La prédication de Jean le Baptiste. Giovanni Battista Gaulli, dit Baciccio, 1685. Huile sur toile, 182 x 172 cm. Musée du Louvre, Paris.
© 2004 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Un appel urgent

Benoït LambertBenoît Lambert | 2e dimanche de l’avent (A) – 4 décembre 2022

La prédication de Jean-Baptiste : Matthieu 3, 1-12
Les lectures : Isaïe 11, 1-10 ; Psaume 71 (72) ; Romains 15, 4-9 
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Noël approche. Cette fête commémore un événement majeur de l’histoire : la venue de l’Éternel dans sa création limitée par le temps et l’espace. Dieu deviendra un être humain en naissant d’une femme, la Vierge Marie. L’Avent représente un temps d’approfondissement de la foi où les croyants et les croyantes disposent leur cœur à la venue du Dieu fait homme À l’époque où Jésus a vécu, un autre homme, Jean le Baptiste avait accepté une mission du Très-Haut : préparer l’arrivée du Messie pour que les gens soient prêts à accueillir son message d’amour et de salut.

Le père de Jean Baptiste, Zacharie, était membre du clergé du peuple élu. Jean aurait pu occuper cette fonction et mener une vie qui lui aurait assuré un statut social respectable et un revenu régulier. Mais il a ressenti l’appel du Père et a accepté de devenir son prophète. Son habit de poil de chameau symbolise cette vocation (2 Rois 1,5-6). Dans l’Ancien Testament, le miel dont se nourrissait le Baptiste était une figure de la sagesse (Sirac 24,19). Quant aux sauterelles, elle faisait partie de l’alimentation d’une secte juive de l’époque : les Esséniens. Plusieurs érudits, sur la base de ce détail et du contenu de la prédication du Baptiste, ont supposé que le prophète avait fait partie de ce groupe, à la discipline austère, qui croyait que le monde allait se terminer bientôt.

La dénonciation du péché

Afin de mieux préparer l’avènement du Fils, le Baptiste a dénoncé ce qui nuirait au Messie : le péché. Et devant l’imminence de son arrivée, le prophète n’a pas mis ses gants blancs. Il a volontairement tenu des propos provocateurs proclamés sur un ton agressif pour réveiller ses auditeurs de leur torpeur spirituelle. Il n’a pas ménagé les élites religieuses d’Israël, les pharisiens et les sadducéens, qui se déplaçaient pour vérifier la conformité doctrinale de ses propos. Il a d’abord traité ces gens haut-placés de vipères. Cette comparaison est extrêmement insultante. Elle évoque la première allégorie du mal dans la Bible : le serpent qui causera la chute d’Adam et Ève.

Le porte-parole de Dieu reproche aux membres de l’élite de s’être détourné de YHWH. Les pharisiens constituent un groupe qui respecte rigoureusement la Loi. Ils ont tenté de limiter Dieu aux prescriptions mosaïques en oubliant que le Seigneur, qui a donné ce texte, conserve sa liberté d’action. Jésus rencontrera ce problème lorsqu’il interprétera avec une autorité étonnante les instructions contenues dans la Torah. Jean leur recommande de modifier leur vision. Dieu est le seul capable de sauver les hommes et les femmes qui font sa volonté qui, désormais, se manifestera dans leur conscience. Seul Dieu pouvait faire surgir d’un roc stérile, Abraham qui était vieux et infécond, une progéniture, Isaac, qui est à l’origine d’Israël. Il a changé une pierre morte en pierre vivante. En reconnaissant le Fils qui vient, la sève de la grâce, les personnes obtiendront la véritable vie et ils pourront accomplir des actes de charité, fruits de cette sève, l’Esprit.

Les sadducéens représentaient l’élite cléricale du judaïsme. Ils étaient des prêtres mais aussi des politiciens qui n’hésitaient pas à faire des compromis avec les autorités civiles de l’époque dans le but de conserver leur suprématie sur les fidèles. Cette soif de pouvoir a corrompu le cœur de plusieurs sadducéens. Le Baptiste leur lance le même avertissement qu’aux pharisiens. Ils doivent remettre Dieu au centre de leur vie et cesser de considérer le pouvoir comme la valeur la plus importante. Ainsi, ils ne deviendront pas comme des branches sans vie qui brûleront lorsque le Messie les jettera dans le feu éternel.

