INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant
Imprimer

4e dimanche ordinaire C - 3 février 2013

 

Les risques du métier

Échec de Jésus de Nazareth : Luc 4, 21-30
Autres lectures : Jérémie 1, 4-5.17-19; Psaume 70(71); 1 Corinthiens 12, 31 - 13, 13

 

Le début de l’évangile d’aujourd’hui utilise les mêmes versets qui terminaient celui du troisième dimanche : Cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit  (Luc 4, 21). Ce procédé liturgique est voulu. Il est  utilisé simplement pour aider à mieux situer et à mieux comprendre l’évangile du quatrième dimanche. Je reprendrai donc des versets de l’évangile de dimanche dernier pour les mêmes raisons. Une précision aussi à propos de l’expression : Après la lecture du livre d’Isaïe, notons qu’il ne s’agit pas du livre mais bien d’un passage précis du prophète (Isaïe 61, 1-2). Passage  concernant la mission spécifique du Messie : annoncer la Bonne Nouvelle (v. 18).

La volte-face des auditeurs

     Bien qu’ils s’étonnent du message de grâce qui sortait de sa bouche, les auditeurs lui rendent témoignage (v. 22). Mais en quelques instants, leur attitude va passer d’un extrême à l’autre : ils tenteront même de mettre Jésus à mort : ils le menèrent jusqu’à un escarpement  (...) pour le précipiter en bas (v. 29). Mais d’où vient cette brusque volte-face ? Les nazaréens sont d’abord envoûtés par la parole de l’un des leurs qui leur annonce que la prophétie d’Isaïe vient de s’accomplir sous leurs yeux (vv. 21-22). Un sentiment de fierté bien légitime les anime : n’est-il pas un garçon du pays ? N’est-ce pas lui que nous avons croisé dans l’échoppe de Joseph ? Certains se targuent  sûrement d’être de la même lignée et pourquoi pas de la proche parenté. Ce qui nous aide aussi à saisir le brusque changement d’attitude, c’est que les juifs apprennent du même coup que cet enfant du pays ne leur appartient pas et que la mission divine de Jésus ne pourra lui être confisquée à leur profit. Ce qui revient à dire que Dieu les intéresse, mais pour eux-mêmes d’abord ! Ils tournent donc le dos à celui qu’ils acclamaient il y a peu de temps. Les dons de Dieu ne sont pas à posséder mais à offrir au monde entier. Que cela leur plaise ou non !

Le fils de Joseph

     L’expression : N’est-il pas le fils de Joseph ? (v. 22) peut encore nous en apprendre. Elle dit, entre autres, la difficulté d’accueillir l’Esprit du Seigneur dans une parole humaine. Et qui plus est, dans une parole de quelqu’un de connu ou, par surcroît, de quelqu’un issu d’une obscure bourgade dont on a dit qu’il ne peut sortir rien de bon (Jean 1, 46). C’est comme si les auditeurs ne pouvaient admettre que ce fils de Joseph le charpentier,  puisse avoir une parole prophétique à offrir. Pourquoi, semblent-ils dire,  peut-il s’appliquer les paroles du grand prophète ? (Is 61, 2) Attention ! Qui oserait les condamner d’emblée ? Les étrangers ont souvent meilleure presse car on ne sait rien  d’eux ou presque. Personne ne les a vus agir au quotidien. Personne ne les a côtoyés depuis l’enfance. C’est pourquoi, en entendant Jésus affirmer sans ambages : Cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit (v. 21), on s’étonne et on est même sous le choc car cette parole est prononcée par un homme trop semblable à l’entourage. Aujourd’hui encore, nous sommes souvent plus avides d’entendre quelqu’un qui vient de loin ou qui est issu d’une autre culture religieuse que la nôtre, même si la sagesse populaire nous a conseillé la prudence depuis longtemps.

