
La mise au tombeau de Jésus. Icône écrite par Martine Roy OSB, 2022-2023.
Abbaye Sainte-Marie des Deux-Montagnes, Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
(image : courtoisie de l’iconographe).
Passage mort-résurrection en récitatif biblique et dans la vie quotidienne
Jeanine Deshaies Roy | 8 avril 2024
Je viens de vivre la session « Passion 2024 », animée par Mme Hélène Dufresne Loyer, session dans laquelle les participant.e.s avons été invités.es à regarder, à la manière des saintes femmes, « comment on avait mis son corps » dans le tombeau. Dans l’évangile de Luc (23,54-56), regardons de plus près dans ce tombeau sans lumière, le corps de Jésus, ce corps dénudé, déchiré, blessé, torturé, cloué que Joseph d’Arimathie a descendu de la croix, enveloppé d’un linceul et transporté jusqu’au tombeau.
En quelque part, un chant montait en moi :
Si le grain de blé tombé en terre
refusait de mourir,
La moisson de l’espoir des hommes
ne pourrait jamais fleurir.
Jésus, en acceptant de mourir et de donner sa vie, annonce à l’avance que ce passage de la mort à la vie par sa Rédemption vient libérer tout homme et toute femme des liens de la mort. Un peu comme la chenille qui devient papillon après la mort, on serait dans un état de dormance jusqu’à la résurrection. Mais entre la mort et la résurrection du Christ, dans le temps et l’espace, que se passe-t-il?
Dans la vie quotidienne
Regardons de plus près ce passage mort-résurrection en nous-mêmes. Dans la vie de tous les jours, avons-nous des exemples de mort-résurrection?
Le texte nous en livre quelques-uns dont nous prendrons le premier exemple : « C’était jour de préparation et le sabbat commençait à luire ». Le geste nous indique qu’il y a mort en ce dernier jour de la semaine – le vendredi – et qu’il y a début d’un nouveau jour ; le sabbat. Ce cycle jour/nuit est tellement essentiel à la vie de tout être humain, que la moindre perturbation dans ce cycle circadien fait apparaître toutes sortes de maladies. Autrement dit, hier n’est plus, demain n’est pas encore arrivé et ce jour d’hui (en latin hodie) est mon présent auquel je dois m’ajuster.
Sur le plan de l’intériorité, à quoi ou à qui dois-je me référer pour comprendre que ma vie est parsemée de petites morts-résurrections dont je dois sans cesse être à l’écoute pour ne conserver que l’essentiel. Prenons l’exemple du prophète Isaïe (50,4) lorsqu’il dit :
« Le Seigneur Dieu m’a donné la langue des appreneurs,
pour que je sache soutenir l’épuisé par une parole.
Le matin LE matin, il M’éveille IL m’éveille l’oreille
pour que j’écoute comme les appreneurs [1]. »
Qu’est-ce qu’un « appreneur »?
C’est la personne qui se met à l’écoute de la Parole de Dieu inscrite en elle. Aussi simple que cela paraît, Dieu a bien voulu que chaque être humain ait en lui-même une source d’eau vive où puiser sa Parole. Cette Présence-Parole inscrite au fond de chacun.e m’amène à m’y référer pour puiser. Mais je dois le faire dans la foi au Christ ressuscité. C’est en puisant dans cette eau vive intérieure qu’Isaïe comprend qu’il peut soutenir l’épuisé par une Parole qui n’est pas la sienne, mais celle de Dieu. Jésus nous apprend à attendre que cette Parole vienne de son Père ; que cette Parole s’entende au-dedans de nous à partir de cette eau Vive qu’est la Parole biblique et toujours associée à une circonstance, un événement, une perte. Alors seulement à ce moment, je peux savoir que la parole que je proclame, que je donne pour encourager est en accord avec la mission qui me convient : celle de soutenir la personne là où elle se situe, dans son épuisement, sa fatigue, son désaccord avec elle-même et avec son Dieu.
Puiser l’eau de son puits
Pour puiser l’eau de mon puits et vivre une résurrection, il est important d’être à l’écoute de soi et de ce que les textes nous disent pour aujourd’hui, dans la situation qui se présente. Alors pour qu’il y ait résurrection dans cette Parole de Dieu à travers le texte d’Isaïe (50,4) dans mon aujourd’hui, je dois mourir à la parole de consolation que mon « je » serait tenté de dire dans l’immédiat. Puis attendre le temps que le Seigneur veut bien choisir pour me donner la bonne Parole afin qu’elle soit ajustée à ce que vit la personne épuisée. Dit autrement, si je suis à côté de moi-même, à côté de la mission que Dieu a choisie pour cette personne, la p/arole que je lui donnerai sera vaine et n’aidera pas. Mais si cette Parole vient à partir de ce puits profond que je peux maintenant appeler le puits de la vie intérieure, mon Dieu et Père qui connaît tout de sa vie lui parlera à travers les paroles qu’il voudra bien m’inspirer. C’est pour cela que l’accompagnement se fait en lien avec les Paroles bibliques qui se chantent et se disent en nous spontanément.
Alors ce tombeau qu’est mon corps, lorsqu’il est sans la présence de Dieu en moi est toujours appelé à la résurrection du Christ. Et pour passer de la mort à la résurrection, le Père m’invite toujours à mourir à moi-même, à mon égo personnel. Ainsi, la Parole que Dieu veut bien prononcer face à telle situation peut jaillir à la manière d’une eau vive qui régénère et ressuscite à la Vie de Dieu en chacun de nous. Et de cette manière je comprends saint Paul écrivant aux Galates : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20)
Donc, en récitatif, l’appreneur est ce « disciple écoutant » la Parole de Dieu énoncée discrètement et même timidement dans l’histoire de l’autre. C’est celui ou celle qui sait la faire refléter dans l’eau de son puits afin de créer un mouvement de mort-résurrection en soi. C’est finalement celui ou celle capable de créer un espace où l’Autre puisse se dire dans cette rencontre unique parce que transformante et remplie de Vie intérieure.
Jeanine Deshaies Roy (M.A) est spécialisée en counseling individuel. Elle est intervenante psychospirituelle et accompagnatrice à l’ACRB.
[1] Traduction de Louise Bisson, 1997.
