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             L'homme 
              aux sept masques 
             
              Mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant 
              contre sa mère (Psaume 130, 2). 
               
                   Il était une fois un homme 
              qui portait sept masques différents, un pour chaque jour 
              de la semaine. Quand il se levait le matin, il se couvrait immédiatement 
              le visage avec un de ses masques. Ensuite, il s'habillait et sortait 
              pour aller travailler. Il vivait ainsi sans jamais laisser voir 
              son vrai visage. 
                 Or, une nuit, pendant son sommeil, 
              un voleur lui déroba ses sept masques. À son réveil, 
              dès qu'il se rendit compte du vol, il se mit à crier 
              à tue-tête : « Au voleur! Au voleur! » 
              Puis il se mit à parcourir toutes les rues de la ville à 
              la recherche de ses masques. 
             
                 Les gens le voyaient gesticuler, 
              jurer et menacer la terre entière des plus grands malheurs 
              s'il n'arrivait pas à retrouver ses masques. Il passa la 
              journée entière à chercher le voleur, mais 
              en vain. 
                  Désespéré et 
              inconsolable, il s'effondra, pleurant comme un enfant. Les gens 
              essayaient de le réconforter, mais rien ne pouvait le consoler. 
                 Une femme qui passait par là 
              s'arrêta et lui demanda : 
             
                  - Qu'avez-vous, l'ami? Pourquoi 
              pleurez-vous ainsi? 
             
                  Il leva la tête et répondit 
              d'une voix étouffée : 
             
                 - On m'a volé mes masques 
              et, le visage ainsi découvert, je me sens trop vulnérable. 
             
                 - Consolez-vous, lui dit-elle, regardez-moi, 
              j'ai toujours montré mon visage depuis que je suis née. 
             
                 Il la regarda longuement et il vit 
              qu'elle était très belle. La femme se pencha, lui 
              sourit et essuya ses larmes. Pour la première fois de sa 
              vie, l'homme ressentit, sur son visage, la douceur d'une caresse 
              (Jean Monbourquette, Apprivoiser son ombre, Éditions 
              Novalis, 1997, p. 38-39). 
            LIEN: Les scribes et les pharisiens auxquels Jésus fait 
              des reproches avaient adopté des attitudes et des comportements 
              qui masquaient leur véritable identité. Quand on part 
              vers Dieu, « il faut s'emporter tout entier... ». Beaucoup 
              ne partent qu'en apparence. Ils n'emportent avec eux qu'un fantôme 
              d'eux-mêmes, une maquette abstraite. Ils se mettent eux-mêmes 
              en sécurité avant de se mettre en route... Ils se 
              font une personnalité artificielle, d'emprunt, construite 
              d'après les livres et c'est cette personnalité artificielle, 
              ce robot, cette ombre d'eux-mêmes qu'ils envoient à 
              la recherche de Dieu. Ils n'entrent jamais vraiment de tout leur 
              être dans l'expérience. C'est déjà une 
              sorte de saint qui s'embarque pour l'expédition, un personnage 
              modelé d'après les traités de perfection. Ils 
              envoient un double d'eux-mêmes tenter l'aventure et s'étonnent 
              ensuite de ne retirer de tout cela que déception. 
                En partant, il faut mettre sur son âne 
              tout ce qu'on possède et partir avec tout ce qu'on est : 
              sa carcasse, son esprit, son âme. Il faut tout prendre : les 
              grandeurs et les faiblesses, le passé de péché, 
              les grandes espérances, les tendances les plus basses et 
              les plus violentes... tout, tout, car tout doit être passé 
              par le feu. Tout doit être finalement intégré 
              pour faire un être humain capable d'entrer corps et âme 
              dans la connaissance de Dieu (Yves Raguin, Chemin de contemplation, 
              p. 29). 
            * * * * * 
            Les clowns 
             
                Pendant mes cinq mois passés à 
              Rome, ce ne sont ni les cardinaux empourprés ni les Brigades 
              rouges qui ont eu sur moi le plus d'impact, mais les entractes, 
              les petites choses qui se passaient entre les grandes scènes. 
              [...] J'ai rencontré plusieurs saints et plusieurs saintes 
              qui donnaient leur vie pour les autres avec une générosité 
              désarmante. Et j'en suis venu peu à peu à comprendre 
              que dans ce grand cirque de Rome, rempli de dompteurs de fauves 
              et de trapézistes dont les prouesses attirent l'attention, 
              ce sont les clowns qui racontent la véritable histoire. 
                Les clowns ne sont pas au centre des événements. 
              Ils apparaissent entre les grands numéros, font assaut de 
              maladresse, exécutent leurs cascades et nous font rire après 
              la tension générée par les héros que 
              nous sommes venus admirer. Les clowns ne réussissent pas 
              ce qu'ils entreprennent, ils sont empotés, hors d'équilibre 
              et malhabiles mais... ils sont de notre côté. Ils suscitent 
              chez nous non pas l'admiration mais la sympathie, non pas l'étonnement 
              mais la compréhension, non pas la tension mais le sourire. 
              Nous disons des virtuose s: « Mais comment peuvent-ils y arriver? 
              » Nous disons des clowns : « Ils sont comme nous ». 
              Les clowns nous rappellent, au prix d'une larme et d'un sourire, 
              que nous partageons les mêmes faiblesses humaines » 
              (Henri Nouwen, Faire le clown à Rome, Éditions 
              Bellarmin, 2001, p. 15-16). 
            LIEN : Les scribes et les pharisiens auxquels Jésus s'adresse 
              veulent être admirés par les autres. Ils désirent 
              montrer qu'ils sont de grands virtuoses de la religion. Jésus 
              est contre cette attitude égocentrique. Il ne veut pas que 
              ses disciples adoptent ce comportement en s'élevant au-dessus 
              de la mêlée pour être reconnu comme les meilleurs. 
              Il les invite plutôt à se faire serviteur pour communier 
              profondément à la vie des autres êtres humains. 
             
               
            Chronique 
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              Madame, Monsieur 
              
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