
La destruction de Sodome et Gomorrhe. John Martin, 1852.
Huile sur toile, 136 x 212 cm. Laing Art Gallery, Newcastle (Wikipédia).
Puissance et grâce
Benoît Lambert | 4e dimanche du Temps ordinaire (B) – 28 janvier 2024
La prédication de Jean : Marc 1, 21-28
Les lectures : Deutéronome 18, 15-20 ; Psaume 94 (95) ; 1 Corintiens 7, 32-35
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.NDLR : N’oubliez pas qu’il est toujours possible de réagir à un texte publié ou à nous poser vos questions. Votre avis nous intéresse et vos questions alimentent le site web.
La puissance a toujours été un attribut divin dans la Bible. Mais cette manière de comprendre Dieu a évolué au cours de l’histoire.
Le Tout-puissant
Au début de l’Ancien Testament, la puissance divine sert souvent à punir une humanité corrompue ou à s’affirmer lorsque YHWH entre en compétition avec les dieux païens : le déluge, Sodome et Gomorrhe, etc. Cette puissance qui peut détruire (le déluge, Sodome et Gomorrhe, etc.) fait peur aux gens surtout lorsque des phénomènes naturels extrêmes (tonnerre, éclairs) signalent sa présence comme au mont Horeb lorsque Moïse se présentera devant YHWH (Ex 19,16). Les Israélites demandent donc à Dieu de se manifester de manière moins spectaculaire. L’Unique va, d’après la première lecture de cette célébration, accéder à leur demande car, il promet que sa volonté sera désormais transmise par un prophète. Il est aisé de constater qu’une transition se produit dans l’Écriture. Le Créateur utilisera dorénavant sa puissance surtout pour assurer le salut du peuple qu’il a choisi comme partenaire privilégié. Et la Loi sera le contrat scellant ce partenariat.
L’envoyé définitif que YHWH a promis fut nul autre que son Fils unique qui assumera la nature humaine. Il agira avec puissance en paroles et en actes. Jésus a prêché avec une autorité tellement forte que les Juifs de son temps vont être impressionnés par son éloquence. En effet, le Maître ne va pas seulement commenter les Écritures comme font les scribes et les pharisiens. En revenant aux fondements de la Loi (aimer Dieu et son prochain), il va renouveler ce qui était devenu au fil du temps un ensemble de contraintes exigeantes pour Israël.
Les miracles
Jésus a aussi accompli des actes de puissance pour soulager la misère humaine : les miracles. Ces actes vont au-delà des lois de la nature : un lépreux est guéri, des pains et des poissons sont multipliés pour nourrir une foule, etc. Les rationalistes du XVIIIe siècle et des siècles suivants ont critiqué cet aspect du ministère du Christ. Pourquoi Dieu déroge-t-il aux lois naturelles qu’il a lui-même établies? Plusieurs théologiens contemporains vont vouloir escamoter tout ce qui est surnaturel dans les Évangiles. Les miracles deviendront des récits allégoriques qui véhiculent des connaissances théologiques.
L’Église catholique n’a jamais adhéré à cette position. Les miracles sont des événements qui sont arrivés et qui se produisent encore aujourd’hui. Elle fait remarquer que ces actes de puissance sont constamment faits pour sauver des personnes. Ils ne sont pas le fait d’une divinité qui veut s’imposer. L’homme a toujours le choix d’y reconnaître un geste salvifique de la Trinité ou de les considérer comme un fait que la science expliquera dans le futur. De plus, l’Église est très prudente avant de déclarer qu’une guérison est miraculeuse. Elle mènera une enquête rigoureuse où des experts examineront le miracle sous la loupe scientifique. Souvent, le miracle ne sera pas validé.
