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5e dimanche de Pâques C - 6 mai 2007

 

La nouveauté qui recrée le monde

Introduction aux discours d'adieu : Jean 13, 31-33a.34-35
Autres lectures : Actes 14, 21-27 ; Psaume 144(145) ; Apocalypse 21, 1-5

Sur quoi se construit la bonne réputation de Dieu? Comment s’exprime sa gloire? Sur des événements grandioses, des miracles spectaculaires? Non. L’évangile répond aujourd’hui que la gloire de Dieu se dit simplement, car elle se base sur le comportement des personnes qui lui sont familières et qui vivent entre elles une réciprocité positive : Aimez-vous les uns les autres.

     Jésus précise que ce comportement réciproque est la réponse à un commandement nouveau. Que veut-il dire par « nouveau »? Ses propos nous semblent bien répétitifs. Nous avons toujours entendu parler du commandement de l’amour. Il nous semble donc étrange de le qualifier avec le vocabulaire de l’innovation!

     Or, c’est précisément le point de vue de Jésus. Sa proposition entend apporter autre chose au groupe de ses disciples. On peut comprendre la force de l’intervention de Jésus lorsqu’on décrit le contexte social de son époque. Ce qui était hautement apprécié, c’était la stabilité des rôles et des tâches. La nouveauté était non seulement étonnante: elle était dangereuse et mal venue. Entendre proclamer un commandement qualifié par Jésus de « nouveau » devait donc être à tout le moins fort inquiétant. Voilà de quoi décaper notre appréciation de l’évangile de ce dimanche!

     D’ailleurs, le commandement de Jésus ne consiste pas seulement à proposer l’amour. N’importe quelle vedette de la chanson peut le hurler, le hululer ou le miauler. Jésus propose la manière de vivre en profondeur cet amour. Il invite à explorer l’intimité divine du Père et du Fils. Jésus a aimé l’humanité avec l’intensité qui anime la relation des personnes divines entre elles. En quelques mots, Jésus ouvre ce territoire tout neuf aux disciples de toutes les époques.

     Les propos de Jésus décrivent en quoi le commandement est nouveau, en quoi aussi il nous met entre les mains un outil pour renouveler le monde. Combien de catholiques savent qu’au cœur du aimez-vous les uns les autres, il y a le comme je vous ai aimés? Nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes, lorsqu’il s’agit d’appliquer le commandement de Jésus. Jésus nous fournit lui-même le modèle d’intervention.

Un bel écho du Premier Testament

      L’amour voué à l’autre, à l’image de l’amour de soi, était déjà proposé comme norme de comportement dans l’Ancien Testament. Lévitique 19, 18.34 propose d’aimer l’autre comme on s’aime soi-même : Ne te venge pas, et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même... cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l’un de vous; tu l’aimeras comme toi-même; car vous-mêmes avez été des émigrés dans le pays d’Égypte.

      Dans la période qui sépare le Premier Testament du Nouveau, le livre des Jubilés (36, 3-4) rapporte ainsi le commandement d’Isaac à Esaü et Jacob : Et ceci je te commande... aimez-vous les uns les autres, mon fils,... comme un homme aime sa propre vie. Dans les Évangiles synoptiques, ce commandement est élargi pour inclure l’amour des ennemis.

      Puisque cet idéal semble déjà familier pour les lecteurs de la Bible, en quoi est-ce « nouveau » de proposer ce commandement? On peut envisager qu’il s’agit d’un indicateur de l’alliance nouvelle prévue par le prophète Jérémie (31, 31-34). Mieux encore : l’observance de ce commandement ouvre la porte sur l’intimité avec Dieu (14, 20) parce qu’il s’inscrit dans la suite de la mission de Jésus. Ce commandement est donné par l’envoyé de Dieu, vu sa capacité de déléguer à son tour (13, 34).

Une réciprocité à vivre dans nos rassemblements

      Dans l’évangile, Jésus annonce son absence toute proche. Il délègue donc à des personnes de confiance le soin d’exprimer par leur comportement la relation la plus profonde qui anime le Père et le Fils. Les disciples deviennent des envoyés, des mandatés qui doivent se comporter à l’image de la personne qui les envoie. Reportons-nous à cette époque où la seule façon de véhiculer un message, c’était de le confier à une personne de confiance. Les rois et les grands personnages utilisaient ce moyen pour se rendre présents un peu partout à la fois. Jésus n’a pas hésité à faire de même.

      Lorsque nous nous rassemblons au nom de Jésus pour faire mémoire de lui selon la manière qu’il a choisie, nous nous devons d’agir à la hauteur de ses attentes. Pendant notre rassemblement priant. Et dans son prolongement au fil des jours. Il est de notre devoir de faire connaître ainsi la mission que Jésus nous a confiée : transposer dans notre monde les comportements de Dieu pour que notre monde ait enfin accès à l’amour qui cimente la Trinité.

      Dans sa première encyclique Dieu est amour, Benoît XVI évoque avec admiration cette ouverture ultime de nos amours sur le monde divin : « L’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain sont maintenant vraiment unis : le Dieu incarné nous attire tous à lui. À partir de là, on comprend comment agapè est alors aussi devenu un nom de l’eucharistie : dans cette dernière, l’agapè de Dieu vient à nous corporellement pour continuer son œuvre en nous, à travers nous. C’est seulement à partir de ce fondement christologique et sacramentel qu’on peut comprendre correctement l’enseignement de Jésus sur l’amour » (Dieu est amour, numéro 14).

     Le message de ce dimanche est donc un élément important de notre préparation pour la grande fête de 2008 à laquelle nous sommes déjà convoqués : le Congrès eucharistique international de Québec.

Une nouveauté qui pétrit tout notre univers

     La présence d’un texte du dernier livre de la Bible, l’Apocalypse, n’est pas anodine. La deuxième lecture donne un visage bien concret à la nouveauté, en abordant la nécessité d’un renouvellement divin du lieu par excellence des rencontres humaines : la ville.

     Certaines sectes représentent l’avenir radieux du monde sous la forme d’un paysage campagnard, avec des fruits et des légumes en abondance, des ruisseaux agréables et une humanité ravie de vivre en « gentlemen farmers ». Cette fixation agricole est contredite en partie par le dernier livre de la Bible. L’horizon ultime proposé dans l’Apocalypse, c’est celui du rassemblement urbain. Donc, du lieu par excellence des multiples interactions humaines. La vie chrétienne a surgi dans les métropoles de l’Empire romain, comme Thessalonique, Corinthe, Rome. Peu étonnant que le grand rêve des premières générations de personnes croyantes englobe l’espérance d’un fonctionnement harmonieux en société.

     Et le fruit ultime de l’espérance véhiculée par la Bible, c’est un don venu de Dieu : une Jérusalem nouvelle (21, 2). Cette ville symbolise la totalité et la perfection de l’amour divin. C’est un lieu éclairé par la sainteté divine enfin directement accessible, un endroit où les services des luminaires cosmiques (cause de tant d’ambiguïtés païennes, comme les cultes à la lune et au soleil) ne sont même plus requis.

     Nous sommes souvent inquiets de la montée des comportements urbains désagréables : violence gratuite, mendicité, sollicitations déplacées, saleté et graffitis, fêtes urbaines dégénérant en émeutes. Quand nous désespérons de trouver une solution aux lacunes de nos grands ensembles citadins, serions-nous en train de perdre de vue la conviction fondamentale de la Bible au sujet de la ville et de la communion humaine?

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2099. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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