Saint Bernard de Clairvaux. Vitrail du musée de Cluny, vers 1450 (Wikipédia).

Le don de l’Emmanuel, Dieu-avec-nous

Lorraine CazaLorraine Caza | 4e dimanche de l’avent (A) – 21 décembre 2025

Marie rend visite à Élisabeth : Luc 1, 39-45
Les lectures : Michée 5, 1-4a ; Psaume 79 (80) ; Hébreux 10, 5-10
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le grand saint Bernard évoque une triple venue du Seigneur. La première fois, il est venu sur la terre et a vécu avec les hommes. Lors de sa dernière venue, toute chair verra le salut de notre Dieu ; et les sauvés regarderont vers Celui qu’ils ont transpercé. Bernard parle encore d’une venue intermédiaire ; il la décrit comme cachée : « les élus seuls la voient au fond d’eux-mêmes et leur âme est sauvée ». Christ est venu d’abord dans la chair et dans la faiblesse ; dans l’entre-deux, il vient en esprit et en puissance ; enfin, il viendra dans la gloire et dans la majesté.

En Occident, le temps de l’Avent s’est ajouté aux solennités de la nativité et de la manifestation du Messie. Le terme Avent renvoie à l’avènement d’un souverain et à sa joyeuse entrée dans la ville. La liturgie chrétienne célèbre surtout la dernière venue dans la première partie de l’Avent (1er-16 décembre) tandis que les 8 derniers jours de ce temps liturgique sont concentrés sur la préparation à Noël, sur l’attention à la première venue. Le texte évangélique retenu pour chacune des trois célébrations du 4e dimanche de l’Avent évoque une annonciation de la nativité de Jésus. Alors que les années B et C du cycle liturgique se réfèrent à l’annonciation de Gabriel à Marie et à la Visitation de Marie à Élisabeth, – deux récits tirés de l’évangile de Luc –, l’année A, que nous débutons cette année avec l’Avent, nous oriente quant à elle vers le texte de Matthieu.

Les évangélistes Matthieu et Luc qui nous présentent la nativité de Jésus s’adressent à des auditoires différents, et expriment des perspectives distinctes sur l’événement. L’annonce à Joseph, en Matthieu, est introduite par la déclaration : Et voici comment Jésus Christ fut engendré. Précédant cette annonciation, l’évangéliste commence l’ensemble de son récit par une généalogie réunissant trois fois 14 générations : Quatorze, d’Abraham à David ; quatorze, de David à la déportation de Babylone; quatorze, de la déportation de Babylone au Christ (Mt 1,17). Jésus est donc situé très clairement dans l’histoire du peuple saint, comme représentant la première génération d’un septième septénaire.

L’annonce à Joseph

Reprenons, en cette année A, l’ensemble de cette annonce à Joseph qui est moins connue que l’annonce de Gabriel à Marie. Le nom de Marie ouvre le texte, mais c’est pour la présenter aussitôt, comme fiancée à Joseph, alors qu’ils n’habitent pas encore ensemble. D’entrée de jeu, le caractère unique de la conception de Marie est affirmé : Elle se trouva enceinte, par le fait de l’Esprit-Saint. Puis une seconde référence est faite à la conception virginale : L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. Là ne semble pourtant pas l’essentiel du message. Le récit affirme d’abord que Joseph est un homme droit qui ne veut pas dénoncer Marie publiquement, mais bien la répudier en secret. Il nous est alors révélé que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, – un lointain descendant de la famille de David –, nous préparant ainsi à reconnaître l’insertion de Jésus dans la famille de David, ce porteur de la grande promesse de 2 Samuel 7,13-17.

Dans une situation si complexe, Joseph ne doit pas craindre de prendre chez lui Marie, car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. L’ange le charge aussi de donner un nom à l’enfant, un nom qui assure que l’enfant sauvera son peuple de ses péchés. Le récit affirme que l’enfant accomplira l’oracle prophétique d’Isaïe 7,14. Un second nom lui est donc attribué : Emmanuel, Dieu-avec-nous. L’annonce de Gabriel à Marie s’achève avec l’affirmation que Marie est la servante du Seigneur et veut être toute fidèle à Dieu. L’annonce de l’ange du Seigneur à Joseph trouve son sommet dans l’acceptation par Joseph de prendre Marie chez lui et de lui donner son nom.

De la lignée de David

Dans un livre publié en 2024, intitulé Joseph de Nazareth, Joseph-Marie Verlinde offre le commentaire suivant : « Joseph, il est vrai, n’a pas répondu à l’annonce de l’ange, comme Marie, mais il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit et prit chez lui son épouse. Ce qu’il fit est pure obéissance de la foi. » Verlinde ajoute : « L’intervention de l’ange auprès de Joseph explicite comment l’Enfant conçu par l’opération du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge, doit être introduit par Joseph dans la lignée de David. La prophétie de l’Emmanuel prononcée par Isaïe précisait en effet que l’enfant de la promesse naîtrait dans la généalogie du roi David (Is 7,13-14). Il est donc essentiel que ce soit un de ses descendants – Joseph – qui assume la paternité de cet enfant… Joseph est celui que Dieu a choisi pour être « l’ordonnateur de la naissance du Seigneur, celui qui a la charge de pourvoir à l’entrée « dans l’ordre » du Fils de Dieu dans le monde, en respectant les dispositions divines et les lois humaines ».

De Verlinde, je retiens aussi ces réflexions : « Ce n’est ni dans le temple, ni même sur la montagne sainte que commence la nouvelle alliance, mais dans la masure de la Vierge, dans la maison de l’ouvrier, en un lieu oublié de la « Galilée des païens », dont personne n’attendait quelque chose de bon. C’est toujours en revenant à ce point de départ que l’Église doit se régénérer ».

En seconde lecture de la liturgie de ce dimanche (Rm 1,1-7) on trouve les premiers versets de la grande Lettre aux Romains de Paul. Comme Marie et Joseph, Paul se présente comme serviteur de Jésus-Christ. Comme eux, il a un rôle tout spécial à jouer dans l’annonce de la Bonne Nouvelle que Dieu avait déjà promise par ses prophètes dans les Écritures. Paul aussi situe Jésus par rapport à David : Il est né de la race de David (v. 3). Comme Marie et Joseph, les membres de la communauté des croyants de Rome sont présentés comme parfaitement obéissants dans la foi. Enfin, Paul parle de la communauté à laquelle il s’adresse, comme peuple saint, par appel de Dieu. Pour Paul qui a vu le Christ ressuscité, Jésus est le Fils de Dieu fait homme, né de la race de David selon la chair.

Il n’y a aucune surprise de constater que la première lecture de notre liturgie reprend la fameuse prophétie d’Isaïe 7,14 au roi Achaz. Le Seigneur vous donnera un signe. Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l’appellera Emmanuel.

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2913. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation écrite du site interBible.org.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.