Le dessus du mur contruit au 8e siècle avant notre ère (photo : Oleg Moro / Creative Commons)

Le mur d’Ézéchias

Robert DavidRobert David | 15 janvier 2018

Au cœur de la vieille ville de Jérusalem se trouve un mur massif qui a défendu la ville de Jérusalem au 8e siècle avant notre ère, sous le règne d’Ézéchias, contre les attaques des Assyriens. Quelques textes bibliques font même référence à cette construction impressionnante.

Le récit d’une découverte

Ce fut certes une découverte forte importante que celle de ce mur imposant retrouvé dans le quartier juif de la vieille ville. Les fouilles qui avaient été menées jusqu’alors avaient permis de trouver quelques traces d’occupation de la colline ouest, dont des statuettes, des sceaux et quelques ostraca, mais peu de structures significatives associées au 8e siècle avant notre ère. Les choses allaient changer quand l’équipe de Nahman Avigad entreprit de dégager les restes qui se trouvaient sous les maisons que l’on venait de démolir pour aménager le nouveau quartier juif.

Cet épais mur de ville devait relier l’esplanade du temple de Salomon à une ligne de muraille qui passait proche de la citadelle (porte de Jaffa), protégeant donc le flanc nord le long de la vallée transversale (rue de David). La partie dégagée fait 65 mètres de longueur par 7 mètres de largeur. Celle-ci ne représente en fait qu’une toute petite  partie de ce qu’était cette muraille.  On peut dire qu’il s’agit des fondations de la muraille. 

Ce qu’en dit la Bible

Les textes bibliques parlent de la fortification de la ville par Ézéchias à l’approche des troupes assyriennes (2 Ch 32,5). Il est question des murailles de Jérusalem reconstruites, mais on sait aussi que, devant l’arrivée de Sénnachérib, Ézéchias a dû fortifier la partie de la ville qui avait sans doute accueilli plusieurs réfugiés du royaume d’Israël, ces derniers ayant quitté le royaume de Samarie après 721, date de la chute du royaume du Nord. Isaïe fait aussi allusion à ces constructions :

On arrache à Juda son voile -
tu te retournes ce jour-là
vers l’arsenal, vers la maison de la Forêt
dans la ville de David : lézardes
vous les voyez gagner
vous courrez collecter l’eau de la citerne basse
vous comptez les maisons dans Jérusalem
et vous en abattez pour grossir le rempart
pratiquant une cuve entre les deux remparts
pour l’eau de la vieille citerne. (Is 22,9-11)

Mur d'Ezéchias

(photo : Nemo / Creative Commons)

Autre découverte intéressante associée au mur d’Ézéchias : ces quelques pierres qui forment les murs d’une ancienne maison israélite du 8e siècle. Elles illustrent très bien les propos d’Isaïe signalés plus haut alors qu’il s’en prenait au roi qui avait sacrifié des maisons pour renforcer la muraille. Voici les restes de l’une de ces maisons sacrifiées. Le mur passe directement sur elle. Les propriétaires en auront été évincés pour permettre une meilleure protection de la ville. L’expropriation, ça ne date pas d’hier.

Sur la photo ci-contre, l’homme debout, au milieu du mur, nous donne une bonne idée de l’imposante masse. Les fouilles ont révélé, à proximité du mur, plusieurs pointes de flèches assyriennes, témoins des combats qui ont eu lieu dans cette région de la ville autour de 701. On sait que Jérusalem résista et fut sauvée par le départ en catastrophe des troupes assyriennes.

Remarquez comment se présentait le quartier juif dans les années 1970, alors qu’on se préparait à construire de nouveaux édifices ultra modernes qui allaient se démarquer très fortement des anciennes constructions mameloukes et ottomanes.

Mur d'Ezéchias

(photo : Ian Scott / Creative Commons)

C’est ainsi que se présente maintenant l’imposant mur d’Ézéchias, au beau milieu du quartier juif. Les architectes qui avaient pensé l’aménagement de ce nouveau quartier n’avaient pas prévu, au départ, que l’on découvrirait des choses aussi importantes ici. Ils ont donc dû modifier leurs plans pour conserver quelques-uns des éléments les plus significatifs des fouilles menées par Avigad et son équipe. C’est ainsi que le gros mur se retrouve en plein centre des habitations du quartier juif. Les gens sont donc quotidiennement en présence d’une page marquante de leur histoire et d’un témoin qu’il faut contourner (même si c’est un incontournable) pour rentrer chez soi. Les enfants, qui viennent jouer dans le petit parc à proximité, côtoient aussi leur histoire.

La mesure étalon, sur le côté droit, donne une idée de la hauteur que devait atteindre ce mur de ville à l’époque d’Ézéchias, soit près de huit mètres plus haut que son niveau actuel (chaque portion indique un mètre. Une partie se retrouve camouflée dans les feuilles du haut de la plante). La voiture au-dessus donne aussi une bonne idée de l’importance de la muraille. Ça, c’est de la fortification, qui ne sert pas qu’à l’esthétique comme la muraille actuelle de Jérusalem. Avant d’enfoncer une telle muraille, il faut s’y prendre plus que deux fois...

Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.

Mur d'Ezéchias

(photo : Robert David)