La mission planétaire de Jésus

     En affirmant que la parole de l’Écriture qu’il vient de lire s’accomplit aujourd’hui, Jésus affirme du même souffle qu’il est venu à la manière  des prophètes anciens, donner de l’espérance aux pauvres, libérer les prisonniers, rendre la vue aux aveugles de toutes races et de toutes appartenances religieuses. En un mot, il confirme que sa mission messianique s’étend au monde entier. Il n’en fallait pas plus pour scandaliser ses concitoyens et provoquer leur colère. Jésus prévient le coup en ajoutant : Vous allez me citer le dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : Fais donc de même ici dans ton pays (v. 23). Je lisais justement à propos de ce passage : « Le goût du merveilleux est tel qu’il s’accommode mal de la logique de l’incarnation » (T. Gournay). C’est pourtant ce mystère que nous avons célébré à Noël. L’infini de Dieu est au cœur de l’être humain. Combien il est difficile de quitter nos catégories mentales, de faire taire nos préjugés. Jésus, pour mettre fin à la controverse le concernant, ajoute : Amen, je vous le dis, aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays (v. 24). Parole qui s’érigera en  maxime pour les siècles à venir.

La vision de Luc

     En écrivant ce texte, l’évangéliste Luc met Jésus en scène dans la synagogue de son enfance. Il nous est facile de reconstituer la scène décrite dans le texte de dimanche dernier : le livre du prophète Isaïe lui est présenté; Jésus l’ouvre et trouve le passage. Puis, il referme le livre (vv. 18.20). La scène est loin d’être banale. Le fait d’ajouter : Tous avaient les yeux fixés sur lui. (v. 20) en dévoile l’aspect  théâtral. Et c’est là que les choses vont se précipiter lorsque Jésus osera dire qu’il est celui par qui s’accomplit la parole du prophète (v. 21). Ces détails servent d’amorce à l’auteur pour éclairer la suite des choses : le rejet du Messie par le peuple élu. Entendons cette sorte de messie. Saint Jean traduira la même idée en écrivant : Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu (Jn 1, 13). C’est en ce sens que le texte lucanien compare la mission prophétique de Jésus avec celle des prophètes de l’Ancien Testament tels Élie et Élisée (vv. 25-26). Ces derniers étaient des prophètes venus de l’étranger. Enfin, l’opposition que Jésus rencontre est le malheureux présage de celle qu’il rencontrera à Jérusalem : un refus des siens et de la foule. Comme Jérémie, Jésus a répondu à l’appel et il a été consacré prophète pour les peuples par l’onction. Comme le prophète, il était connu de Dieu avant même d’être formédans le sein de Marie (Jr 1, 5).  Comme lui, enfin, il s’est levé et il a prononcé les paroles que Dieu lui avait ordonnées. Mais à la différence du premier, il a réalisé toutes les prophéties qui le désignaient comme le véritable Messie attendu depuis des millénaires. Et c’est au cœur d’une féroce résistance en ne tremblant pas devant eux, (Jr 1, 17) que,  passant au milieu d’eux, Jésus  allait son chemin (Lc 4, 30). Chemin qui le conduira à la mort mais seulement lorsque l’Heure sera venue. Jésus a choisi d’être fidèle jusqu’au bout à la mission qu’il avait reçue de son Père. En cela, il est un modèle d’abandon et d’obéissance pour les siècles des siècles.

L’œuvre du Père est commencé

     Pour Jésus, l’incident de Nazareth est d’une extrême importance. Jésus avait déjà quitté son village pour commencer l’œuvre du Père. Mais ce n’était là qu’un modeste début. Il lui fallait y revenir pour y vivre une fugitive ovation qui se transformera en opposition. Désormais les liens charnels sont définitivement coupés avec son pays natal. Jésus est apatride sur cette terre. La patrie de son enfance est devenue dangereuse pour lui. Il est désormais persona non grata chez les siens. Son entourage immédiat aura laissé passer le moment de sa visite comme le feront les gens de Jérusalem : Jérusalem, ils ne laisseront en toi pierre sur pierre (…) parce que  tu n’as pas reconnu le temps où tu fus visitée (Lc 19, 44). Leur manque de foi les aura perdus. En ce qui nous concerne, pour être disciple de Jésus un seul titre nous est nécessaire : la foi en Jésus Sauveur. Tout autre titre qui ajouterait à notre renommée ou à nos projets personnels est futile parce qu’éphémère. Seul, répétons-le, celui d’être croyant importe. En effet, Jésus reconnaît comme siens, ceux et celles qui ne comptent que sur sa grâce. Il devient alors leur seule sainteté, la seule source de leur rayonnement.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2345. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
De Luc à Théophile