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Accueillir un testament
Hélène Pinard | 11 novembre 2024
Lire Jean 14, 15-24 : Si vous m’aimez…
Lors de la transmission d’un récitatif biblique, nous accueillons le vécu des participantes. C’est toute la richesse de l’être que nous recevons un peu comme un testament, dans le plus grand respect les unes, les uns des autres. Les disciples autour de Jésus après la dernière Cène ont dû recevoir dans ce même respect, même s’ils n’ont pas tout compris, les dernières paroles de Jésus.
Entrer dans le mystère de l’autre
Ce grand discours après la dernière Cène nous fait entrer dans le testament de vie de Jésus, ce qu’il considère le plus important : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements. » (Jn 14,15)
Dès ces premiers mots, l’appel retentit : aimer Jésus implique un agir en cohérence avec ses commandements. Mais quels sont-ils? Saint Jean utilise tantôt le pluriel, mais aussi le singulier à plusieurs reprises : voici mon commandement (voir Jn 13,34 ; 15,12 ; etc.)Jean, qui réserve le mot nomos au sens de la loi juive, retient dans entolè le sens positif de la Loi. Dans le commandement s’exprime et se révèle l’amour du Père; par lui, le croyant entre en communion avec le Père. Comme l’avait déjà dit la tradition commune, l’unique commandement de Jésus est l’Amour ; cet amour trouve sa source dans l’amour mutuel du Père et du Fils, et son modèle dans le comportement de Jésus de Nazareth [1].
En session, un temps de silence a permis aux participantes de lire et laisser travailler en elles la vingtaine de citations comportant le mot entolè dans l’évangile et les lettres de Jean. Un partage en plénière a permis d’accueillir la citation retenue par chacune.
Croire en la promesse de Jésus
Les versets 16 et 17 relatent la promesse de Jésus : Et moi, je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour être avec vous pour toujours, le Souffle de vérité… vous le connaissez, vous, car auprès de vous il demeure, et il sera en vous.
Le plus beau don que Jésus pouvait laisser à ses amis comme un legs, c’est bien son Esprit, envoyé par le Père. Jésus lui donne ici deux noms : le Paraclet et le Souffle de vérité. Jésus parle d’un autre Paraclet. Qui est donc l’autre? Jean le dit lui-même : Mes petits-enfants, je vous écris cela pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu’un vient à pécher, nous avons un défenseur (parakletos) devant le Père, Jésus Christ, qui est juste. (1 Jn 2,1)
Au sens civil dans les milieux grecs, le Paraclet est le défenseur d’une cause, l’avocat. Pour Jean et les premiers chrétiens, il exerce la fonction de tuteur – il vous rappellera tout ce que je vous ai dit (voir Jn 14,26) – de protecteur et d’enseignant.
… la fonction du Paraclet peut être comparée à celle d’un tuteur. Devant l’opposition du monde, le Paraclet joue le rôle d’un protecteur pour les disciples au moment où Jésus est retourné vers son Père (13,1). Il joue aussi un rôle d’enseignant car il leur fera comprendre le mystère du Christ et surtout celui de sa mort (14,26 ; 16,12-14) [2].
L’Esprit est tout autant le Souffle de vérité. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. (Jn 16,13) Ainsi, ce guide intérieur insuffle la capacité de parler juste [3].
Mais pas le monde
Le monde n’a pas toujours la même signification en saint Jean. Le monde qui ne peut recevoir le Souffle de vérité parce qu’il ne le voit ni ne le connaît, c’est le monde des non-croyants. Jésus envoie ses disciples dans ce monde pour qu’à leur tour, ils annoncent le salut qui consiste à connaître Jésus dans le mystère de sa Passion et accueillir sa Parole (Jn 17,15.18). L’Esprit sera avec eux pour intervenir dans le monde et ouvrir les cœurs pour que le Règne de paix et de justice advienne.
En certaines circonstances, Jean parle d’un monde hostile (Jn 15,18 ; 17,14). Ce sont des personnes qui ont vu les signes, qui ont écouté les enseignements, mais qui ne veulent pas croire en lui. Elles vont finalement mener Jésus à la mort. Les disciples auront à faire face à leur tour à cette haine et seront aussi persécutés.
Vivre en intimité
Jésus promet que le souffle de vérité reste « auprès de vous, il demeure en vous et il sera en vous » (Jn 15,17). À plusieurs reprises dans la péricope, il indique l’amour du Père et son amour. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui et nous ferons chez lui notre demeure. » (Jn 14,23)
Au verset 20, il affirme : « Moi je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous. » Cette insistance en quelques versets sur la présence intime de Dieu au cœur du disciple est révélatrice de l’intention de Jésus : il promet à ses disciples de ne pas les laisser orphelin (v. 18).
En ce moment précis où il marche vers la croix, Jésus tient à ce que les disciples lui donnent toute leur confiance quand les moments plus difficiles s’abattront sur eux. Sur l’heure, ils restent avec des questions (celles de Pierre, de Thomas, de Philippe, de Judas, non pas l’Iscariote). Mais ils retrouveront en eux toute la force de cette promesse par l’écoute attentive et accueillante de l’Esprit de vérité qui rappellera toute chose.
Aujourd’hui
Réciter cette péricope permet aux récitantes de goûter à l’intimité de leurs relations avec le Père et le Fils dans le Souffle de vérité. En le récitant, c’est un peu comme si elles faisaient leur le testament de Jésus. Depuis la session, plusieurs participantes témoignent qu’elles vivent un moment de prière lorsqu’elles récitent Jn 14,15-24. Suivant l’exemple des disciples, elles expérimentent être habitées et soutenues par le Souffle dans les défis que leurs vies comportent.
Hélène Pinard, FCSCJ, est bibliste et transmetteure de l’Association canadienne du récitatif biblique.
[1] Xavier-Léon Dufour, article « Commandement », Dictionnaire du Nouveau Testament, Seuil, 1996.
[2]
Sylvain Campeau, article « Paraclet », Les mots pour le dire, 16 mai 2022.
[3] Anne-Marie Chapleau, « Un diapason intérieur », Célébrer la Parole, dimanche de la Pentecôte (B), 19 mai 2024.