Le Royaume est proche

La proclamation du Baptiste est provocante, car l’instant tant attendu par des générations de fils et de filles d’Abraham va bientôt se produire. Le Messie va bientôt apparaître et établir sa domination. Face à ce personnage, le Baptiste déclare qu’il est indigne de lui retirer ses sandales. Les esclaves posaient ce geste pour leur maître. En utilisant cette image, le Baptiste souhaite que son public ne reste pas attaché à sa personne mais qu’ils suivent Jésus, Celui qui vient. Bien des personnes ne comprendront pas Jean. Des communautés se réclamant du Baptiste se formeront en parallèle des communautés chrétiennes et disparaîtront au fil des siècles.

Certaines caractéristiques du Royaume sont esquissées dans les lectures précédant l’évangile de cette célébration. Isaïe décrit un Royaume où les rapports de force auront été effacés. Les animaux qui luttaient entre eux pour leur survie pourront désormais cohabiter dans l’harmonie. La division n’existera plus dans le paradis. Déjà, Paul rappelle aux Romains que le Christ donne à l’humanité son unique Esprit qui forme le lien solide qui unit tous les gens qui ont accepté de croire qu’il est le Fils qui sauve. L’unité de la Trinité sera partagée par tous les enfants de Dieu.

Convertissez-vous

La prédication du Baptiste aurait pu se terminer sur cette note apocalyptique. Mais Dieu souhaite rétablir son Alliance avec l’humanité. Alors, le prophète termine ses proclamations en invitant la foule qui l’écoute à se convertir, à mettre Dieu au centre de leur vie. Jean est un exemple de cette conversion. Il n’a pas axé sa vie sur l’argent puisqu’il n’avait aucun bien matériel comme une maison. Il vit dans le désert, un espace qui symbolise la purification du cœur car, les distractions humaines y étant absentes, la personne peut se concentrer sur l’essentiel : sa relation avec Dieu. Israël a connu le désert pendant l’Exode et s’est converti.

Jean-Baptiste achève sa prédication en accomplissant un acte qui scelle l’engagement total des fidèles : le baptême de l’eau. L’eau est utilisée dans plusieurs rituels de plusieurs religions. Dans le judaïsme, les ablutions rituelles étaient nombreuses et les gens s’aspergeaient eux-mêmes à chaque fois qu’ils souhaitaient entrer en communion avec l’au-delà. Le prophète l’utilise ici pour signifier qu’un converti a été purifié de tout ce qui l’empêchait de se lier à nouveau avec son Créateur. Ce baptême est unique car, il scelle l’engagement de toute une vie. Il est exécuté par une autre personne que le futur baptisé. Cela signifie que c’est Dieu qui sauve. Ce ne sont plus les croyants et les croyantes qui se purifient, mais Dieu par l’intermédiaire d’un ministre effectuant le rite. Jean, reconnaissant qu’il est seulement humain, sait qu’il est incapable d’enflammer la conscience humaine. Seul le Messie, l’homme-dieu, peut effectuer un baptême efficace capable de transmettre la flamme d’amour qui embrasera les personnes, l’esprit des personnes.

L’appel du prophète à la conversion résonne encore aujourd’hui. Il faut remarquer que l’évangéliste débute ce texte de manière vague : en ces jours-là. De plus, il utilise le présent (paraît) pour situer dans le temps l’action du Précurseur. Matthieu veut donc souligner par ce procédé littéraire que l’invitation du Baptiste reste actuelle. L’Avent de 2022 constitue une période idéale pour se convertir, pour revenir à l’essentiel : le Christ. Et cette conversion reste urgente. Le Baptiste a lancé un avertissement qui reste lui aussi actuel. Les personnes qui n’acceptent pas de suivre le Messie seront jetées comme de la paille dans un feu destructeur. Ceux et celles qui suivent Jésus en effectuant des actes qui témoignent de l’Esprit, de la sève qui les nourrit, deviendront le bon grain qui sera conservé dans la grange éternelle, le Royaume des cieux.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2778. Ce texte est dabord paru dans Le Feuillet biblique 1600 (3 décembre 1995). Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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