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Bible et culture
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chronique du 28 novembre 2003
 

Joseph : le roi des rêves
 

Dans notre culture fortement médiatisée et dominée par la tyrannie du présent, il est de plus en plus rare de raconter des récits fondateurs issus de contes antiques, en particulier si ces derniers sont bibliques. Nous nous rappelons le dessin animé Le prince d'Égypte. Cette production cinématographique, reprenant des éléments du livre de l'Exode, a initié bien des jeunes et des adultes à la Bible. Or, la compagnie DreamWorks de Steven Spielberg a réalisé une autre production biblique destinée à toute la famille : Joseph, le roi des rêves.

 

Joseph : le roi des rêves
v.f. de Joseph : King of Dreams
É.-U., DreamWorks, 2000
réalisateurs : Rob LaDuca et Robert C. Ramirez
site officiel : www.dreamworks.com

Histoire

     Le film commence avec la naissance de Joseph, l'un des douze patriarches d'Israël. Nous voyons un Jacob bien nerveux qui s'entretient avec un de ses autres fils, Juda, qui demeure perplexe puisque Jacob a accueilli dans la vie tant d'autres fils. La réponse de Jacob oriente l'ensemble du récit : tout espoir était perdu pour Rachel d'enfanter. La venue au monde de Joseph illustre bien qu'il s'agit d'un enfant bien particulier dont la destinée sera unique.

     Cette différence s'observe dès le début puisque Joseph apprend à lire et à écrire contrairement à ses autres frères qui sont gardiens de moutons. Pour bien montrer son attachement à ce fils à caractère unique, Jacob lui donne une tunique de grande qualité. Constatant, la préférence de leur père pour le cadet, les autres fils ont développé une grande jalousie à l'égard de Joseph. Cette attitude s'amplifie au moment où nous découvrons le don de Joseph dans l'interprétation des rêves. En effet, Joseph explique ses rêves qui se réalisent par la suite. Puisque certains rêves indiquaient une forme de soumission des frères à Joseph, ceux-ci le font disparaître en le vendant à des marchands d'esclaves.

     Emmené en Égypte, Joseph est vendu au commandant de la garde du Pharaon, Pontiphar, qui le prend sous sa protection. Par la suite, victime d'un chantage, Joseph est emprisonné. Ce dernier est relâché car il semblerait qu'il soit le seul apte à interpréter les songes du pharaon. Reconnaissant ses talents, le pharaon donne à Joseph les pouvoirs nécessaires pour soutenir l'Égypte durant une famine qui atteint l'ensemble de la région. Cette conjoncture favorise une rencontre entre Joseph et ses frères, venus en Égypte, pour s'approvisionner. Finalement, cet événement entraîne une série de péripéties qui amène une fin heureuse pour les personnages.

Qualité cinématographique

     D'emblée, disons que le film ne possède pas la qualité visuelle du Prince d'Égypte. Cela s'explique probablement par le fait qu'il ne s'agit pas d'une production grand écran mais destinée au marché des vidéocassettes et DVD. Néanmoins, c'est un bon film bien monté visuellement. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer quelques touches de surréalisme dans les séquences oniriques. Les quelques chansons permettent de varier la narration et favorisent une attention soutenue en particulier pour les tout-petits. D'ailleurs, l'ensemble de la facture du film montre bien que le public cible demeure celui des enfants bien que les adultes puissent également y trouver leur compte.

Quelques remarques sur le parcours narratif

Joseph

     Le film reprend essentiellement la dernière section du livre de la Genèse et se centre sur le cycle de Joseph (Gn 37.39-47,12). À ce niveau, la trame narrative s'appuie dans les grandes lignes, sur le déroulement biblique. Bien des détails, sans doute pour ne pas choquer l'auditoire, ne sont pas mentionnés : par exemple, que Jacob avait deux femmes : Léa et Rachel. Il n'est pas signalé que ces dernières, par l'intermédiaire de leur servantes respectives, Bilha et Zilpa, aient enfanté des fils(1)!

     Le récit cinématographique laisse plutôt entendre que Rachel est la seconde femme de Jacob. On ne fait jamais allusion à Léa! Or Rachel et Léa, dans la Bible, sont deux soeurs mariées à Jacob à la suite de négociations avec Laban (Gn 29,15-30)! Rien de tout cela n'est indiqué dans le récit. Quant aux études de Joseph, mentionnons simplement qu'il est peu probable qu'un peuple semi-nomade ait perçu l'utilité de former un scribe. Il convient plutôt de considérer le personnage de Joseph comme un berger à l'instar de ses frères.

     Autrement dit, le film comporte certains anachronismes quant aux comportements des personnages qui s'enracinent davantage dans notre culture occidentale. Songeons à la colère et à la rancoeur de Joseph face à ses frères. Ces sentiments reflètent davantage une personne consciente de son individualité, concept largement étranger aux plus anciennes traditions du Premier Testament.

     Par contre, saluons l'effort pour donner aux personnages féminins de fortes personnalités qui vont jusqu'à défier, certes clandestinement, le pouvoir paternel et même marital (2). Dans les récits bibliques, elles ne sont que mentionnées, au passage, uniquement comme les mères ou les épouses.

     Quant à l'image de la divinité, le film demeure fidèle aux récits vétérotestamentaires. Si Dieu, comme personnage, est absent du cycle de Joseph tant dans le film que dans les textes, nous pouvons découvrir que Dieu dirige le déroulement de l'histoire. Les événements survenant dans la vie de Joseph lui permettent de devenir l'instrument divin assurant le bien-être de son peuple. Si une telle représentation de Dieu pouvait se comprendre dans la culture biblique, elle peut s'avérer plus problématique à de jeunes yeux contemporains. Le visionnement du film pourra certainement susciter bien des questions et des échanges entre les enfants et les adultes.

     À l'exception de ces quelques interrogations face au film Joseph, le roi des rêves, l'oeuvre se laisse bien regarder et s'avère d'une grande qualité.

Conclusion

     Joseph, le roi des rêves est un film que nous pouvons recommander sans aucune hésitation. Nous dirions que son grand mérite est de nous introduire à des personnages bibliques beaucoup moins connus que Moïse. Il permet ainsi de s'initier à certaines traditions bibliques et de découvrir ou de redécouvrir la richesse de la Bible. Ce livre qui provient et qui reflète pleinement l'ensemble des aspects de notre humanité en quête spirituelle, en quête de sens.

Patrice Perreault
Bibliste, Granby

Notes

(1) Il était coutume, dans le Proche-Orient ancien, que les femmes, ne pouvant enfanter, permettaient à leur servante de concevoir et d'enfanter. L'enfant pouvait, s'il était reconnu par le père, être considéré comme le leur. Il importe de se rappeler que la valeur sociale des femmes dépendait en grande partie de leur capacité à enfanter, en particulier des garçons. C'était une société fortement patriarcale.

(2) En particulier la scène où la future épouse de Joseph lui apporte de la nourriture afin qu'il survive à ses conditions de détention. Pensons également à l'échange houleux entre Joseph et sa conjointe au sujet de ses frères. Avant notre époque, une telle attitude se situait hors de l'horizon culturel.

 

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