La conversion de saint Paul (circa 1690). Luca Giordano (1634-1705). Musée des Beaux-Arts de Nancy (photo : Wikipedia)

Peindre l’expérience divine de Paul

Jimmy CarbonneauJimmy Carbonneau | 8 janvier 2018

La conversion de Paul, telle que racontée dans le Nouveau Testament, est très représentative de l’expérience de Dieu en ce sens que l’histoire de Paul reflète à la fois la dimension saisissante et transformatrice d’un tel face à face. Paul est non seulement changé, il est interpelé. Il doit et désire agir autrement. Cette expérience passée continue d’être vivante tout au long de sa vie. Une telle expérience se veut toujours inépuisable et permet de multiples relectures sous différents angles, mais toujours nourries de la même essence.

Prenons la peinture de la Conversion de saint Paul (1690) par Luca Giordano. Seule, l’image ne précise pas le contexte. Les hommes étaient-ils partis à la chasse? La lumière du ciel était-elle une foudre? Plusieurs éléments du tableau, sans indice ni contexte, laissent place à de multiples interprétations.

Or, le titre de cette toile nous dirige vers la culture chrétienne et plus particulièrement, le récit de la conversion de Paul. D’abord, les versions relatées dans les Actes des Apôtres (Ac 9,1-9; 22,3-11 et 26,9-18) viennent préciser plusieurs éléments du tableau. Premièrement, Paul est en route vers Damas avec ses compagnons. Un événement survient. La lumière arrive du ciel, Paul est saisi. La lumière se dirige vers lui et son bras se dirige vers le ciel en signe d’acquiescement. L’influence de la conversion de Paul décrite en Ac 26,9-18 apparaît prépondérante dans ce tableau. Ses compagnons sont non seulement témoins de l’événement; ils sont aussi saisis. La lumière les enveloppe tous, mais rien ne laisse croire à un dérangement auditif (propre à Ac 22,3-11) ni pour Paul d’ailleurs (propre à Ac 9,1-9). Toutefois, le visage de Paul, l’orientation de son torse, de son visage, de ses yeux et l’ouverture de sa bouche laissent envisager un dialogue avec la lumière et un engagement de sa part.

Bien que l’influence des versets 9 à 18 (Ac 26) soit très importante dans ce tableau, l’artiste dépasse le récit et présente une compréhension plus large de l’événement. L’illustration de la lumière, sans représentation humaine de Jésus, invite à comprendre que la conversion de Paul est une expérience de Dieu au sens large. Bien que le dialogue du texte précise que cette lumière est Jésus, l’artiste a préféré n’illustrer que la luminosité et ainsi, accentuer les dimensions éblouissantes et transformatrices de cette expérience. Cela est très bien exprimé par l’importance de la lumière sur les corps de Paul et ses compagnons. Cette lumière est plus qu’image; elle touche et convertit. À cet égard, on peut y reconnaître ce que Paul exprime de sa propre conversion en 1 Co 15,6-9. Cette lumière est identifiée à une apparition de Jésus ressuscité, mais l’insistance est sur la grâce. La luminosité générale de la toile sur les hommes permet de percevoir un avenir porteur, peut-être les fruits de cette grâce que Paul exprime en 1 Co 15,6-9.

La connaissance de la conversion de Paul et de ses quatre récits dans le Nouveau Testament permet non seulement de situer et de comprendre la scène de cette peinture, mais aussi d’y percevoir l’influence plus importante de certains passages par rapport à d’autres, de sa conception de cette expérience de Paul et de l’interprétation que l’artiste en fait.

Jimmy Carbonneau est étudiant à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec).

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