Le Fils de l’homme selon la vision de saint Jean. Apocalypse de Bamberg, 11e siècle (Wikipédia).

Jésus évoque la fin des temps

Odette MainvilleOdette Mainville | 33e dimanche du Temps ordinaire (B) – 17 novembre 2024

La venue du Fils de l’homme et la parabole du figuier : Marc 13,24-32
Les lectures : Daniel 12,1-3 ; Psaume 15 (16) ; Hébreux 10, 11-14.18
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le texte de Marc aborde un sujet quelque peu nébuleux, celui de la fin des temps ; d’autant plus nébuleux que l’évangéliste l’aborde en recourant à une terminologie de style apocalyptique. Il convient donc de décrypter ce langage afin de chercher en quoi il peut encore être parlant dans notre monde actuel. Pour ce faire, il importe d’abord d’apporter un éclairage sur l’identité de celui qui en est le messager, en l’occurrence, le Fils de l’homme ; de voir ensuite comment, dans ce contexte, le sacrifice de Jésus devient offrande pour les péchés ; et finalement, de comprendre l’impact du fait que le Christ ressuscité soit assis pour toujours à la droite de Dieu.

Qui est le Fils de l’homme ?

Les chercheurs se sont souvent heurtés aux embuches que pose l’identification de ce mystérieux personnage, le Fils de l’homme, fréquemment cité dans l’Ancien Testament. Si à cette époque, on peut suggérer qu’il désignait tout simplement un membre de la race humaine, le titre semble plus énigmatique quand on le retrouve dans les Évangiles. Pour une illustration pertinente de la compréhension qu’on en avait dans l’Ancien Testament, on peut se référer à ce passage du livre de Daniel [1] :

Ainsi s’exprime le prophète Daniel : Pendant que je regardais mes visions nocturnes, quelqu’un qui ressemblait à un fils de l’homme est venu avec les nuées du ciel. On lui a donné la domination, la gloire et le règne et tous les peuples, les nations et les hommes de toute langue l’ont servi. Sa domination est une domination éternelle qui ne cessera pas et son royaume ne sera jamais détruit. (Dn 7,13-14) 

L’époque où s’exprime le prophète Daniel évoque celle où le monarque grec, Antiochos IV visait à éradiquer le judaïsme. Ce titre, Fils de l’homme, est ainsi appliqué à celui qui vaincra enfin les puissances du monde, pour être ensuite couronné de la royauté universelle. On comprend donc que ce personnage sera identifié au Sauveur que Dieu enverra pour le salut de l’humanité ; une espérance encore bien vivante dans le Nouveau Testament, évidemment.

Le titre de Fils de l’homme apparait plus de quatre-vingts fois dans les évangiles. Quand Jésus, lui-même, y recourt, il le fait dans la même perspective, c’est-à-dire en rapport avec cette espérance de la venue d’un Sauveur. Ce n’est qu’après sa résurrection que la communauté chrétienne reconnaitra qu’il était bel et bien ce Fils de l’homme attendu. Il importe cependant de souligner que ce titre appliqué à Jésus évoque son humanité, alors que c’est le titre Fils de Dieu qui fait référence au règne universel qu’il n’exercera cependant qu’après sa résurrection.

L’espérance juive relativement à la venue du Fils de l’homme

Au temps de la mission terrestre de Jésus, le peuple juif, qui se retrouve sous la domination romaine, espère vivement que Dieu intervienne et établisse son Règne, le libérant ainsi des forces étrangères qui l’asservissent. Le langage très coloré décrivant les événements cosmiques devant accompagner ce moment requiert cependant une remise en contexte.

On lit, par exemple, que les puissances célestes et toutes forces menaçantes seront ébranlées, que les étoiles tomberont et que le ciel s’obscurcira. Bien sûr, il serait naïf de faire une interprétation littérale de ces propos, sachant pertinemment, d’ailleurs, que chaque époque a son propre scénario descriptif des phénomènes devant marquer la fin des temps. En réalité, ce qui est sous-jacent à une telle perspective, c’est l’espérance qu’une intervention divine vienne transformer radicalement tout environnement politique et social qui retient le peuple dans un état d’assujettissement. Quand cela se produira-t-il ? La Lettre aux Hébreux ne cherche-t-elle pas à apporter un certain éclairage à cette question ?

Jésus, Christ, mort pour les péchés, assis à la droite de Dieu

Nous lisons dans la Lettre aux Hébreux : « Jésus Christ, après avoir offert pour les péchés son unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. » (10,12) Voilà qui requiert encore une saine interprétation.

Soulignons d’emblée qu’au cours de l’histoire du christianisme, l’affirmation voulant que Jésus soit mort pour les péchés a souvent été galvaudée. On a cru, en effet, que c’était le lot de ses souffrances qui avaient valeur de rachat. Or, ses souffrances, celles l’ayant mené à la mort en croix, sont la conséquence de son opposition à un régime oppressant, celui des autorités juives qui faussait l’image du Père. Jésus a dénoncé et combattu avec véhémence ce régime qui, en retour, a réclamé son exécution auprès des occupants romains.

Par contre, si sa mort avait été la fin ultime de son parcours, aurions-nous même entendu parler de lui ? Mais l’inattendu survient. Dieu ramène Jésus à la vie, permettant qu’il se manifeste aux apôtres et à de nombreuses autres personnes, dont plusieurs femmes, toutes ces humbles personnes qui avaient cru en son enseignement et qui l’avaient suivi tout au long de sa mission terrestre. Au terme de ses souffrances, c’est le fait que Dieu se soit prononcé en sa faveur qui devient source de salut. Autrement dit, cette intervention pourrait se traduire ainsi : vivez à la manière de Jésus et alors vous marcherez dans cette voie, celle que le Père a approuvée.

Mais comment tout cela se prolonge-t-il au-delà de l’époque entourant ces événements ? Par le fait que l’on ait pu ressentir alors et toujours l’action du Ressuscité dans le monde, ce qui a mené à la conclusion que non seulement il a été rendu à la vie, mais qu’il exerce à jamais un règne au-delà de toute frontière. Autrement dit, Dieu l’a fait Christ et Seigneur, lui accordant le pouvoir de régner. Or, dans le langage symbolique de l’époque, pour désigner le statut du roi exerçant le règne, on disait de lui qu’il était assis à la droite de Dieu. Voilà pourquoi on a appliqué ce statut à Jésus ressuscité.

Conclusion           

On a espéré, au début de l’ère chrétienne, que le Christ ressuscité revienne établir à jamais son règne et remettre de l’ordre dans le monde. Saint Paul lui-même y a cru. En effet, il a même cru qu’il serait encore vivant au moment du retour du Christ [2].

Ainsi, à chaque époque, on a interprété des événements comme signes avant-coureurs de la fin des temps. Il faut pourtant exclure toute espérance d’un retour de Jésus, Christ, sur la terre, exclure toute attente d’un autre règne que celui qu’il exerce maintenant. Rappelons encore que pour vivre selon les exigences de ce règne, il importe d’adopter un comportement fidèle à la voie tracée par Jésus lui-même lors de son passage parmi nous.

Odette Mainville est auteure et professeure honoraire de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal.

[1] Le livre de Daniel date du 2e siècle avant l’ère chrétienne, alors que le peuple juif était sous domination grecque au temps du règne d’Antiochos IV. 
[2] Nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui serons encore là pour la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Au signal donné par la voix de l’archange, et par la trompette divine, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. (1 Thessaloniciens 4, 17)

Source : Le Feuillet biblique, no 2865. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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