(Vincent Janssen / Pexels)

Qui est un véritable disciple de Jésus?

Odette MainvilleOdette Mainville | 26e dimanche du Temps ordinaire (B) – 29 septembre 2024

Agir en son nom : Marc 9, 38-43.45.47-48
Les lectures : Nombres 11, 25-29 ; Psaume 18 (19) ; Jacques 5, 1-6
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Certains passages de l’Évangile de Marc peuvent sembler quelque peu déconcertants si l’on s’en tient à une lecture littérale. Par contre si on les aborde sous un angle symbolique, comme l’a certainement voulu l’évangéliste, ils sont susceptibles d’offrir de riches leçons de vie et d’orienter vers des pistes sures quant à la manière de marcher sur les traces de Jésus.

Étonnamment, la première partie du texte semble indiquer que l’on peut afficher un comportement conforme à l’enseignement de Jésus sans pour autant se reconnaitre explicitement comme son disciple, sans non plus, si on actualise cet enseignement, s’afficher comme chrétien. La deuxième partie du texte, quant à elle, semble inviter à des comportements à caractère brutal, qu’il ne faut certainement pas prendre au pied de la lettre.

Être disciple de Jésus… hors les rangs

L’apôtre Jean interpelle effectivement Jésus au sujet d’un inconnu qui expulse les démons en son nom sans faire partie du groupe de ses disciples. Pour une saine compréhension de l’intervention de Jean, il importe d’abord de faire la distinction entre ‘démons’ et ‘Satan’.

Dans le langage biblique, les démons, synonyme d’esprits impurs, sont des êtres maléfiques que l’on tient responsables des maladies physiques et mentales. Par exemple, on dira d’une personne sourde, qu’elle est atteinte du démon de la surdité, de la personne aveugle, du démon de la cécité, etc. ; alors que le Satan, maitre de l’enfer, que l’on désigne aussi comme le diable ou Lucifer, incite pour sa part au péché, à la déviance morale. On peut donc comprendre, dans ce passage évangélique, que cet inconnu, qui chasse les démons au nom de Jésus, opère des guérisons. La réponse de Jésus à l’intention de Jean peut alors se traduire dans les termes suivants : que le bien soit fait en son nom, qu’il le soit ou non par l’un de ses disciples, n’importe guère ; ce qui importe d’abord et avant tout, c’est faire le bien.

Comment alors actualiser la réplique de Jésus ? Comment la rendre pertinente dans notre monde, aujourd’hui ? On peut tout d’abord tirer comme leçon que le fait de lutter contre les forces du mal n’est pas l’apanage des chrétiens, mais qu’au contraire, il est fort possible de travailler à les combattre et de travailler à promouvoir le bien sans pour autant se reconnaitre disciple de Jésus. Même si on pourrait recourir à de multiples exemples pour illustrer cette réalité, il suffit de ne mentionner, ici, que les exemples éloquents de tous ces mouvements sociaux qui s’appliquent à générer des forces constructives en vue de bâtir un monde meilleur ; de toutes ces personnes qui militent à l’intérieur de ces mouvements ; de ces personnes qui, chaque jour, s’emploient répandre le bien au sein de leurs familles et de leur environnement social, et ce, sans pour autant se reconnaitre chrétiens. À l’instar de Jésus, il convient alors d’éviter toute réaction sectaire à l’égard de ces mouvements et des personnes qui y militent.

Il n’en demeure pas moins que le fait de connaitre le personnage Jésus, que d’approfondir son enseignement avec une réelle volonté d’en faire son chemin de vie, puisse s’avérer un choix d’une grande richesse. Un choix qui ne pourra être autrement que source de lumière. Modeler ses options de vie sur le personnage Jésus peut, en effet, être une voie prometteuse de croissance et d’épanouissement personnels ; car pour ce faire, on doit développer son potentiel, ce qui n’est probable qu’en le mettant au service de la société où l’on vit, au service des êtres humains de son entourage. Bref, l’important demeure d’abord et avant tout de faire les œuvres promues par Jésus, que l’on s’inscrive ou non au sein de l’Église.

