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chronique du 18 décembre 2015

 

Pèlerins à Bethléem

La nef de la basilique de la Nativite

La nef de la basilique de la Nativité baignée de soleil. (photos © Rosario Pierri)


Jésus est né à Bethléem, dans la cité de David (1 S 16s), à 8 km au sud de Jérusalem. Eusèbe de Césarée (265-340) dans son Onomasticon la situe « à six milles de Aelia Capitolina (ou Jérusalem), en direction du sud, sur la route qui mène à Hébron, lieu des sépultures de Jessé et David ». Une autre indication nous parvient par saint Jérôme (347-419/420) dans sa réédition de l’Onomasticon : « À 1000 pas se trouve la Tour d’Ader, que l’on traduit par la Tour du troupeau, celle des pasteurs qui ont reçu l’annonce de la nativité du Seigneur ». L’Ancien Testament met en relation le messie et Bethléem.

     Ici se déroule également l’histoire de Ruth, qui, après la mort de son mari revient de Moab à Bethléem, où elle épouse Booz. De leur mariage naîtra Jobed, le grand-père de David. Cette tradition se retrouve dans l’Évangile de Matthieu : « Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David. » (Mt 1,5-6) C’est encore à Bethléem chez son père que David fut oint roi de Judée par le prophète Samuel (1 S 16,1-13). La théologie de la descendance davidique du Messie (Is 11), culmine avec la prophétie de Michée : « Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. » (Mi 5,1)

Les mosaïques de Constantin

Les mosaïques de Constantin sont visibles grâce aux ouvertures aménagées dans le sol justinien.

     Les évangélistes Matthieu et Luc racontent les principaux événements liés à la naissance de Jésus (Mt 1-2 et Lc 2). On constate que la tradition chrétienne a presque immédiatement fixé la mémoire de la grotte et de la crèche. En effet, Justin de Naplouse (140 ap. J.-C.) dans son Dialogue avec Tryphon (78,6), souligne que Joseph, ne trouvant pas d’endroit où loger, demeura dans une grotte : « Ici Marie donna naissance au Christ, et le coucha dans une mangeoire ». Cette tradition est confirmée dans le Protoévangile de Jacques, mais aussi dans Contre Celse d’Origène (185-253), par Eusèbe dans sa Démonstration évangélique 7,2 et dans la Vie de Constantin 3,43.

Mosaïque moderne représentant Paula et sa fille Eustochium

Mosaïque moderne représentant Paula et sa fille Eustochium à côté de Jérôme et Eusèbe, évêque de Césarée, entourant ce qui fut pour chacun le centre de leur vie, l’Écriture et la croix.

     Saint Jérôme fait la lumière sur un passage un peu énigmatique d’une Catéchèse (12,20) de Cyrille de Jérusalem (315-387) concernant l’emplacement de la grotte de la Nativité : « Voici qu’on nous l’annonce à Éphrata, nous l’avons trouvée dans les zones boisées » (Ps 131). Jérôme (Lettre 58) nous informe que l’empereur Hadrien avait planté, au-dessus de la grotte, une forêt sacrée en l’honneur de la déesse Tammuz-Adonis. L’empereur, comme on le sait, ambitionnait de supprimer toute trace des lieux de tradition et de mémoire du christianisme comme du judaïsme. Comme il essaya de le faire à Jérusalem en érigeant des temples et des statues en l’honneur de Vénus et Jupiter sur les sites de la Passion et de la résurrection du Christ, il ordonna que l’on introduisît à Bethléem un culte païen.

     La liberté de culte introduite par l’édit de Constantin en 313 provoqua un changement radical dans tout l’empire, et annonça pour les chrétiens de Terre Sainte la possibilité de reprendre possession de certains lieux associés à la vie de Jésus ou du moins l’autorisation d’y faire vivre la mémoire du Christ. Dans le Panégyrique de Constantin (9), Eusèbe nous apprend que l’empereur ordonna la construction sur la grotte de l’une des trois basiliques souhaitées par sa mère Hélène. Le Pèlerin de Bordeaux (333) y fait également référence. Égérie décrit les décorations, les rideaux et l’or présents dans la basilique du IVe siècle, et Arculfe dans Des lieux saints II,1-6, s’arrête sur Bethléem et ses divers sanctuaires. Prospérait alors la vie monastique, œuvre de Jérôme et de ses disciples.

