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Comprendre la Bible
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chronique du 3 septembre 1999

 

Que penser de l’Exode d’un point de vue historique?

QuestionLe récit que fait la Bible de l'Exode a des proportions épiques en vue de bien camper dans nos esprits l'enseignement qui nous est destiné, je pense. D'un point de vue historique, que pouvons-nous dire de l'Exode? Par exemple, dans l'histoire égyptienne, n'a t'on pas eu connaissance de ce fait qu'est l'Exode? (A. Gervais)

RéponseBien qu'il soit difficile de préciser avec une absolue exactitude la date et la teneur des événements qui entourent l'Exode, on peut néanmoins en établir les faits essentiels: le départ d'Égypte, sous la conduite de Moïse, d'un groupe de Sémites qui y étaient réduits en servitude et dont l'expérience fut décisive pour l'existence et la foi d'Israël; leur marche au désert au milieu d'épreuves de toute sorte et leur installation au pays de Canaan.

     Les commentateurs situent approximativement l'Exode au cours du XIIIe siècle avant Jésus Christ. Cette époque est marquée par le règne de deux grands Pharaons : Séti Ier (1309-1290) et Ramsès II (1290-1224). On sait par la documentation égyptienne que le pharaon Ramsès II fit construire des bases militaires dans le delta du Nil et que des prisonniers de guerre, des esclaves et des immigrants, surtout d'origine asiatique (tels les Sémites et les Assyriens), furent engagés pour réaliser ces travaux dans des conditions souvent très difficiles. Il est fort probable que des Hébreux furent du nombre. Les annales égyptiennes ne font aucune mention du départ des Hébreux, n'y voyant somme toute que la fuite d'un groupe d'esclaves -- comme il pouvait s'en produire de temps à autres.
 

Ramsès II

Le pharaon Ramsès II tel que représenté
sur les tambours d'une colonne d'un temple de l'île d'Éléphantine.

     Les récits relatifs à l'Exode, tels que nous pouvons les lire aujourd'hui, sont le résultat d'une longue maturation de plusieurs traditions. Leur mise par écrit survient après plusieurs siècles de tradition orale et d'interprétation. Il ne faut donc pas s'étonner outre mesure d'y retrouver des versions différentes de l'événement, selon qu'un groupe a privilégié tel ou tel aspect. Prenons par exemple le passage de la Mer.

Le passage de la Mer

     Le récit du passage de la Mer nous est parvenu sous la forme d'un récit épique (Exode 14) et d'un cantique (Exode 15). Le récit, à lui-seul, combine deux représentations différentes du miracle; celles-ci ont été harmonisées lorsque furent imbriqués deux récits appartenant à deux époques différentes. Selon la première version, Le SEIGNEUR est seul à agir. Moïse invite les Hébreux, paniqués à la vue des Égyptiens, à mettre leur foi en Dieu qui va combattre pour eux. Le texte ne dit pas que les Hébreux traversent la mer, mais nous les présente plutôt comme les spectateurs de la victoire de Dieu (voir plus loin la version 1). Selon la seconde version, Moïse agit au nom de Dieu, étend la main sur la Mer, fend les eaux et les Israélites passent à pied sec (voir la version 2). À cause du caractère épique du récit, il est difficile de reconstituer l'événement dans le genre d'un reportage historique. Mais une chose est certaine: les Hébreux ont reconnu l'intervention de Dieu dans une situation qui, durant leur fuite, leur était apparue désespérée.

     Voyons plus en détails comment le chapitre 14 du livre de l'Exode combine deux récits du passage de la Mer. Grâce aux études qui permettent d'identifier les traditions, on dégage les deux versions suivantes. Prenez le temps de les comparer...

Version 1

     On l'appelle « yahviste », à cause de l'utilisation habituelle du nom « Yahweh », rendu ici par «  le SEIGNEUR » pour désigner Dieu. Ce serait la version plus ancienne :

L'ange de Dieu qui marchait en avant du camp d'Israël partit et passa sur leurs arrières. La colonne de nuée partit de devant eux et se tint sur leurs arrières. Elle s'inséra entre le camp des Égyptiens et le camp d'Israël. Il y eut la nuée, mais aussi les ténèbres; alors elle éclaira la nuit. Et l'on ne s'approcha pas l'un de l'autre de toute la nuit. Le SEIGNEUR refoula la mer toute la nuit par un vent d'est puissant et il mit la mer à sec. Or, au cours de la veille du matin, depuis la colonne de feu et de nuée, le SEIGNEUR observa le camp des Égyptiens et il mit le désordre dans le camp des Égyptiens. Il bloqua les roues de leurs chars et en rendit la conduite pénible. L'Égypte dit: 'Fuyons loin d'Israël, car c'est le SEIGNEUR qui combat pour eux contre l'Égypte!' À l'approche du matin, la mer revint à sa place habituelle, tandis que les Égyptiens fuyaient à sa rencontre. Et le SEIGNEUR se débarrassa des Égyptiens au milieu de la mer: il ne resta personne. Le SEIGNEUR, en ce jour-là, sauva Israël de la main de l'Égypte et Israël vit l'Égypte morte sur le rivage de la mer. (Ex 14, 19-20. 21 b. 24-25. 27bc. 28c. 30).

Version 2

     L'autre version est dite « sacerdotale » car son origine se trouve chez les groupes de prêtres plusieurs siècles après la première version. Généralement, lorsque nous nous représentons l'Exode, nous empruntons les images de celle-ci. Elle est plus récente et apparaît comme une relecture des grands événements de l'histoire du salut. En voici le texte :

« J'endurcirai le coeur du Pharaon et il les poursuivra. Mais je me glorifierai aux dépens du Pharaon et de toutes ses forces, et les Égyptiens connaîtront que c'est moi le SEIGNEUR » Le SEIGNEUR dit à Moïse: « Qu'as-tu à crier vers moi? Parle aux fils d'Israël: qu'on se mette en route! Et toi, lève ton bâton, étends la main sur la mer, fends-la: et que les fils d'Israël pénètrent au milieu de la mer à pied sec. Et moi, je vais endurcir le coeur des Égyptiens pour qu'ils y pénètrent derrière eux et que je me glorifie aux dépens du Pharaon et de toutes ses forces, de ses chars et de ses cavaliers. Ainsi les Égyptiens connaîtront que c'est moi le SEIGNEUR, quand je me serai glorifié aux dépens du Pharaon, de ses chars et de ses cavaliers. » Moïse étendit la main sur la mer. Les eaux se fendirent et les fils d'Israël pénétrèrent au milieu de la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Égyptiens les poursuivirent et pénétrèrent derrière eux tous les chevaux du Pharaon, ses chars et ses cavaliers jusqu'au milieu de la mer. Le SEIGNEUR dit à Moïse: « Étends la main sur la mer: que les eaux reviennent sur l'Égypte, sur ses chars et ses cavaliers! » Moïse étendit la main sur la mer. Les eaux revinrent et recouvrirent les chars et les cavaliers; de toutes les forces du Pharaon qui avaient pénétré dans la mer derrière Israël. Mais les fils d'Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche. (Ex 14, versets 4; 15 à 18; 21 a; 21 c; 22 et 23; 26; 27a; 28ab; 29)

Yves Guillemette

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