
La résurrection des morts. Vitrail provenant de la Sainte-Chapelle de Paris, vers 1200.
Diamètre : 58 cm. Paris, Musée de Cluny - Musée national du Moyen-Âge (Selbymay / Wikipédia).
Faire mémoire des fidèles défunts
Lorraine Caza | Commémoration des fidèles défunts (C) – 2 novembre 2025
Jésus, chemin vers le Père : Jean 14, 1-6
Les lectures : Job 19, 1.23-27a ; Psaume 26 (27) ; 1 Thessaloniciens 4, 13-18
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
C’est depuis le 8e siècle de notre ère que se célèbre la Solennité de la Toussaint en Église, à partir d’une initiative d’un milieu celtique. Et c’est au début du 11e siècle que la commémoration de tous les fidèles défunts a fait son apparition, en date du lendemain de cette fête, comme une sorte de complément aux festivités du 1er novembre.
Évoquer la mort, évoquer nos morts, nous ne le savons que trop, ravive en nous cette conscience de la finitude de notre passage terrestre, cette expérience de pertes de présences significatives, de ruptures de relations avec, si souvent, l’envahissement des sentiments de tristesse, de regret, de peur, d’angoisse. L’Église a-t-elle quelque chose d’original à nous partager face à ces réalités?
Dans sa liturgie, elle nous propose plusieurs choix de lectures pour l’Eucharistie de ce jour qui, en cette année 2025, tombe un dimanche, jour de la Résurrection du Seigneur. C’est une extraordinaire école d’espérance qu’ouvrent pour nous les trois lectures retenues pour cette célébration : un court passage du discours d’adieux de Jésus chez Jean ; une confession extrême de Job et un extrait de la Première lettre de Paul aux Thessaloniciens.
La mort, un passage vers la vie en plénitude
En lisant l’extrait du discours d’adieu de Jésus, peut-on imaginer meilleure façon de nous permettre d’approfondir le mystère de la mort : mort de tous les humains de tous les temps comme celle de chacun, chacune de nous. Les annonciations de la trahison de Judas, du reniement de Pierre, du départ de Jésus ont profondément troublé les apôtres. Quels conseils Jésus a-t-il à leur donner ? Que votre cœur ne se trouble pas, qui ouvre notre passage, est repris quelques versets plus loin : Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie (Jn 14,27). Suivent immédiatement l’appel de Jésus à croire en lui comme les disciples croient dans le Père, puis la révélation par Jésus qu’il existe bien des demeures différentes dans la maison du Père et que lui, Jésus, va leur y préparer une place. En période de désolation, la priorité doit donc être de croire en Jésus comme ils croient en Dieu. Puis, d’être convaincus que, dans les nombreuses demeures du Père, Jésus en prépare une pour chacun d’eux. Une fois, cette place préparée, il viendra les prendre avec lui et ils auront lors l’assurance d’être toujours avec lui.
La mort n’est donc pas à voir comme un terme, mais bien comme l’ouverture à une vie avec Dieu qui n’aura pas de fin. Quelle merveilleuse source de confiance, quelle merveilleuse nourriture pour l’espérance. À Thomas qui dit ne pas savoir où Jésus s’en va et, par conséquent, ne pas connaître le chemin qui est le sien, la déclaration du maître est émouvante : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Pour se rendre au Père il faut donc à tout prix passer par Jésus.
L’espérance de ressusciter avec le Christ
En seconde lecture, c’est un passage magnifique de la première lettre que nous ayons de Paul, adressée aux Thessaloniciens, sur le sort des défunts. Paul, à ce moment de sa vie, croit qu’il sera encore vivant à l’heure du retour du Seigneur, d’où la distinction qu’il fait entre ceux qui seront alors morts et les autres qui, comme lui, seront encore vivants. L’essentiel de son message, c’est de rappeler aux Thessaloniciens qu’ils ont mis leur foi dans le Christ mort et ressuscité et qu’eux aussi ressusciteront. Ils seront pour toujours avec le Seigneur. Il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, leur dit-il, mais bien, que vous vous réconfortiez les uns les autres.
La confession d’espérance de Job
C’est avec un texte de l’Ancien Testament que s’ouvre la liturgie de notre commémoration des défunts, la confession de foi de Job aux prises avec l’abandon de tous les siens et même avec le sentiment de l’abandon par Dieu, c’est bien ce chapitre 19 du livre de Job. La liturgie de ce jour ne nous a gardé que la bouleversante confession d’espérance de Job (v. 23-27), mais n’oublions pas les lignes qui précèdent :
Ne cesserez-vous pas de me tourmenter, de m’écraser par vos discours ?Sachez que c’est Dieu qui m’opprime et qui m’enveloppe de son filet. Si je crie à la violence, pas de réponse ; si j’en appelle, pas de jugement. Il a dressé sur ma route un mur infranchissable, mis des ténèbres sur mes sentiers. Il m’a dépouillé de ma gloire ; il a ôté la couronne de ma tête.Il me sape de toutes parts et je disparais ; il déracine comme un arbuste mon espérance (19,2-10). Dieu l’a-t-il oublié ?
Mes frères me tiennent à l’écart, mes relations s’appliquent à m’éviter. Mes proches et mes familiers ont disparu, les hôtes de ma maison m’ont oublié. Pour mes servantes, je suis un étranger, un inconnu à leurs yeux. Si j’appelle mon serviteur, il ne répond pas, et je dois moi-même le supplier. Mon haleine répugne à ma femme, mes propres frères me trouvent fétide. Même les gamins me témoignent du mépris; si je me lève, ils daubent sur moi. Tous mes intimes m’ont en horreur, mes préférés se sont retournés contre moi. Sous ma peau, ma chair tombe en pourriture et mes os se dénudent comme des dents… (19,13-20). Tous les humains l’ont-ils oublié ?
Comment son espérance peut-elle être pourtant si déchirante ? Oh ! je voudrais qu’on écrive mes paroles, qu’elles soient gravées en une inscription, avec le ciseau de fer et le stylet, sculptées dans le roc pour toujours! Je sais, moi, que mon Défenseur (mon goël) est vivant, que lui, le dernier, se lèvera sur la terre. Après mon éveil, il me dressera près de lui, et, de ma chair, je verrai Dieu. Celui que je verrai sera pour moi. Celui que mes yeux regarderont ne sera pas un étranger (19, 23-27).
En ce dimanche, 2 novembre 2025, avec le psalmiste, nous intercéderons pour tous les défunts afin que le Seigneur, rempart de nos vies, accorde le repos éternel à tous et à toutes et fasse briller sur eux et sur elles la lumière sans fin.
Nous laisserons aussi les paroles de Jésus nous habiter : « Que votre cœur ne se trouble pas et ne s’effraie pas »; […] « Je vais vous préparer une place et je reviendrai vous prendre et vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi. »; […] « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».
Nous entendrons Paul reprendre pour nous ses paroles aux Thessaloniciens : « Jésus est mort et il est ressuscité ; de même, Dieu, par Jésus, nous emmènera avec lui » ; […] « Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur ».
Nous ferons nôtres les paroles de Job : « Je sais que mon Rédempteur est vivant, que, le dernier, il se lèvera sur la poussière. Je verrai Dieu en personne ».
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).
Source : Le Feuillet biblique, no 2906. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation écrite du site interBible.org.