L’exorcisme
Les cas de possession démoniaque sont aussi assujettis à cet examen sévère fait par des experts. La médecine moderne a démontré que des maladies mentales pouvaient être la cause de délires religieux. Il faut donc discerner entre ce qui est médical et ce qui est surnaturel. Qui dit exorcisme dit avant tout démons. L’Église reconnaît comme dogme l’existence de ces créatures et leur présence constante dans la Bible. Il faut d’abord savoir qu’au début de la Bible, YHWH est responsable du bien et du mal. Satan est un conseiller du Créateur. Au fil des siècles, le peuple élu a pris note de l’incohérence de cette croyance. Dieu, qui aime sa création, ne peut pas choisir d’exercer du mal contre elle. À ce moment-là, Satan le conseiller est devenu une figure autonome qui incite l’être humain à commettre le mal. À notre époque, plusieurs chrétiens et chrétiennes ne tolèrent plus que le diable soit évoqué dans l’annonce de l’Évangile. Dieu aime l’humanité et il veut que tous ses enfants soient sauvés. Ils oublient que la Trinité respecte la liberté humaine. Les hommes et les femmes ne sont pas des robots que le Très-Haut peut manipuler même pour leur propre bien. L’être humain peut choisir le mal. Dieu a cependant tout accompli pour que les personnes choisissent d’entrer en relation avec lui. Il a même envoyé son Fils unique qui, en s’incarnant, en mourant et en ressuscitant, a rétabli l’alliance brisée par les péchés humains.
Avant d’affirmer dogmatiquement l’existence des démons, l’Église définit comme dogme (vérité qu’un catholique doit croire) l’existence des anges. Les anges ont été créés par Dieu pour le servir et l’adorer. Ils peuvent même, comme l’archange Gabriel et l’archange Raphaël, apparaître aux êtres humains pour leur transmettre un message divin. Ce sont des créatures spirituelles, sans corps, immortelles et qui ne changent pas. Elles ne sont pas sujettes à la vieillesse comme les êtres humains. Comme les hommes et les femmes, elles ne sont pas des robots que Dieu peut dominer. Elles sont dotées de liberté et des anges ont choisi de ne pas servir Dieu (concile du Latran, en 1215). Ce sont les démons que Jésus combat dans la Bonne Nouvelle de cette célébration. Et ce combat se poursuit aujourd’hui (Gaudium and spes, 27). D’ailleurs, l’évêque de chaque diocèse doit désigner un exorciste pour délivrer les personnes possédées par le mal. Le motif du refus des démons de servir leur Créateur n’est pas une vérité dogmatique tout comme les anges gardiens. Les croyants et les croyantes sont libres de penser ce qu’ils veulent sur ces points.
La grâce
Actuellement, l’Église ne veut plus faire peur aux fidèles pour les inciter à se convertir. Satan n’est plus un sujet prédominant de sa prédication. Elle préfère présenter l’aspect salvifique de l’Évangile. Jésus a fait des miracles pour sauver les gens qu’ils rencontraient. Aujourd’hui, il donne l’Esprit qui nous rend enfants de Dieu et qui procure aux fidèles la paix et la joie qui existent dans le Royaume. Donc, parallèlement à la puissance de Dieu, il y a sa compassion. Il veut sauver chaque individu. Dans l’Ancien Testament, il abandonnera sa pédagogie où il se manifeste avec force pour une autre qui ne fera pas peur aux fils et aux filles d’Abraham. Dieu sait que l’effroi bloque toute communication dans la conscience des personnes. Jésus va aussi adapter sa pédagogie pour mieux rejoindre son auditoire. D’abord, il va progressivement dévoiler son identité divine. L’évangéliste Marc souligne la volonté du Seigneur de cacher l’aspect divin de sa personne dans les débuts de son ministère. Il fait taire les puissances démoniaques présentes chez le possédé qui évoquent sa divinité. Jésus sait que cette révélation d’un homme qui est aussi Dieu va chambouler la foi de ses concitoyens. Il va donc étape par étape se dévoiler auprès de son auditoire en les préparant par sa prédication et ses actes.
De plus, tout son ministère est marqué par son souci de l’autre. Il va aimer gratuitement et inconditionnellement tous les êtres humains. Il va accueillir dans son entourage ou rencontrer des gens méprisés par la société israélite de son époque : la Samaritaine, les lépreux, les publicains, les prostituées, les Romains, etc. Il va faire différents miracles pour soulager la souffrance des pécheurs. Lui-même va souffrir le martyre de la croix pour sauver l’humanité. Présentement, l’Esprit pénètre dans le cœur des gens qui souffrent pour leur donner sérénité et leur montrer que le mal n’a pas le dernier mot. En exorcisant le possédé, Jésus veut nous transmettre ce message. Les maladies, les guerres, les injustices, en résumé le mal ne constituent pas le terme de l’histoire humaine. Grâce à Dieu, le bien vaincra et tous les amis et amies du Christ auront une place au paradis.
Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.
Source : Le Feuillet biblique, no 2831. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.
