Purim. Arthur Szyk, 1948 (Picryl).

Le Purim, une action hospitalière

Martin BelleroseMartin Bellerose | 17 mars 2025

Cette année, en 2025, la fête juive du Purim se célèbre les 13 et 14 mars. Depuis l’Holocauste de la deuxième guerre mondiale, cette fête revêt une importance particulière. La première de ces deux journées devait être le jour où les juifs sous l’empire perse devaient être anéanti. Cette fête marque en fait le jour où les juifs ont résisté à leur extermination et est devenue un jour de réjouissance et de joie. Ces événements du temps de la reine Esther, cette descendante d’exilés juifs devenue reine de l’empire perse, sont relatés dans le livre éponyme.

Les « faits » rapportés

Au temps de Xerxès roi des Perses, un édit avait été émis par celui-ci mais concocté par Amman, son vizir (premier ministre). Ce dernier, n’avait pas digéré que le juif Mardochée refuse de se prosterner devant lui et ce, « à cause de sa foi ». Cela a provoqué une grande colère chez Amman qui a voulu se venger en exhibant son pouvoir faisant approuver par le roi un décret visant à exterminer les juifs le treizième jour du mois d’Adar. Je passe par-dessus un nombre de détails importants, mais j’invite le lecteur et la lectrice à simplement lire le livre d’Esther.

La reine Esther ayant révélé le stratagème d’Amman à Xerxès, lui ayant du coup dévoilé ses origines juives, celui-ci ne pouvant revenir sur un décret en formula un autre qui permettait aux juifs les 13 et 14 du mois d’Adar de se défendre de ceux qui voudraient leur faire du tort : « Les Juifs de Suse, qui s’étaient rassemblés le treize et le quatorze, se reposèrent le quinze dont on fit un jour de banquet et de joie. » (Est 9,18)

Mardochée mit ces choses par écrit, et il envoya des lettres à tous les Juifs de toutes les provinces du roi Xerxès, aux plus éloignés comme aux plus proches, afin d’instituer pour eux la célébration annuelle du quatorze du mois d’Adar, ainsi que du quinze – comme jours où les Juifs avaient obtenu de leurs ennemis le repos et mois où il y avait eu pour eux le renversement de situation, le passage du tourment à la joie et du deuil à la fête : il en faisait des jours de banquet et de joie, avec envoi de portions les uns aux autres et de cadeaux aux pauvres. (Est 9,20-22)

La signification du Purim pour le peuple juif

L’autodéfense à laquelle le peuple juif avait été invité à Suse ainsi que dans les 127 provinces du roi Xerxès, n’était pas à proprement parlé « défensive ». En effet, on rapporte qu’à Suse le 13 d’Adar 500 hommes, ennemis des juifs voulant leur perte, ont été tués (v. 6) et le lendemain dans la même ville on en tuait 300 (v. 15). On rapporte également qu’en provinces, les juifs tuèrent 75 000 hommes de ceux qui les détestaient (v. 16). À chaque fois que l’on rapporte un nombre d’hommes tués il y est toujours spécifié : « mais ils ne cherchèrent pas à mettre la main sur le butin ». Le but n’était pas d’anéantir l’autre, mais de se protéger soi-même de l’anéantissement. On peut s’imaginer jusqu’à quel point ce texte a dû résonner à la fin de l’holocauste du 20e siècle, et l’importance que cela a redonnée à la fête du Purim.

Le décret du roi Xerxès protégeant les justes, en les invitant à se défendre, est devenu un geste d’hospitalité. De « rejetés » dans l’Empire, on leur a souhaité bienvenu en leur offrant protection. La façon dont Xerxès a agi pour protéger les juifs de son empire peut de toute évidence être critiquable. N’aurait-il pas été souhaitable qu’il envoi sa propre armé pour éviter qu’on massacre les juifs et ainsi intervenir en cas de besoin seulement? Peut-être. Cependant, on ne pourra pas l’accuser de paternalisme, d’imposer ses propres moyens, de profiter de l’occasion pour prendre le contrôle, ni d’avoir induit le peuple d’Esther et Mardochée à la soumission. Au contraire, le décret du roi a fait en sorte que « tous les ministres des provinces, les satrapes, les gouverneurs et les fonctionnaires du roi soutenaient les Juifs, car la terreur de Mardochée était tombée sur eux » (v. 3).

Le Purim, ou plutôt la fête des Purim, parce que le mot est au pluriel, se traduirait en français par « Destinées ». En effet, on célèbre en ce mois d’Adar les jours où les juifs ont changé leurs destinées. Et si cette fête était le moment où tous ces réfugiés du monde, ceux pour qui Dieu a un parti pris, prenaient conscience qu’ils pourraient, eux aussi, résister à l’empire, refusant leur exploitation et jetant leur racine au cœur même des lieux où ils se trouvent en y vivant comme citoyens? N’est-il pas possible pour eux-aussi, aujourd’hui, de changer leurs destinées?

Martin Bellerose est professeur et directeur de l’Institut d'étude et de recherche théologique en interculturalité, migration et mission (IERTIMM) et directeur de la formation en français de l’Église Unie du Canada.

Le furet biblique

Bible et migration

La question des migrations est de plus en plus présente dans les enjeux et débats de société. La présente rubrique cherche à mettre en évidence l’importance de cette thématique dans les différents textes bibliques et souhaite offrir des pistes, à partir des Écritures, afin de réfléchir sur des enjeux contemporains. Nous y explorons la littérature biblique, parfois extrabiblique, et des réceptions anciennes et actuelles de cette littérature.