
L’une des premières représentations du Christ avec une barbe.
Fresque du 4e siècle. Catacombes de Comodilla à Rome. (Wikipédia).
Des exigences insurmontables ?
Benoît Lambert | 7e dimanche du Temps ordinaire (C) – 23 février 2025
L’amour pour les ennemis : Luc 6,27-38
Les lectures : 1 Samuel 26, 2.7-9.12-13.22-23 ; Psaume 102 (103) ; 1 Corinthiens 15, 45-49
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
La Bonne Nouvelle retenue pour la célébration dominicale est précédée des Béatitudes, dans l’ordre de l’Évangile de Luc. Ces deux extraits forment la charte du Nouveau Testament. Elles énoncent les fondements d’un nouveau régime spirituel. Au lieu de respecter des préceptes qui sont soit refusés soit acceptés comme dans l’Ancienne Alliance, Jésus propose plutôt une dynamique qui n’est pas binaire. Les gens sont invités à se comparer au Père céleste et à déterminer dans quelle mesure ils ont atteint les comportements voulus par le Christ.
Des prémices
Au Sinaï, Moïse a reçu de YHWH la Loi composée de multiples prescriptions. En obéissant à ces règles, le peuple élu s’assurait la protection et l’amitié du Dieu unique. Malheureusement, la nation sainte n’a pas toujours respecté les demandes divines. Cet irrespect a entraîné des conséquences fâcheuses comme l’exil. Cependant, des actes et des prophéties annoncent le type de piété proclamé par le Seigneur où l’amour, et non les règles, prédomine. Lévitique 19,18 remplace la vengeance par l’amour des ennemis. Dans Exode 23,5 et Proverbes 24,21 il est écrit que la serviabilité s’étend même aux adversaires. Elisée conseille de bien traiter les prisonniers d’un peuple qui les a attaqués : les Araméens (2 Rois 6,21-23). Durant cette liturgie, le roi David est évoqué. Il se rendra dans le camp de son ennemi Saül, le premier monarque d’Israël. Le souverain et ses hommes sont endormis. David laissera près de Saül des objets prouvant qu’il s’est rendu jusqu`à sa personne. Il ne tuera pas le chef d’État, le roi choisi par Dieu, ce qui constituerait un geste incongru pour l’époque. Un prétendant au trône habituellement tuait son prédécesseur pour prendre sa place. Cette miséricorde annonce l’apport du Maître.
Durant son ministère, Jésus a dénoncé la complaisance de certains membres de l’élite religieuse d’Israël. Ceux-ci estimaient qu’ils étaient sauvés parce qu’ils s’étaient conformés avec minutie aux règles de la Loi. Jésus va les fustiger. Dieu seul sauve l’être humain. Le salut ne s’acquiert pas. Les personnes doivent plutôt recevoir le don de Dieu.
La foi
La foi est la porte qui donne accès au salut. Il faut écouter la Parole de Dieu. Il faut accepter que Jésus Christ est l’homme-Dieu qui fonde le régime spirituel basé sur l’Esprit. Comme Paul en témoigne dans l’Épître, Jésus est l’unique personne qui unit en lui la condition terrestre pécheresse et la condition divine. En mourant sur la croix, il a obéi à son Père. Son âme exempte du péché a dépassé l’instinct de conservation qui constitue une des motivations premières bien ancrée dans la conscience humaine. Il a détruit le péché, cette résistance à l’amour de Dieu qui avait nui à l’atteinte de résultats significatifs dans l’Ancienne Alliance. De plus, Jésus propose un salut universel. Il n’est pas restreint aux fils et filles d’Abraham comme dans l’Ancien Testament.
Plusieurs fils et filles du Père ont posé la question du sort des gens qui ne connaissent pas le Christ. Ils ne pourraient pas être sauvés puisqu’ils n’ont pas reconnu le Fils comme Sauveur et Seigneur. L’Église catholique a promulgué une doctrine qui permet au salut chrétien d’englober ceux et celles qui n’ont pas été baptisés. Des personnes peuvent sans le savoir être sauvées. Quand elles mènent une vie où prime l’amour du prochain, la doctrine catholique affirme que ces personnes sont sauvées par le Christ comme les baptisées. Elles n’ont certes pas reçu le sacrement donné par un prêtre, mais l’Esprit est présent dans leur cœur. L’Église appelle ce fait le baptême de désir. Ainsi la volonté du Père d’aimer le plus de gens possibles est honorée.
La charité
Aujourd’hui, plusieurs confessions protestantes considèrent que la foi seule est nécessaire pour être sauvé. D’autres croyants et croyantes, devant l’idéal proposé par le Seigneur qui semble inaccessible, vont confondre la charité avec le patriotisme ou l’amitié. Certaines personnes vont même abandonner la recherche des biens célestes devant la radicalité des requêtes de Jésus. Ils vont s’orienter vers la poursuite des biens terrestres, ce qui peut interférer avec le salut. L’épisode du jeune homme riche illustre cette réalité (Luc 18,18-25). Aimer ses ennemis, ne pas juger, donner tous ses biens matériels aux pauvres sont des actes radicaux nécessaires pour être sauvés. Tout le monde recherche ses propres intérêts ou la réciprocité dans les échanges. L’appartenance chrétienne se caractérise par le désintéressement de soi, la recherche de l’intérêt de l’autre plutôt que le sien. Il faut remarquer que ce ne sont pas des règles précises comme la Loi mosaïque. Idéales, elles indiquent la direction pour accéder au Royaume.
Cette direction du don de soi, de la sortie de ses propres intérêts, semble peu naturelle. La conscience humaine accepte difficilement de suivre le chemin que le Christ a pris. En effet, le Sauveur est l’exemple parfait de la charité. Il a donné ce que l’être humain a de plus précieux, sa vie, pour rétablir le pacte entre l’humanité et la divinité. En ressuscitant et en retournant près de son Père, il peut désormais donner aux hommes et aux femmes de bonne volonté l’Esprit d’amour qui unit la Trinité. Jésus-Christ permet ainsi de retrouver l’essentiel de la Loi : aimer Dieu et aimer son prochain. Avec un esprit transformé par le Paraclet, les chrétiens et les chrétiennes construisent déjà le Royaume sur la terre. Et la mesure de la distance qu’ils auront parcouru vers le paradis sur la terre sera la mesure avec laquelle les gens seront évalués dans l’au-delà.
L’espérance
La gratuite du don du Seigneur ne signifie pas que suivre le Ressuscité est dépourvu de récompenses. Le Messie a promis à ses amis de leur préparer une place dans son Royaume. Ils seront près de Dieu et ils recevront la grâce divine. Contrairement aux gratifications humaines (argent, pouvoir, réputation) qui peuvent disparaître, la grâce restera dans la conscience des gens qui seront sauvés. Voilà la Bonne Nouvelle! Dieu nous donne les moyens d’être parfait comme il est parfait en suivant la voie de la charité.
Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.
Source : Le Feuillet biblique, no 2879. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation écrite du site interBible.org.
