La gifle selon Arcabas.

L’appel de Jésus : aimer comme Dieu aime

Julienne Côté Julienne Côté CND | 7e dimanche du Temps ordinaire (C) – 24 février 2019

L’amour pour les ennemis : Luc 6, 27-38
Les lectures : 1 Samuel 26, 2. 7-9. 12-13. 22-23; Psaume 102 (1-3); 1 Corinthiens 15, 45-49
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Accéder à l’amour de ses ennemis est un don que Jésus nous offre, Lui qui a pardonné à ceux qui l’ont condamné et crucifié.

Au 6e dimanche du Temps ordinaire, le récit évangélique nous présentait la grande charte du Royaume avec quatre béatitudes et quatre lamentations (6,20-26). En ce septième dimanche, la Loi nouvelle proclamée par Jésus et réalisée en Lui est explicitée et trouve son unité dans le thème de l’amour (6,27-38). Les sentences diverses qui constituent le discours de Jésus devant les juifs et les païens (6,17) culminent dans une invitation finale, faite à tout humain : celle de manifester à autrui, par ses paroles et ses attitudes, la miséricorde de Dieu.

L’amour des ennemis

Dans la vie en société, dans la vie familiale et professionnelle, tout individu est témoin ou entend parler de comportements répréhensibles : jalousie, calomnie, vol de richesses, etc. Chez Luc, les gens qui s’attaquent à la personne d’autrui, à sa réputation, à ses biens, qui ont des attitudes exclusives, font partie de la catégorie des ennemis (6,27-30). Mais comment gère-t-on les conflits? Quelle réaction offrir à ceux qui ne nous aiment pas, à quiconque pose des actes injustes? À ceux qui l’écoutent, Jésus propose la règle d’or qui définit les devoirs à l’égard d’autrui et envers les ennemis :

Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux (6,31).

Avec Jésus, la loi du talion qui exigeait que la peine soit proportionnelle à l’offense n’existe plus (Exode 21,23). Le Seigneur nous invite à être actif et Il sollicite notre engagement : aimez vos ennemis, faites du bien ... souhaitez du bien... priez... donnez à quiconque te demande... (6,27-30). Cette parole exigeante rejoint les enseignements d’auteurs païens, tels Hérodote (484-425 av. J.-C), Sénèque (contemporain du Christ), Confucius (555-479 av. J.-C) qui prônaient la solidarité humaine, déposée dans le cœur des humains. Des écrits du Premier Testament formulaient ainsi le comportement juste à l’égard d’autrui : Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi (Proverbes 24,17). Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s’il a soif, donne-lui à boire (25,21). Dans le Lévitique, il est demandé ceci : N’aie aucune pensée de haine contre ton frère... ne te venge pas, et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même (19,17-18; 25,35-36; aussi Exode 23,1-5). Cette attitude de magnanimité, si grande soit-elle, appelle une autre attitude qui est de l’ordre du divin.

La comparaison avec les pécheurs

À la suite de la règle d’or (6,31), Luc explicite l’attitude à développer en la comparant à celle des pécheurs. Ceux-ci posent leurs gestes dans l’attente d’une reconnaissance. On est là, comme l’exprime un auteur, « dans le cercle de la politesse mondaine et de l’échange mercantile », le don étant basé sur le calcul, appelant un contre-don comme une compensation : Si vous aimez ceux qui vous aiment... si vous faites du bien à ceux qui vous en font... si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu’on vous rendra, quelle grâce est la vôtre? (« quelle grâce vivez-vous, manifestez-vous? », 6,34; J. Radermakers). Cette attitude des pécheurs souhaitant la réciprocité conduit à l’exposé d’un comportement authentique, celui vécu par le Christ Jésus. Ce sont des paroles fortes, des paroles de sagesse, certes déconcertantes, qui éclairent la vérité la plus profonde de l’être humain, des disciples de Jésus appelés à imiter leur Maître. À témoigner, par leur vie, de la gratuité de Dieu.

Le signe distinctif des disciples : aimer ses ennemis...

Cet ordre d’aimer comme on voudrait être aimé est radical. Il s’agit que ce qu’on désire recevoir soit ce qu’on donne, indépendamment de la conduite de l’autre, et désirer cela au point de le faire. La mesure d’aimer l’autre correspond à la mesure dont on s’aime soi-même et plus que soi-même, sans aucune limite (6,27.35). En inversant la réciprocité, je fais d’avance ce que je voudrais qu’il me soit fait. Cette volonté de répondre au mal par le bien exige une grâce à demander, en contemplant Jésus qui a su vivre cette exigence dans son ministère, sa passion, et à l’heure de sa mort ignominieuse. Alors, nous serons les fils du Dieu Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants (6,35).

Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux

Se laisser imprégner par la gratuité et la miséricorde du Père, se laisser configurer au Christ conduit à changer son regard, à vivre et à aimer comme un fils, une fille du Père, dans la confiance et l’obéissance, dans la joie qui élargit le cœur au lieu de le rétrécir. On ne se ferme pas les yeux, on n’est pas inconscient du mal qui est fait, du mépris ou de l’injustice rencontrés, mais on agit en rompant avec elle, en offrant la vie malgré l’injustice.

Dans la première lecture, nous retrouvons un comportement digne de Dieu. L’attitude de David, l’humble berger de Bethléem, devenu un chef de guerre, face à Saül, est exemplaire. Saül, incapable d’assouvir sa haine, jaloux des exploits de David, cherche à le tuer. Le roi poursuit son ennemi. Alors qu’il dort avec son armée dans un campement, David, ayant le roi à sa merci, refuse de l’exécuter, malgré ce que préconise son bras droit, le compagnon Abisaï, qui s’enferme plutôt dans une logique de guerre contre les ennemis. David, par crainte et respect du caractère sacré de celui qui a reçu l’onction du Seigneur (16,20), ne saurait faire disparaître Saül. Il renonce à la violence, il refuse la vengeance, en laissant plutôt au Seigneur le soin de rendre à chacun selon sa justice et sa fidélité (26,23).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2608. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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