrent notre engagement à bâtir un monde où personne n’est mis à l’écart.
Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Par exemple : Claude Tassin, L’évangile de Matthieu, Centurion / Novalis, 1991, p. 26.
