Crucifixions romaines. Vasily Vereshchagin, 1887.
Huile sur toile, 294,6 x 396,2 cm. Brooklyn Museum, New York (Wikipédia).

Jésus, Christ, Roi

Odette MainvilleOdette Mainville | Le Christ roi (C) – 23 novembre 2025

Jésus en croix est insulté : Luc 23, 35-43
Les lectures : 2 Samuel 5, 1-3 ; Psaume 121 (122) ; Colossiens 1, 12-20
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le texte de l’Évangile de Luc offre une fidèle présentation de la vocation de Jésus, telle que révélée lors de son passage en ce monde, en l’occurrence, celle du règne. À travers les propos dérisoires des chefs religieux et des soldats, des injures proférées par l’un des malfaiteurs crucifiés à ses côtés et des paroles de repentir exprimées par l’autre, on perçoit déjà la vocation que Jésus exercera après sa résurrection. Mais quels en seront les signes révélateurs? Ou plus précisément, quels sont ses agirs et ses paroles qui conduiront à reconnaitre le personnage tant attendu, le Messie?

Un brin d’histoire et quelques définitions

Il importe d’abord d’avoir une juste compréhension des titres attribués à Jésus, dont les suivants : Messie, Christ, Roi. D’emblée, on peut déjà dire qu’ils revêtent un sens commun, qu’ils font tous référence à la même fonction.

Pendant une certaine période de l’époque vétérotestamentaire, le peuple d’Israël était sous la gouvernance d’un roi. Or, marqué de l’onction au moment de son accession au trône, le roi recevait alors le titre d’Oint de YHWH. La traduction hébraïque d’Oint étant précisément ‘Messiah’ (Messie), le roi était donc considéré comme le Messie régnant sur le peuple. À noter également la traduction grecque des Messiah, c’est-à-dire Christos [1].  Ajoutons encore que, durant la période de son règne, le roi recevait également le titre de fils de Dieu. Il importe cependant de spécifier que ce titre n’avait pas de valeur ontologique, mais faisait strictement référence à la fonction royale du personnage. Il en découle donc que les titres Oint, Fils de Dieu, Messie et Christ renvoient au même et unique fonction, celle du règne.

Or, de tous les rois qui ont régné sur Israël, David fut considéré comme le plus grand. Depuis la fin de la période monarchique, soit au moment où le peuple fut mené en exil, plus de cinq cents ans avant la venue de Jésus, on n’a jamais cessé d’espérer le rétablissement de la royauté, espérance qui s’exprimait surtout par la venue d’un nouveau David.

Bref, que l’on attribue à Jésus l’un ou l’autre de ces titres – Oint, Messie, Christ ou Fils de Dieu – on fait toujours référence à son statut royal. Mais comment s’est manifesté ce statut?

Des signes avant-coureurs

Tout au long de son parcours terrestre, Jésus se démarque tout autant parmi les foules que parmi ses proches. Il accomplit des gestes qui étonnent et qui, petit à petit, lui tissent une renommée qui l’élève au-dessus de tout autre être humain, comme en font foi les quelques exemples présentés ci-dessous.