     Pillée pendant le soulèvement des Samaritains (521-530), Bethléem se releva grâce à l’intervention de l’empereur Justinien (528-565). Sortie indemne des invasions perse (614) puis arabe (638), la basilique, devenue l’église latine de la Nativité, accueillit en 1100 le couronnement de Baudouin Ier, roi de Jérusalem, ce qui instaura une tradition qui se perpétua avec ses successeurs. Le siège épiscopal fut érigé en 1110, quelques années après la naissance de la paroisse latine. Les communautés locales grecque-orthodoxes et arméniennes avaient alors le droit d’officier ensemble avec les Latins. Après la victoire de Saladin en 1187, Bethléem fut rendue aux chrétiens en 1229 et ce jusqu’en 1244, en vertu d’un traité entre le sultan al-Malik al-Kamil et l’empereur Frédéric II. Les Franciscains s’installèrent au XIVe siècle.

Vue aérienne de la basilique

La basilique

     La basilique constantinienne de la Nativité comprend un atrium entouré de portiques sur ses quatre côtés et une salle à cinq nefs. La restauration effectuée sous Justinien en 540 apporta des changements considérables. Le sol fut élevé d’au moins 80 cm et un narthex fut ajouté dans l’atrium; appelé parfois antéglise ou avant-nef, le narthex contrairement au porche est généralement ouvert sur la nef mais clos sur l’extérieur par des portes et fenêtres. Mais l’intervention justinienne majeure fut de démolir l’édifice constantinien élevé sur la grotte et de le remplacer par un transept à trois absides. Depuis, l’architecture de la basilique est demeurée presque inchangée.

     À l’époque des Croisés, quelques détails furent renouvelés, tels les escaliers d’accès à la grotte, les décorations sur les colonnes et les mosaïques sur les murs latéraux. Sur le côté de l’église fut construit le monastère des Augustins, qui est maintenant le couvent des Franciscains. Au sud de la basilique fut élevée la Tour de Tancrède, aujourd’hui siège de l’évêque grec-orthodoxe de Bethléem. Le corps de la basilique mesure 53,90 x 26 m, son transept, d’une largeur de 35,82 m, est fermé par deux absides de mêmes dimensions que celle du centre. Dans le presbytère, ont été mis au jour les restes du mur appartenant à une abside polygonale, celle de la grotte vénérée. Le sol de Constantin, visible dans la nef par des ouvertures dans le plancher de Justinien, était entièrement en mosaïque. Des restes d’escaliers trouvés dans la partie orientale de la basilique montaient du centre de la grotte. Le plafond est quant à lui du XVIIe siècle. Après de longues années de négociations, les trois communautés chrétiennes, latine, grecque et arménienne, ont finalement trouvé un accord pour procéder à sa restauration.

Grotte de la Nativité

On accède à la grotte vénérée de la Nativité par des escaliers profonds car c’est au-dessus d’un réseau de grottes anciennes qu’est construite la basilique.

La grotte

     C’est tout un réseau de grottes dont la principale est celle de la Nativité, les autres situées au nord de celle-ci, nef unique de forme rectangulaire (12,30 x 3,5 m), sur laquelle se trouve l’autel de la Nativité. Sous l’autel brille l’étoile d’argent et son inscription latine. Sur le côté sud, à quelques pas de l’autel et en contrebas se trouve la crèche. On accède à d’autres grottes par l’église Sainte-Catherine, via un escalier ou par une porte située à l’extrémité opposée de l’autel de la Nativité. Par cette porte et après avoir traversé un couloir, vous accédez à plusieurs grottes et chapelles, liées les unes aux autres et dédiées à saint Joseph, aux saints Innocents, à saint Jérôme ou encore saint Eusèbe de Césarée. Dans cette dernière on fait également mémoire des saintes Paula et Eustochium contemporaines de saint Jérôme. L’ultime cellule est celle de saint Jérôme, celle-là même dans laquelle il termina la traduction des derniers livres de la Bible et la révision de ceux déjà traduits. Il donna à l’église la Vulgate (du latin vulgata, qui signifie « rendue accessible »), la version en latin de la Bible, véritable référence pour l’Église latine durant des siècles.