L’horreur du scandale

Encore une fois, il faut se replacer dans la mentalité des temps bibliques pour aborder les recommandations à caractère plutôt brutal contenues dans la suite du texte évangélique. L’ordre d’amputer un membre qui se ferait cause de scandales ne saurait certainement être pris au pied de la lettre. Il faut, en effet, à nouveau, se replacer dans la culture de l’époque, où on utilisait couramment un langage métaphorique quand il s’agissait de livrer des enseignements conformes à une conduite respectueuse de la morale.

Dans le cas présent, il pourrait être question des conséquences négatives de tout enseignement inapproprié livré par des personnes en position d’autorité ou de toute conduite de simples individus qui risqueraient de scandaliser le petit. Le scandale en serait alors la conséquence, à savoir que ces enseignements ou ces comportements seraient de nature à entrainer l’autre, celui désigné sous l’appellation ‘petit’, dans la voie du mal, ou tout au moins, à l’inciter à une conduite contraire à la morale. Ajoutons encore que, contrairement à l’interprétation que l’on en fait généralement, ce terme ne désigne pas uniquement l’enfant, mais dans ce contexte, il peut aussi être question de gens ordinaires, de ‘petites gens’ susceptibles d’appliquer littéralement, sans discernement, de tels enseignements ou de modeler leur propre conduite sur celles dont ils sont témoins.

On ne saurait donc prendre au pied de la lettre ces paroles impératives attribuées à Jésus, celles voulant que l’on s’ampute des membres qui se feraient cause de scandale. Se couper la main ou le pied, ou s’arracher l’œil sont, en l’occurrence, des exagérations verbales destinées à choquer l’imaginaire, de manière à illustrer toute la gravité du scandale. Il semble alors opportun d’actualiser ces propos à l’aide de situations concrètes, qu’elles soient à caractère universel, ou qu’elles s’appliquent plus spécifiquement à notre culture, ou encore à un contexte particulier bien spécifique. Retenons donc, à cette fin, les quelques exemples ci-dessous.

Si, à titre individuel, je me mets à mépriser injustement certaines catégories de gens, certaines ethnies, ce en raison de leur race, de leur couleur, de leur entité sociale, et que mes propos sont accueillis comme des faits avérés par des personnes plus ou moins aptes à faire preuve de discernement et que, dans la foulée de mes propos, ces dernières adoptent des attitudes malsaines, voilà que je me suis fait cause de scandale. Si à une autre échelle, une autorité gouvernementale préconise des pratiques privilégiant des bénéfices pécuniaires au détriment de la protection de l’environnement et qu’en conséquence, son exemple entraine au gaspillage et à la détérioration climatique, voilà que cette instance se fait cause de scandale. Que l’on pense encore à l’horrible fléau de la pédophilie, dont les victimes sont, par définition, des enfants, des petits êtres qui seront marqués à jamais dans leur âme et dans leur corps, qui en porteront les blessures toute leur vie durant. Or, on ne peut s’empêcher d’évoquer, entre autres, les comportements de ces personnages investis d’une grande autorité morale qui se sont effectivement faits prédateurs de ces comportements.

Conclusion

Une importante conclusion émanant de l’Évangile du jour peut se résumer ainsi : lutter contre les forces du mal n’est pas l’apanage des chrétiens, mais de toute société, tout regroupement, tout organisme, tout individu ayant à cœur de promouvoir le bien en vue de construire un monde meilleur. Ce qui importe, c’est de faire les œuvres proclamées par Jésus, que l’on se rattache à lui ou non. Pour ce qui en est de la personne en situation d’autorité, on comprend qu’il lui revient, dans la mesure du possible, d’éduquer les petites gens au discernement, afin qu’ils en arrivent à une conduite morale autonome, dans le respect de la liberté individuelle ou collective.

Odette Mainville est auteure et professeure honoraire de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal.

Source : Le Feuillet biblique, no 2858. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.