  • Après avoir choisi ses disciples, Jésus s’arrête à un endroit où une foule vient à sa rencontre de par toute la Judée pour l’entendre et se faire guérir de maladies. On cherche à le toucher ; on ressent qu’une force sort de lui (Luc 6,17-19).
  • Le centurion, officier de l’armée romaine, dont l’un des serviteurs est malade, mais qui se sent indigne de recevoir Jésus sous son toit pour opérer la guérison, l’implore plutôt de ne dire qu’une seule parole, laquelle suffira à guérir son serviteur (Luc 7,1-7).
  • Lors de la résurrection du fils de la veuve de Naïn, la foule rend gloire à Jésus, proclamant qu’un grand prophète s’est levé au sein du peuple, reconnaissant de ce fait que Dieu a visité son peuple (Luc 7,11-17).
  • La pécheresse, dont la confiance en la grandeur et la miséricorde de Jésus est si forte qu’elle ose défier les interdits du judaïsme en pénétrant chez un pharisien, qui recevait Jésus à sa table. À l’étonnement de tous les convives, Jésus lui accorde le pardon de ses péchés. « Qui est donc cet homme qui va jusqu’à pardonner les péchés? » se questionnent-ils entre eux (Luc 7,36-49).
  • Jaïre, chef de la synagogue, se jette à ses pieds, le suppliant de rendre chez lui, afin de guérir sa fille mourante (Luc 8,40-42).
  • L’hémorroïsse, dont la foi en Jésus est si grande qu’elle sait que le seul fait de toucher la frange de son vêtement suffira à la guérir; ce qui advient effectivement (Luc 8,43-44).
  • À la rencontre de Jésus descendant de la montagne en compagnie de ses disciples, un homme le supplie de guérir son fils possédé d’un esprit impur. Jésus opère la guérison devant une foule ébahie, reconnaissant en lui la grandeur de Dieu (Luc 9,37-43).
  • Finalement, ses disciples eux-mêmes le reconnaitront comme l’envoyé de Dieu. La confession de Pierre en fait foi : quand Jésus les interroge sur ce qu’eux pensent de son identité, Pierre confesse effectivement : « Tu es le Christ de Dieu » (Luc 9,20).

Tous ces propos et comportements de Jésus contribuent à façonner l’opinion du peuple à son égard. On se questionne au sujet de son identité, et ce, à tous les échelons de la société. S’ajoutent aux témoignages précédents les paroles provocatrices ou sarcastiques des personnages présents au pied de la croix ; paroles qui contribuent manifestement à proclamer sa souveraineté, son statut de Messie, Christ, Roi. Ainsi en est-il des propos dérisoires des chefs : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie » ; et ceux des soldats : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi, toi-même ». Les injures d’un des malfaiteurs crucifiés à ses côtés rejoignent celles des chefs et des soldats : « N’es-tu pas le Christ? Sauve-toi, toi-même, et nous aussi! » Ce à quoi l’autre malfaiteur, toutefois repentant, réplique en confessant sa culpabilité versus l’innocence de Jésus. Sa prière adressée à Jésus confesse également sa foi en sa royauté : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». L’inscription placée au haut de la croix – « Celui-ci est le roi de Juifs » – bien qu’ironique, témoigne encore de la réputation de Jésus au sein de la population.

La résurrection de Jésus : approbation de Dieu

En dépit de tous les signes qui ont marqué le passage de Jésus en ce monde, sa mise à mort par l’occupant romain plonge ses disciples dans un profond désarroi. Et pourtant, l’impensable se produit : au matin du troisième jour. Jésus se manifeste vivant à plusieurs témoins : aux femmes, aux disciples d’Emmaüs, à Pierre et aux Onze.

Comment alors interprétera-t-on ce phénomène inédit de la résurrection? Comme un acte de Dieu qui exprime son approbation intégrale en faveur de l’ensemble de la mission de Jésus. Dieu confirme que Jésus n’a erré en rien. Tous ses gestes et toutes ses paroles étaient teintés de la perfection. La résurrection de Jésus suscite alors le déclenchement d’une révision globale de son passage terrestre de la part des disciples. Ils n’ont pas le choix : ils se doivent de reprendre à leur compte la prédication de Jésus et de la répandre à travers l’empire.

Conclusion

Les événements entourant la mise en croix de Jésus ont ouvert la voie à une profonde réflexion de la part du peuple. Tout d’abord, il est à noter que ceux dont on relate les propos, à l’exception des deux malfaiteurs, sont des personnes en autorité, alors que le peuple en général demeure silencieux. Ce respect silencieux laisse implicitement entendre qu’il y avait là un terrain où il sera possible de répandre la Bonne Nouvelle ; que l’ignominie de la croix ne signifiait pas l’abandon de Dieu. Au contraire, en le ressuscitant Dieu marque de son sceau approbatif l’œuvre de son Fils, Jésus, et dit au monde entier qu’il est le Christ, le Roi, le modèle à suivre.  

Odette Mainville est auteure et professeure honoraire de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal.

[1] Rappelons que la langue originale du peuple juif est l’hébreu, mais qu’au temps de la venue de Jésus, la langue de communication à travers l’Empire romain est le grec.

Source : Le Feuillet biblique, no 2909. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans une autorisation écrite du site interBible.org.

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