     Dans les fouilles menées par B. Baghatti furent aussi découvertes plusieurs tombes datant essentiellement de la période de Jérôme. Cependant, on sait que l’utilisation des grottes est beaucoup plus ancienne comme en témoignent des trouvailles datant du VIe siècle av. J.-C. Après une période d’interruption, l’utilisation des grottes semble avoir repris au Ier siècle et depuis sans discontinuité.

L’église Sainte-Catherine

     Sur le côté nord de l’ancienne basilique se trouve l’église dédiée à sainte Catherine, propriété des Franciscains. Le bâtiment est récent (1882), mais a été élevé sur les ruines d’une petite église médiévale.

La grotte du lait

La grotte du lait est un sanctuaire marial très aimé de la population locale.

Grotte du lait

     La grotte du lait n’est pas loin de la basilique en direction du sud. On y commémore la tradition selon laquelle Marie allaitant Jésus, fit tomber une goutte de son lait sur la roche la blanchissant intégralement. La grotte est en fait sculptée dans un calcaire très blanc. Des restes datant de l’âge du Fer et des tombes médiévales et byzantines ont aussi été retrouvés. Sur le pan ouest, en hauteur, on peut encore apercevoir des restes de mosaïques. La nouvelle chapelle, dédiée à la Mère de Dieu, a été inaugurée le 31 décembre 2006. Le projet est celui du père franciscain Costantino Ruggeri qui en a aussi dessiné les vitraux et le mobilier liturgique. Depuis 2007, dans le monastère adjacent, vit une communauté d’Adoratrices perpétuelles du saint sacrement.

La chapelle du Champ des bergers

La chapelle du Champ des bergers a été construite en forme de tente pastorale car « Il a planté sa tente parmi nous ». (Jean 1,4)

Champ des bergers

     Dans le sanctuaire appelé en arabe Siyar el-Ghanam vous pouvez visiter le complexe monastique datant des Ve et VIe siècles, fouillé dans les années 1951-1953 par le P. Vincent Corbo. Le monastère présente les caractéristiques d’une installation agricole avec une variété d’outils pour le travail et le traitement de l’huile et des céréales : pressoirs, grottes, silos, citernes, bassins. L’histoire du monastère, selon Corbo, a connu deux phases. La première remonte au IVe siècle, la seconde au VIe siècle. À la première appartiennent les pierres de fondation de l’abside de l’église et quelques-uns des murs. La deuxième phase a vu le repositionnement et l’élargissement de l’abside à l’est. On peut encore voir les pierres des murs de l’abside et des cellules du monastère. Le site a été détruit au cours du VIIIe siècle. Le sanctuaire actuel a été érigé en 1953 sur une initiative et conception de l’architecte A. Barluzzi. Les fresques des trois absides sont l’œuvre de U. Noni. Les dix anges en stuc sur la coupole sont de l’artiste A. Minghetti.

Vasque de Salomon alimenté par un aqueduc

Vasque de Salomon alimenté par un aqueduc.

Piscines de Salomon

     En continuant vers Hébron, on pénètre une étroite vallée divisée par trois grands réservoirs destinés à recueillir l’eau de pluie, des sources situées à proximité et des eaux de ruissellement. Leur origine n’est pas claire. Traditionnellement et à tort, elles sont attribuées à Salomon. Elles mesurent respectivement 117 x 64 x 15 m; 129 x 70 x 12 m; 116 x 70 x 7-8 m. De là, partait un aqueduc qui acheminait l’eau jusqu’au Temple de Jérusalem. L’archéologue A. Mazar date le bassin central et l’aqueduc de la période des Asmonéens (II-Ie siècle av. J.-C.). Au IIe siècle ap. J.-C., la Légion romaine Xe construisit, toujours à partir de ce bain, un second aqueduc dit « supérieur » afin d’apporter de l’eau à proximité de la porte de Jaffa.

Hortus Conclusus

Hortus Conclusus

     Bien que l’on n’ait trouvé sur place aucun vestige archéologique, il vaut la peine de poursuivre la visite jusqu’au fond de la vallée pour visiter le sanctuaire, paradis végétal inattendu, de l’Hortus Conclusus. Au cœur du village d’Ortas, on rencontre la communauté des Filles de Sainte Marie, gardiennes des lieux depuis la construction du sanctuaire en 1901.

Source : La Terre Sainte 634 (2014) 6-11 (reproduit avec autorisation).

Pietro Kaswalder

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Beer Sheva, la cité des patriarches

 

 

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