
L’Annonciation. Relief d’un retable de la paroisse Sacré-Cœur de Jésus à Montréal (photo © Jeanine Deshaies-Roy)
Marie dans les premiers chapitres de l’évangile de Luc
Jeanine Deshaies Roy | 13 octobre 2025
J’aime à voir, entendre et constater dans saint Luc, les différents parallélismes féminins et masculins de son évangile. Le premier est celui de la naissance d’une Parole donnée qui deviendra Parole de grâce, Parole de guérison et Parole d’enfantement. Regardons cette Parole de grâce.
Naissance de la Parole de la grâce
Dès la première section de son évangile, Luc nous fait voir et entendre les origines de la Parole de la grâce, c’est-à-dire sa naissance et son avènement dans l’Esprit-Saint [1]. C’est dans le récit de la visite de l’ange « annonciateur » que Luc nous invite à entendre la différence entre accueillir l’Esprit de la parole de Dieu pour « parler », « annoncer », « prophétiser » ou encore pour « enfanter ». Dans l’histoire du peuple de Dieu, le Seigneur envoie son messager pour annoncer prévenir, guérir et avertir (Hagar [2], Samson [3] et Tobie).
Une Parole de grâce qui annonce et prophétise
Dans chacun de ces récits d’annonciation, Dieu prend l’initiative de la communication. Au-delà des difficultés soulevées au cours de l’échange, l’essentiel du message est reçu avec intelligence suivie d’une action.
Une Parole de grâce qui enfante la Vie de Dieu
Dans toute sa sensibilité humaine, l’attention et la compassion de la vierge Marie se joue également dans sa relation à Dieu. C’est pourquoi la salutation de l’ange Gabriel qu’elle reçoit, trouve écho en elle et correspond profondément à son désir de participer à l’avènement du Sauveur promis et attendu. Alors, la Parole de l’ange Gabriel entre chez Marie et, dans son intériorité, elle comprend que son désir de porter la vie de Dieu en elle est exaucé.
«… et le nom de la vierge était Marie ; et entrant chez elle il dit :
« Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi !» … « Ne crains pas Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Et voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils et tu l’appelleras du nom de Jésus … [4]»
Marie sait que le Sauveur viendra en son temps et comme toute personne de son époque, elle l’espère dans son aujourd’hui. C’est donc dans cette espérance qu’elle accueille l’annonce de l’Ange du Seigneur non sans demander quelques précisions pour assurer sa pleine adhésion au projet de Dieu. Déjà toute tournée vers Dieu, son cœur et son âme sont remplis du « désir de Dieu ». Et l’ange proclame cette Parole vivante :
« … L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira
de son ombre. Et c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de
Dieu … » Luc 1,35 [5]
Ici, il y a un parallèle en même temps qu’une différence avec Luc 1,15-17, où l’ange prophétise le rôle particulier de son fils à naître, Jean [6]. C’est pourquoi la Parole de grâce que Zacharie reçoit le conduira à nommer son fils Jean, car la mission de celui-ci est tout aussi vitale quoique différente de celle de Jésus.
Chez Marie, la Parole de grâce qu’elle reçoit combinée à son grand désir de s’unir à la volonté de Dieu lui permet d’enfanter Jésus, de donner vie au Fils du Père.
Et maintenant, sachant que son désir s’accomplit, Marie peut l’accueillir et magnifier le Seigneur son Dieu (Luc 1,46-55).
Marie magnifie le Seigneur dans chacune de ses rencontres
Comme Luc écrit pour des auditeurs ne connaissant pas ou très peu les Écritures ou la tradition juive, il se sert donc de l’expérience qu’ils ont « de l’Esprit Saint pour remonter jusqu’à sa source en Jésus de Nazareth [7] ».
Dans le parallèle des deux annonces au début de son évangile, Luc nous fait passer du sanctuaire de Jérusalem où officie Zacharie au sanctuaire intérieur de Marie de Nazareth qui portera en elle son Fils.
1. Rencontre de deux sanctuaires
« et il advint, lorsqu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant
bondit dans son ventre, et Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint et elle
éleva la voix avec un grand cri et dit : Bénie es-tu entre les femmes et béni
le fruit de ton ventre et d’où m’est donné que la mère de mon Seigneur
vienne vers moi… » Luc 1,39-43 [8]
Et Marie ayant accueilli la puissance de Dieu, maintenant confirmée par la réaction de sa cousine à titre de Mère du Seigneur devient comme la « dépositaire des promesses de Vie... par sa foi, elle rend présent l’aujourd’hui de la grâce [9] ». En prenant l’initiative de rendre grâces à Dieu en le magnifiant, elle devient modèle des croyants.
2. Rencontres lors de la naissance de Jésus
Ici, c’est la foi de Marie qui l’emporte sur la maternité. Luc, dans cette filiation qu’il fait voir entre Marie et Jésus, permet à toute personne d’entrer dans l’histoire de Jésus par la foi.
3. Rencontre contemporaines
Cette Parole de grâce dans l’évangile de Luc, chacun de nous la recevons. Vous aurez sans doute remarqué qu’il nous arrive parfois de l’entendre à l’intérieur de nous. Cette petite voix qui nous invite à chanter, réciter ou à vibrer au même diapason intérieur que notre vis-à-vis dans le récit d’une histoire de vie qui appelle à naître en Jésus-Christ. Dans l’écoute réelle et attentive, c’est souvent ce qu’on entend dans la profondeur de l’Autre qui vibre en nous.
Conclusion
Chaque fois que je répète la salutation de l’ange Gabriel à Marie et celle de sa cousine Élisabeth, je suis invitée à recevoir les mêmes grâces et à laisser l’Esprit Saint agir en moi selon la mission qui m’est confiée.
Lorsque je reconnais dans mon propre cheminement les moments où je ressens la puissance de l’Esprit-Saint, c’est toute l’histoire de Jésus et la mienne qui s’unissent. Ainsi, Jésus devient, dans l’Esprit-Saint, « le visage et le porteur de la grâce [10] vécue aujourd’hui par le croyant ».
Jeanine Deshaies Roy (M.A) est spécialisée en counseling individuel. Elle est intervenante psychospirituelle et accompagnatrice à l’ACRB.
[1] Bossuyt et Radermakers, Jésus Parole de la Grâce, selon saint Luc, Éditions Institut d’Études théologiques, 1981, p. 29.
[2] Genèse 16,7-15.
[3] Juges 13,1-20.
[4] Traduction de Louise Bisson, 1987.
[5] Idem.
[6] TOB : Luc 1,17 « et il marchera par devant sous le regard de Dieu, avec l’esprit et la puissance d’Élie, pour ramener le cœur des pères vers leurs enfants ... »
[7] Bossuyt et Radermakers, Jésus Parole de la Grâce, selon saint Luc, Éditions Institut d’Études théologiques, 1981, p. 163.
[8] Traduction Louise Bisson pour le récitatif biblique en Luc 1,39-43.
[9] Bossuyt et Radermakers, Jésus Parole de la Grâce, selon saint Luc, Éditions Institut d’Études théologiques, 1981, p. 165.
[10] Idem.
