Et alors, qui sont nos ennemis? Tout comme pour la question du « prochain » à laquelle Jésus donne une réponse inattendue (cf. Luc 10, 25-37), le Maître arriverait sans doute à nous déstabiliser. Bien sûr, il y a les ennemis évidents : ceux que nous haïssons ou qui nous détestent, ceux qui nous ont fait du mal ou qui nous importunent. Nous pouvons entrevoir un ennemi plus sournois en celui qui est le plus proche et paradoxalement le plus aimé de nous! En effet, qui n’a pas un jour ressenti une forte colère contre son amoureux, son parent jugé autoritaire ou encore son propre enfant aux pleurs incessants? Mais l’ennemi peut se faire encore plus intime, c’est-à-dire enfoui en nous-mêmes. En effet, n’en venons-nous pas à nous détester lorsque nous ne sommes pas à la hauteur de nos propres exigences? Combien d’entre-nous ne se sont-ils jamais décriés, méprisés, discrédités face à leurs échecs, leurs manquements, leurs dépendances? Oui, l’ennemi à aimer est peut-être d’abord à trouver en nous-mêmes. L’amour authentique de soi est bien malmené dans notre monde. C’est pourtant au cœur de cet amour, illuminé par l’amour miséricordieux du Père, que sont balbutiés les premiers mots de l’amour de l’autre et les premiers pas vers l’amour de nos ennemis.