(Michael Starkie / Unsplash)

Le port du voile et la polygamie

Yolande GigardYolande Gigard | 14 mai 2004

QuestionJe suis une croyante depuis ma tendre enfance, louange à Dieu pour cela. Je voudrais que vous m'éclaircissiez sur certains points. Tout d'abord concernant le voile, est-il prescrit dans la Bible? Les nonnes le portent bien, donc pourquoi pas les autres croyantes? La Bible parle-t-elle de la polygamie car j'ai cru lire qu'elle fut implicitement évoquée par Jésus (que la paix et le salut de Dieu soit sur lui) mais je n'ai plus la référence. Pourriez-vous me répondre le plus vite possible pour enlever de moi ces ambiguïtés. (Sihame)

RéponseLe voile est une coutume vestimentaire appartenant au monde du Moyen-Orient ancien. En général, seule la femme libre pouvait le porter. L'esclave ou la prostituée ne le portaient pas. Dans le Nouveau Testament, Paul explique que la femme doit se couvrir la tête dans un lieu de prière (1 Co 11,5) non comme un signe de soumission, mais parce que se couvrir la tête était à cette époque, pour la femme, « une marque d'autorité » (1 Co 11,10). En disparaissant de nos habitudes vestimentaires, le voile n'a plus le sens sociologique qu'il avait à cette époque.

En ce qui concerne la polygamie, elle existait dans tout le Proche-Orient ancien depuis longtemps. Les rois Babyloniens avaient plusieurs épouses issues de différentes couches de la société. L'histoire d'Esther nous décrit la façon dont le roi de Perse recrutait ses épouses. En Égypte, le Pharaon avait plusieurs femmes, filles de hauts dignitaires. Avoir plusieurs femmes était un signe de richesse et de pouvoir.

Dans la Bible, à l'époque des patriarches, on dit que Lamech avait deux femmes (Gn 4,19). À l'époque d'Abraham existaient déjà les lois du lévirat et de l'adoption. La loi du lévirat permettait à la femme d'un homme qui était mort sans enfant de se marier avec le plus proche parent du mari de façon à lui assurer une descendance. Cette loi du lévirat existait encore à l'époque de Jésus puisque les pharisiens lui posent la question (Mt 22,23-33). La loi de l'adoption permettait à un homme dont la femme était stérile de prendre une deuxième femme pour qu'elle ait un enfant. L'enfant était alors considéré comme celui du couple. C'est ce que fera Abraham. Il aura un enfant avec sa servante Agar qui s'appellera Ismaël.

Jacob eut douze fils de quatre femmes, deux épouses légitimes Léa et Rachel et deux servantes, Bilha et Zilpa (Gn 29-30). À l'époque des Juges, on dit que Gédéon eut 70 fils et plusieurs femmes et concubines (Jg 8,30.31). À l'époque des rois on dit que David eut plusieurs épouses et concubines (2 R 12,8). Salomon eut un harem de « 700 femmes et 300 concubines » (1 R 11,3). Plus près du Ier siècle de notre ère, Flavius Josèphe nous dit que le roi Hérode eût en tout 10 femmes. Un roi pouvait avoir jusqu'à 18 femmes d'après la Mishna (Sanhérin II, 4). La polygamie n'était pas permise chez les Grecs et les Romains.

La pratique de la polygamie répond dans le judaïsme ancien à un idéal de la fécondité. Une descendance nombreuse était un signe de bénédiction. La Loi de Moïse permettait la pratique de la polygamie mais demandait à l'homme qui prenait une autre épouse de pourvoir à la nourriture, au vêtement et à l'habitation de sa première femme. Admise dans le peuple à l'époque des juges, la polygamie semble avoir été, par la suite, réservée aux rois. Mais, même si elle se pratiquait, même si elle était permise, on ne peut pas dire qu'elle était encouragée. Les prophètes, par exemple, favorisent l'union avec une seule femme (Os 2,4s; Es 50,1; Jr 3,1) de même que les livres de la Sagesse (Ct, Tb, Pr 5,15-19; 31,10-31; Qo 9,9-10; Di 26,1-4). Les couples au Ier siècle de notre ère étaient en général monogames.

Dans le Nouveau Testament, Jésus se prononce clairement en faveur de la monogamie. Désirer une autre femme que la sienne dans son coeur est pour lui déjà un « adultère » (Mt 5,28). Quitter une femme pour une autre, c'est aussi commettre un « adultère » (Mt 19,9). Répudier sa femme, c'est l'exposer « à devenir adultère » (Mt 5,32). Pour Paul, la veuve admise au service de l'église doit avoir été la « femme d'un seul homme ». Dans les écrits plus tardifs du Nouveau Testament, on mentionne à deux reprises que les évêques ou responsables de la communauté doivent être les « maris d'une seule femme » (1 Tm 3,2; Tt 1,6). Notons en passant que Paul mentionne que les Apôtres étaient mariés et voyageaient avec leurs épouses (1 Co 9,5), mais ils n'avaient qu'une seule femme.

Yolande Girard est bibliste.

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