
Le jeune homme riche. Andreï Mironov, 2010. Huile sur toile, 85 x 120 cm. Collection privée (Wikimedia).
Suivre Jésus change tout
Laurent Lafontaine | 28e dimanche du Temps ordinaire (B) – 13 octobre 2024
L’appel du riche : Marc 10, 17-30
Les lectures : Sagesse 7, 7-11 ; Psaume 89 (90) ; Hébreux 4, 12-13
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
On reste toujours perplexe, comme les disciples, quand on écoute l’histoire du riche qui refusa de suivre Jésus. Pourtant, il était si enthousiaste en arrivant et si bien disposé à faire tout ce qu’il fallait pour avoir la vie éternelle en partage. Jésus s’adresse d’abord à lui en fils de la Loi et il lui indique quelques-uns des commandements qui concernent l’amour du prochain. Devant ses réponses satisfaisantes, Jésus se prend à aimer cet homme d’une grande qualité spirituelle.
C’est alors que Jésus s’adresse à lui comme à un fils possible de la foi. Une chose te manque à toi qui possèdes beaucoup. Il ne s’agit plus de suivre une Loi, mais de suivre quelqu’un. Ce n’est pas parce que les richesses sont mauvaises que le riche doit s’en libérer, mais c’est pour suivre Jésus. À la suite de Jésus, les œuvres ne sont plus la cause du salut, mais elles sont le fruit de la foi.
Commandements et conseils?
À partir de cette rencontre de l’homme riche et de Jésus, peut-on établir une distinction entre les commandements obligatoires pour tous et les conseils évangéliques qui ne s’appliqueraient qu’aux religieux par exemple? Cette distinction ne correspond pas à ce passage de l’évangile de Marc.
La vocation ne concerne pas que les religieux et les prêtres ; elle est le fait de chaque chrétien. Chacun n’est pas obligé de donner tout ce qu’il possède, tout comme chacun, individuellement, n’est pas appelé à donner sa vie effectivement pour Jésus et l’Évangile. Mais tous doivent entendre cet appel de Jésus, poussant jusqu’aux extrêmes conséquences de l’engagement, et que chacun est invité à réaliser d’une manière qui lui est propre et qui constitue ce que nous appelons sa vocation.
L’appel de Jésus peut devenir un commandement pour telle personne dans telle situation particulière. On ne pourra jamais exiger de tous les chrétiens qu’ils renoncent complètement et définitivement à toute propriété personnelle. Dans le cas du riche, on voit qu’il se soustrait, dans la tristesse, à l’appel de Jésus. On ne nous dit pas s’il a perdu son salut éternel. Sa tristesse trahit sa lutte intérieure et est le signe qu’il est incapable de se séparer de ses richesses. Les disciples ont vu la scène et sont déconcertés.
L’attitude à l’égard de la propriété
Jésus dit à ses disciples : Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu. Les disciples sont perplexes. En fait ils ne peuvent pas comprendre car, pour eux, la richesse est une bénédiction de Dieu, alors que la pauvreté est une malédiction et une honte. Il est impossible à un riche qui tient à ses biens plus qu’à Dieu d’être un vrai chrétien. Le malheur n’est pas d’avoir des biens, mais les ayant, d’y attacher son cœur.
Pour bien montrer qu’il ne s’agit pas seulement des riches, mais de tous les disciples et de leur attitude l’égard de la propriété, Jésus dit : Qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu. C’est le message de la parabole de la porte étroite (Luc 13,24). Jésus ne cherche qu’à montrer la grande difficulté, afin d’inciter au plus grand effort. Ce n’est pas tant la quantité des biens qui est en cause ici que le fait d’y mettre son cœur et d’y être attaché.
Quelle récompense?
Pierre se mit à dire : Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre. Il ne demande pas : Quelle sera notre récompense? Mais Jésus va au-devant de cette question. Personne n’aura quitté maison, frères, sœurs, mère, père, enfants et champs sans qu’il reçoive au centuple maison, frères... et champs en ce temps-ci avec des persécutions et dans le monde à venir la vie éternelle.
Il ne faudrait pas réduire cette phrase de Jésus à un marchandage qui invite à se désengager des causes présentes pour se réfugier dans un monde fermé sur soi et à ne préparer que la vie éternelle. Jésus promet une nouvelle famille à ceux et celles qui doivent quitter les leurs, à une nouvelle communauté pour faire face aux persécutions, et la vie éternelle dans le monde à venir.
Marc vise certainement une situation bien concrète, d’après l’expérience de l’Église primitive : « Vous avez des persécutions, il est vrai, mais regardez quelle vie vous avez gagnée. Des maisons, vous en avez : l’hospitalité, cela existe entre vous. Des liens d’affection, vous en avez : vous êtes frères et sœurs. Et dans le monde à venir, vous aurez la vie éternelle. » La communauté, ce n’est pas une sorte de lieu de repos loin du monde, mais au contraire une base de départ pour une action dans le monde.
Laurent Lafontaine est bibliste et prêtre du diocèse de Montréal.
Source : Le Feuillet biblique, no 2860 (publié précédemment sous le numéro 1549). Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.
